En 2011, au moment où éclatait ce qu’on a appelé par la suite « le printemps arabe », des mains invisibles ont préféré intervenir pour transformer ce qui a commencé comme des protestations à caractères sociales en des révolutions à dimensions politiques. Dans certains pays en Afrique du Nord, particulièrement en Libye, les protestations ont rapidement viré en rébellion plongeant le pays connu pour sa stabilité dans le chaos. Derrière la révolte, des mains étrangères mais également des mains africaines. Retour sur l’histoire d’une trahison à 20 millions d’euros.
Nicolas Sarkozy, l’initiateur
Aujourd’hui en garde à vue pour répondre de ses actes devant la justice française, l’ancien président français Nicolas Sarkozy a toujours été présenté comme le principal acteur de l’intervention de l’OTAN en Libye. Une intervention à coup de frappes aériennes qui a affaibli la position du guide libyen Muammar Kadhafi et a permis aux rebelles de gagner du terrain pour venir à bout des forces du régime en place.
Officiellement, l’intervention de l’OTAN avait pour objectif « d’empêcher un président de tuer son peuple ». Officieusement, la mission était d’en finir avec une voix qui devenait un peu trop gênante. En employant la manière forte, l’ancien locataire de l’Elysée pensait pouvoir enterrer le guide libyen et tous ses secrets avec lui. Mais c’était sans compter sur Ziad Takieddine.
Le marchand d’armes et homme d’affaire franco-libanais a préféré attirer les lumières sur les relations entre l’assassinat de Kadhafi et son financement de la campagne présidentielle de Sarkozy. Et ce n’est pas tout, Takieddine vient de mettre en avant le rôle joué par des africains dans la chute de l’un de leur frère. En quête d’argent facile, l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade, a servi les intérêts de Sarkozy en Libye, vient de révéler le franco-libyen dans un entretien avec la presse.
Abdoulaye Wade, le comparse
« La France a ses valets en Afrique. Ils ne vénèrent pas Dieu, ils vénèrent l’Elysée. Certains ont leurs raisons. Abdoulaye Wade a reçu 20 millions d’euros pour son fils. C’est le Qatar qui a payé, nos espions nous disent tout. Mais nous avons de nombreux amis sur le continent ». Personne n’avait cru en ses paroles révélées par le fils de Muammar Kadhafi, Seïf El-Islam, en 2011. Aujourd’hui, après les confirmations de Ziad Takieddine, ces paroles retrouvent tout leur sens.
Président du Sénégal à l’époque, Wade était le premier chef d’État à s’être rendu dans le fief des rebelles de Benghazi. Faisant du Sénégal le premier pays à avoir reconnu, le 27 mai, le CNT comme « seul représentant légitime du peuple libyen », Abdoulaye Wade a passé environ sept heures dans le fief des insurgés, dont il avait déjà reçu une délégation, fin mai 2011. Ces actions imprudentes et inexplicables à l’époque sont désormais plus compréhensibles. La présence de Wade sur le territoire Libyen n’était pas pour la médiation mais pour accomplir des missions sur commande pour le président français de l’époque.
Dans une déclaration au magazine panafricaine « Jeune Afrique » datant du 15 juin 2011, soit le jour même de sa visite en Libye, l’ancien chef de l’État sénégalais a été trahi par ses propres mots. « J’ai conseillé à plusieurs reprises à Kadhafi de quitter le pouvoir avant que la Cour pénale internationale ne se saisisse de son cas » a-t-il affirmé en oubliant qu’il n’avait pas le droit de s’ingérer dans les affaires internes d’un pays ami du Sénégal.
Karim Wade, le bénéficiaire
« Tel père, tel fils », c’est le message envoyé aux sénégalais par l’homme qui a fait tomber Nicolas Sarkozy afin d’attirer leur attention sur la nature de Karim Wade. Pour Ziad Takieddine, l’argent amassé par le père avait le fils comme bénéficiaire. Toutefois, ces propos ne sont pas nouveaux. En effet, les juridictions spécialisées dans la lutte contre la fraude au Sénégal se sont déjà intéressées à plusieurs affaires remontant jusqu’au fils « prodige » d’Abdoulaye Wade. En 2013 notamment, le Procureur spécial avait été informé grâce à la coopération judiciaire d’une remise de 20 millions d’euros offerts au Sénégal en guise de don quelques mois auparavant. Le montant a rapidement disparu des caisses de l’État pour se retrouver entre les mains de l’un des proches collaborateurs du régime de Wade, avaient affirmé plusieurs journaux à l’époque.
Un montant de 20 millions de dollars a été donc suffisant pour le père Wade pour assurer l’avenir de son fils Karim. C’était également le prix pour trahir une amitié de longue date avec le guide libyen Muammar Kadhafi. En effet, celui qui avait demandé aux sénégalais d’élire Wade Président à vie est passé rapidement du rang d’ami intime à « pas ami du tout ». Après sa visite à Bengazi en 2011, Abdoulaye Wade n’a pas hésité à nier toute amitié avec celui qu’il s’apprêtait à trahir. Mais pour les personnes qui ont connu les relations entre les deux hommes, il n y a aucun doute, « si Kadhafi n’est pas l’ami de Wade, alors Wade n’a pas d’amis ».