Par Madior Salla
Le Sénégal est un pays de culture orale. La parole, l’écrit et l’image y pèsent lourdement dans l’orientation des destinées. Avec la marche du temps, la nouvelle civilisation a octroyé cette responsabilité à la presse composée d’organes d’informations qui, à travers des instruments de renseignements et d’actualités, jouent un rôle à la fois important et grave dans la société. Mais des dérives sont constatées en raison de la force de la liberté d’expression qui est une définitive conquête démocratique. Avec ces dérives, des vies sont tourmentées. Des carrières professionnelles s’écroulent. Des relations sociales sont brisées. Toute une Nation est ainsi menacée à cause d’intrus obscurs qui transforment la presse en instrument de destruction er de chantage.
En Afrique, le Sénégal a toujours été et est encore un pionnier de la liberté d’expression. La presse y a joué et y joue toujours un rôle fondamental et historique dans la conscientisation des masses populaires, la consolidation de la citoyenneté et l’illumination des esprits.
Des journalistes aux plumes alertes, dotées d’un bel esprit de discernement et d’un sens inné de la responsabilité ont fait ainsi les beaux jours de la presse sénégalaise. Avec cette pléiade de journalistes de haut niveau, l’organe de presse n’était pas seulement un instrument d’informations. Elle était aussi une vitrine magistrale de cogitation qui servait même de référence aux intelligences académiques.
Le premier Président de la République, Léopold Sédar Senghor, intellectuel fécond et poète fertile, avait un regard anticipateur sur l’avenir. Présageant des dérives, il avait eu la présence d’esprit de poser des palissades dans la chaine de l’information pour éviter et faire éviter les dérapages et les dérives préjudiciables à la République, à l’Etat de droit, à la vie des citoyens et à la Nation.
Mais son successeur Abdou Diouf dût céder à la pression démocratique et ouvrir la porte à toute initiative journalistique au nom de la liberté d’expression, immuable et irréversible.
Avec les années 2000, cette liberté d’expression et de presse a pris une nouvelle, tournure surtout avec le si délicat réseau des nouvelles technologies d’informations. En conséquence, la presse change et continue de changer, n’étant plus ce qu’elle était et prenant plus une voie grave, périlleuse et destructrice qu’un boyau de progrès social qui respecte l’éthique et la déontologie.
L’organe de presse : une arme de destruction
Un fait est maintenant constant au Sénégal : l’organe de presse est devenu plus un instrument de combat personnel et subjectif, une arme de destruction de citoyens anonymes et de personnalités publiques qu’un instrument de communication.
Les titres de journaux se multiplient. De cyniques brocanteurs sortis, on ne sait d’où, investissent le champ médiatique et se donnent la liberté totale et entière d’écrire ce qu’ils veulent selon un agenda d’intérêts singuliers. Ces intrus qui ne s’accommodent d’aucune éthique, d’aucune morale déontologique et d’aucune règle professionnelle n’ont qu’une finalité : solder des comptes à tiers personnes, être le bras armé d’un lobby ou d’une force occulte ou s’ériger en bouclier contre l’émergence d’autrui.
La conséquence fâcheuse est de bâcler des journaux de bigote pensés par des personnes encagoulées tapies dans l’ombre et écrit par des mercenaires qui se donnent le droit de transformer la plume journalistique en griffes abjectes et moyen de chantage.
Des vies sont ainsi bouleversées. Les fausses informations sur la vie de personnes, la carrière de hauts agents de l’Etat, le parcours professionnels de cadres chevronnés et l’épopée de grandes personnalités politiques, se multiplient, les menant tous vers le traumatisme.
Certains de ces organes de presse ne sont dans les kiosques que le temps d’une bataille à mener. D’autres s’éclipsent en raison du dégoût qu’ils provoquent. Et nul ne semble s’en émouvoir. L’Etat, pour ne pas être convoqué au procès d’atteinte à la liberté d’expression, reste coi.
« Selon nos sources » est toujours le refuge de ces pirates de la presse qui inondent le Sénégal de journaux infâmes qui, en fait, ne sont que des charretées de masques déguisés en informateurs que protège la démocratie.
Beaucoup de personnalités publiques ont une frayeur matinale, parce qu’angoissées par la Une des journaux qui ne les épargnent guère. Pour peu qu’elles toussent, elles voient leur expectoration informée au peuple en vomissement.
Pourtant l’information figure parmi les principaux instruments de participation démocratique. Nul n’en disconvient. Mais le pluralisme dans ce secteur délicat de la vie nationale a ouvert la voie à toute sorte de dérives et de dérapages.
