Il est beaucoup question de Amadou BA ces derniers temps, sa visite à Paris, sa rencontre avec les autorités politiques au plus haut niveau, sa rencontre avec les Sénégalais de l’Extérieur. La visite politique franco-sénégalaise est un succès. Il a vu beaucoup de Sénégalais, le journal Le Soleil dit qu’il y avait 3.000 personnes environ, rien à voir avec le grand meeting de 2011, organisé par le candidat Macky Sall au palais des Congrès à Paris où il y avait eu plus de 10.000 personnes. J’y étais. Ce fut gigantesque. Demain (aujourd’hui), il sera donc investi par l’APR, après le PS et l’AFP de Moustapha Niasse. Qu’en est-il du soutien total de l’APR ? Beaucoup en doutent ; beaucoup en doutent. J’en doute moi-même. Il y a au sein de l’APR de très fortes inimitiés entre le candidat Amadou BA et certains responsables politiques de l’APR. Je sais et j’espère que le président de la République pourra réconcilier les esprits et pacifier les débats mais je reste sceptique quand-même. C’est une grande coalition. Il reste à savoir donner sur le terrain. J’ai personnellement assisté, à travers plusieurs pays, aux élections présidentielles, Cote d’Ivoire, Gabon, Mali, Burkina Faso et autres. Il y avait les candidats et des autres. Là, on ne peut pas le dire, qu’il y a le candidat favorissime et les autres. J’espère du fond du cœur que Amamdou BA qui est un excellent candidat pourra recueillir l’adhésion totale de cette coalition.
Amadou Ba tarde à s’affirmer en tant que candidat. On ne le sens pas. Qu’est-ce qui explique son attitude ?
Les gens se posent la question de savoir si Amadou Ba est un excellent candidat. Pour ma part, j’estime que c’est un très bon candidat mais les gens sont restés très attachés à l’image de l’actuel président de la République, Macky Sall. J’ai assisté à ses côtés pendant deux jours à une tournée en Casamance. C’était en délire total, un enthousiasme délirant. Il est évident que le personnage Amadou BA n’a rien à voir avec le personnage Macky Sall. C’est deux tempéraments différents. Amadou BA, du côté présidentiel, je pense que c’est le meilleur candidat et le choix qui s’est porté sur lui, est un choix juste, raisonnable et légitime. Mais, on cherche derrière Amadou BA, toujours la marque de l’ancien, l’ancien c’est-à-dire l’actuel président. Ils sont totalement différents.
Beaucoup s’interroge sur son discours et son programme. On ne connaît pas ses orientations programmatiques…
Il est vrai que pour l’instant Amadou BA se contente de discours à tonalité générale en cherchant en vain un programme, des idées directrices, des orientations de politique générale. J’ose espérer que lorsque la campagne présidentielle sera ouverte et effective, il va dévoiler le programme. Pour l’instant, il agit comme agirait un Premier ministre qui dévoile çà et là son programme de politique générale.
A ce stade, quel doit être le sentiment du président MACKY SALL ?
Je me suis entretenu la semaine dernière avec le président Macky Sall. Je puis vous dire qu’il est confiant. Il est conscient aussi que tous les gens ne sont pas totalement satisfaits de la campagne telle qu’elle est menée jusque-là. Il sait que les améliorations sont à apporter et il est certain que Amadou BA va apporter ces corrections à sa campagne. Et j’ai trouvé le président extrêmement serein, confiant, déterminé à aider le candidat. Lorsque je lui ai dit que je n’étais totalement sûr que Amadou Ba passait au premier tour, il m’a dit non qu’il avait la conviction que l’élection ce sera au premier tour.
Selon les confidences que vous avez avec le président SALL, croit-il à la victoire de Amadou Ba ?
Il est évident que Macky Sall croit en la victoire de Amadou BA aux élections. Le débat qui s’est instauré entre lui et lui, c’est de savoir si Amadou va passer au premier ou au second tour. Lui dit qu’il a des chances sérieuses de passer au premier tour. Moi je lui ai dit que j’étais sceptique. Mais il croit en la victoire de Amadou BA.
« Il sera difficile à Karim WADE d’être candidat »
Karim WADE prépare son retour. Quelles sont ses chances ?
Karim WADE, fait parler de lui intramuros et extramuros depuis quelques temps. Sa photo apparait un peu partout, les réseaux sociaux s’enflamment autour de sa candidature. J’attends de voir si Karim Wade va être candidat à la présidentielle. Mais, il y a quand-même des obstacles à sa candidature. Ils sont d’ordre juridiques, d’ordre constitutionnel et d’ordre financier.
Il y a un débat autour de sa nationalité française. La constitution sénégalaise dit qu’un candidat doit être exclusivement de nationalité sénégalaise. N’est-ce pas un obstacle pour Karim WADE?
Il est vrai que la Constitution stipule que, un candidat doit être strictement et uniquement de nationalité sénégalaise. Je n’imagine pas un seul instant que le Conseil constitutionnel puisse déroger à un règlement dont le respect lui est imposé. Le conseil Constitutionnel est là pour faire respecter la loi et les règlements. S’il s’avère que Karim Wade a la double nationalité et qu’il n’a pas renoncé à la nationalité française, il lui sera difficile d’être candidat et le droit est fait pour être respecté surtout par le Conseil constitutionnel.
Récemment le président MACKY SALL était au forum de Doha. Il a rencontré l’Emir du Qatar. Croyez-vous qu’ils ont parlé de retour de Karim Wade?
Je ne suis pas dans le secret de Dieu. C’est vrai que le président Macky Sall était à Doha. Il a rencontré l’Emir du Qatar. Savoir s’ils ont plus ou moins parlé de Karim WADE, je l’ignore totalement. Et d’ailleurs je me suis bien gardé de poser la question au président Macky Sall lorsque je l’ai rencontré la semaine dernière. Mais de vous à moi, c’est une possibilité qu’ils puissent parler de Karim et de son retour au Sénégal. Mais je n’en sais pas plus.
Karim Wade devrait payer une amende de 138 milliards de la CREI. Croyez-vous qu’il soit bloqué pour cela au niveau du conseil constitutionnel ?
Il y a un autre obstacle à la candidature de Karim Wade. C’est l’amende que lui a infligée la CREI, l’amende de 138 milliards. J’imagine difficilement le Conseil constitutionnel permettre à une personne sous le coup d’une amende de 138 milliards F CFA être candidat. Je l’imagine difficilement mais vous savez en politique tout est possible. Mais le Sénégal est le visage même de la démocratie en Afrique. Je suis sceptique, véritablement sceptique à propos de la candidature effective et réelle de Karim à la présidentielle : double nationale, amende de 138 milliards, je vois difficilement le Conseil constitutionnel faire abstraction de ces deux obstacles majeurs.
Si Sonko était empêché, le candidat qu’il désignera Sonko sera autrement plus dangereux que Khalifa Sall à moins que le choix de Sonko se porte sur Khalifa Sall
Pour des raisons politiques si Ousmane SONKO et Karim WADE étaient bloqués en même, Khalifa SALL serait le principal adversaire de Amadou Ba. Qu’en pensez-vous ?
Ousmane Sonko et Karim Wade empêchés de se présenter ? Vous avez tort de croire que Khalifa Sall sera le principal candidat. Si Sonko était empêché, comme tout semble l’indiquer, le candidat que désignera Sonko sera autrement plus dangereux que Khalifa Sal. A moins que le choix de Sonko se porte sur Khalifa Sall. Seul Ousmane Sonko sait ce qu’il fera le moment venu. Seul lui le sait. Mais, si tant de choses ne s’étaient pas passées, ces dernières années, Ousmane Sonko aurait été candidat de premier ordre. Mais les fautes majeures qu’il a commises l’en ont empêché.
Que pensez-vous des fonds qataris qui seraient remis à SONKO ?