Un exemple criard est ce site qui livre une information de plus de cinq ans, évoquant des organes de presse qui n’existent plus, pour remettre sur la toile une dépêche surannée dans l’unique but de faire mal. Moubarak LO serait convoqué à la DIC, une information de 2011, remise sur le réseau en cette année 2016 ! Une ignominie intolérable !
C’est la preuve qu’autant le pluralisme a garanti une multiplicité de formes d’information et de communication, autant il est temps, plus que jamais temps, d’élaborer des lois appropriées pour la protection de la vie et de la dignité humaine.
Certains organes de presse sont eux-mêmes des obstacles qui entravent la pleine réalisation du droit des citoyens à l’objectivité de l’information. Les esprits lucides peuvent parfaitement séparer dans la presse le bon grain de l’ivraie. Mais pour le citoyen à l’esprit frêle, sensible, fragile et malléable, c’est un désastre , car il est faussement informé et pernicieusement intoxiqué.
L’inquiétant cas des Sites et du réseau des nouvelles technologies de l’information et de la communication
Avec le réseau des Ntic, le monde connait une grande, irréversible et ample révolution de l’information et de la communication.
Le site internet a pour mission principale de faciliter et de rendre véloce et expéditive l’information à diffuser. Des sites pilotes, professionnels, fiables et crédibles existent au Sénégal et se singularisent par la qualité de la toile qu’ils proposent et le respect des normes. L’information spontanée qu’ils livrent permet un saisissement immédiat des données de faits et des réalités de la communauté.
Mais d’autres sites imbibent la toile avec une orientation pernicieuse et une sinistre volonté de promouvoir le mal, la perversion, la dépravation, l’avilissement et l’altération par une diffusion d’informations d’une honteuse et dangereuse fausseté.
L’instantanéité de la fausse information que ces sites livrent, produit des effets pervers et destructeurs qui peuvent conduire au chaos. Ce qui est désastreux est surtout la reprise, en un temps record de la fausse information qui, avec une célérité incommensurable, fait le tour du monde, blesse, offense, scandalise et traumatise.
Pire, des internautes et des visiteurs de sites se donnent l’effroyable liberté d’envoyer des commentaires injurieux et outrageux, insultant personnalités politiques, autorités morales et religieuses avec une permissivité inouïe, heurtant leurs familles en les mettant dans un état d’ébranlement moral gravissime.
Aucune mesure n’est prise par l’Etat, dont la responsabilité est de protéger la vie des citoyens.
Dans certaines démocraties, des lois sont établies et des barrières dressées contre les sites libertaires où tout est permis et tout se permet jusque dans les commentaires anonymes et destructeurs.
Ce n’est pas le cas du Sénégal où l’écrasante majorité des sites est animée par des aventuriers conduits par un louche destin. De leurs claviers, ils alimentent une toile apocryphe d’une moralité professionnelle douteuse, parce que diffusant de la forfaiture, foulant aux pieds le droit et la morale, l’éthique et la déontologie, se disant surtout journaliste alors qu’ils ne sont que des maroufles et de la toxine pernicieuse.
Dans ces sites, toute une boucherie est émise, transformant une partie du réseau internet en presse infâme, négation de toute morale, obstacle de tout progrès civilisé, destructrice et violatrice de l’éthique et de la loi.
Des parodies d’informations, des comédies d’analyses et des semblants de commentaires sont quotidiennement livrés par ces sites qui, du fonds de leurs masures, griffonnent, bavent, égratigne et calomnient sans aucune forme de procès.
La responsabilité de l’Etat, du CNRA et des vétérans
Les organes d’information doivent être utilisés pour édifier la communauté nationale sur les différents secteurs de la vie. Ils doivent être consciencieusement au service du bien commun. Parce que la société a droit à une information fondée sur la vérité, l’Etat doit prendre ses responsabilités et établir des lois qui garantissent à la fois la liberté d’expression et protègent en même temps la vie privée et la dignité humaine du citoyen.
Le CNRA est certes ambitieux et responsable. Mais il n’a aucun pouvoir de décision et de sanction contre les organes de presse et surtout les sites qui vivent d’ignominie, de pamphlets et d’atteintes à la morale publique, aux mœurs, à la dignité humaine et à la sécurité sociale.
En appoint, il urge la mise en place d’un Conseil de Sentinelles de la Presse qui serait composé de vétérans, de personnalités alertes de la presse, pour servir de gardiens de l’éthique et de vigiles de la morale déontologique afin d’aider la presse, à travers toutes ses modes d’expression, à se lessiver pour se remettre sur une bonne orbite, celle des appareils d’information et de communication en phase avec les normes morales et les règles déontologiques.
Il y va de l’intérêt de toute la Nation sénégalaise !
Madior SALLA
( Lanceur d’Alerte )