Voilà qu’on parle de financement de candidature par l’étranger. C’est un sujet que je connais bien. J’en ai fait la pratique indirectement. Et j’en ai fait le jugement que vous connaissez en septembre 2011 lorsque j’ai dénoncé le financement des partis politiques français par des chefs d’Etats africains. On dit qu’il y a des fonds qataris qui ont été remis à Ousmane Sonko ; personne ne le sait. Personne n’est en mesure de le dire et de l’affirmer avec certitude. Eviter de vous perdre dans ce débat-là. Si financement qatari, il y a ou il y a eu, cela se saura. Mmais le dire maintenant ne me parait pas intelligent.
Il semble que des agences de communication françaises cherchent à gagner des marchés dans la campagne présidentielle au Sénégal. Quel conseil donnez-vous aux candidats ?
Sur RFM, aujourd’hui même (l’interview est réalisée hier), j’ai dénoncé toute intervention étrangère dans la politique au Sénégal. Cela suffit de faire appel, pour la communication politique au Sénégal, à des agences de communications étrangères essentiellement françaises. Les communicants français ont beaucoup à faire en France. Et les agences de communication françaises n’ont rien à faire en Afrique encore moins au Sénégal. Aux communicants politiques sénégalais de gérer la communication politique des candidats. J’en appelle à la sagacité des candidats sénégalais. C’est une question de patriotisme. C’est une question de sérieux. Il y a des journalistes capables de faire la communication politique des candidats à l’élection présidentielle au Sénégal. Il y a des agences de communication ; j’en connais personnellement mais il est évident que je n’interviendrais au profit de qui que ce soit. Mais je demande aux candidats d’arrêter cette machine qui est de se tourner vers les agences de communication françaises ou américaines pour faire la communication politique au Sénégal. Aux Sénégalais et aux seuls Sénégalais de s’occuper, de faire et de gérer la communication politique des hommes politiques sénégalais. J’en appelle à la sagesse, à la raison des candidats. Stop et Fin, ça suffit. Les communicants étrangers n’ont rien à faire au Sénégal. Ce temps-là est terminé. Rappelez-vous la communication du président WADE : fiasco. Rappelez-vous la communication du président Diouf : fiasco. Et tant d’autres avant et tant d’autres dans d’autres pays. En plus, ça coûte excessivement cher, très, très et trop cher. Ça suffit.
En tant qu’avocat sénégalo français, pouvez-vous éclairer les sénégalais sur la procédure de renonciation à la nationalité française. Il y a beaucoup de débats mais vous êtes une personne bien placée pour éclairer a ceux qui ne savent pas. Comment renonce t on a la nationalité française ? Auprès de qui renonce-t-on? Comment savoir que la renonciation est acceptée?
Si Karim Wade surmonte les obstacles qui se posent à sa candidature, d’ordres constitutionnel et financier, il lui sera facile d’être candidat. Il lui est facile de renoncer à la nationalité française. Il en fait la demande aux autorités compétentes en France. Il déclare solennellement qu’il renonce à la nationalité française, qu’il le fasse savoir et les choses seront claires. Il ne sera plus titulaire que de la seule nationalité sénégalaise puisque la constitution exige de tout candidat d’être exclusivement et uniquement sénégalais. Il est facile de renoncer officiellement, solennellement à la nationalité française. Il écrit aux autorités politiques et consulaires françaises et il le fait savoir.
Quelle doivent être les relations entre le candidat Amadou Ba et la France dans une Afrique en forte mutation socio politique avec un sentiment anti français porté par une jeunesse exigeante ?
Si le candidat Amadou BA venait à être élu, ce qui est mon vœu, le plus profond et le plus sincère, il faudra être extrêmement vigilent, pour ce qui concerne la relation entre la France et le Sénégal. Le monde a changé. La France se rend compte au fur et à mesure des échecs qu’elle rencontre de plus en plus en Afrique, que le monde a changé. Nous sommes entrés dans un mondialisme politique. La politique s’est mondialisé. L’époque où la France était la seule puissance étrangère à gérer les intérêts politiques français et sénégalais est révolu. Amadou BA doit être extrêmement vigilent. Il lui faudra évoluer. Amadou BA, je le sais, est très apprécié en France. Je ne dis pas que la classe politique française soit derrière lui ou avec lui, mais pour ce qui concerne les actuels dirigeants politiques en France, je puis vous dire que Amadou BA est fortement apprécié. Il a des relations personnelles excellentes avec de nombreux dirigeants politiques français mais il faudra tenir compte des aspirations de la jeunesse. La jeunesse sénégalaise est totalement opposée et pour longtemps voire pour toujours à une mainmise étrangère sur les orientations politiques du pays. La tâche va être très difficile mais je sais que Amadou BA est intelligent pour éviter et pour contourner les obstacles qui se dresseront sur sa route. Il faut savoir tourner la page. La France, douloureusement, se voit contrainte de tourner la page d’une certaine relation politique franco-africaine. Ce qu’on appelle la FrancAfrique est morte. C’est le dernier des mohicans de la France Afrique qui le dit et qui le dit en toute conscience et en toute sincérité. Cela ne veut pas dire que je ne sois plus consulté. Je suis consulté de toutes parts. Des Africains de tous les pays viennent me voir. Tous savent que j’appartiens à la France-Afrique d’antan parce qu’il y a de trésors culturels, sociaux que je connais et qui sont ignorés de ceux qui sont désignés pour gérer la politique française en Afrique.
Le président Macky Sall depuis quelques années, a su maintenir ses relations avec la France, tout en s’ouvrant à la Russie et aux pays arabes. Pensez-vous que Amadou Ba doit suivre cette nouvelle lignée du président Macky SALL ?
Je sais que s’il était élu, Amadou BA serait un excellent président de la République. Mais, le moule qui a fabriqué Macky SAll est cassé. Il a formé Macky Sall et uniquement Macky Sall. Je vais vous compter une anecdote qui va figurer dans les mémoires que je suis en train d’écrire, aidé en cela, par un très grand journaliste français dont je tairais le nom. Mais d’ici quelques mois, mes mémoires seront à la portée de ceux qu’ils intéresseront. La voici l’anecdote : lorsque le Général De Gaulle a quitté le pouvoir ayant perdu le référendum du 27 avril 1969, le 28 à midi, il n’était plus président de la République. Il avait renoncé de lui-même à la fonction suprême et comme l’indique la Constitution française il y a eu dans les 45 jours qui ont suivi le renoncement du Général De Gaulle, Georges Pompidou a été élu président de la République. Et dans les toutes premières heures qui ont suivi son élection, il a reçu celui qui avec lui a été le plus ancien collaborateur du Général De Gaulle. C’était Jacques Foccart. Depuis 1946 Jacques Foccart et Georges Pompidou étaient aux côtés du général De Gaulle et même pendant la traversée du désert qui a duré de 1946 à 1958. Donc il reçoit Jacques Foccart, tout de suite après avoir été élu président de la République et Jacques Foccart qui a été tout le temps aux côtés du Général De Gaulle, puisqu’il le voyait tous les jours, pendant la présidence, s’est cru obligé de donner quelques conseils au nouveau président de la République : « Georges il serait bon que vous fassiez ceci. Georges il serait bon que vous fassiez cela. Georges le Général faisait ceci. Georges le Général faisait cela ». Et Georges Pompidou de lui répondre ceci : « Jacques, il n’est pas question pour moi de mettre mes petits pas dans les grandes foulées du Général. Ce temps grandiose est révolu. Il nous faut gouverner autrement ». Voilà pour répondre à votre dernière question. A vous d’en tirer la quintessence. Il y aura Amadou BA mais il n’y aura plus Macky Sall. C’est deux personnages totalement différents. A vous de comprendre, ce que j’ai voulu dire par là.