« Président intérimaire ». L’expression a tout son sens, surtout qu’elle est avancée, et pour première la fois d’ailleurs, par l’un des proches du chef de l’État Macky Sall. Pourtant, celui-ci affirmait clairement, le 22 février dernier, qu’il écartait toute idée de démission, non sans annoncer et réitérer qu’il allait quitter ses fonctions de président de la République le 2 avril prochain, à la fin de son second et dernier quinquennat.
Pour Madiambal Diagne, le chef de l’État compte saisir les sept sages, demain vendredi, pour leur demander d’installer un président intérimaire. « Sa décision est irrévocable. Macky Sall nous a annoncé qu’il va écrire au Conseil constitutionnel le 1er mars 2024 pour préciser qu’il quitte ses fonctions au terme de son mandat et qu’il invite le CC à installer un président intérimaire à la date du 2 avril 2024 », a-t-il posté sur X.
Mais, que va-t-il se passer, si tel est le cas ? Le président de l’Assemblée nationale, le Dr Amadou Mame Diop, sera-t-il le cinquième président de la République du Sénégal ? Pour cette interrogation, les experts semblent divisés.
Un juriste contacté par Seneweb précise que si le président quitte ses fonctions le 2 avril, il ne s’agit pas de vacance de pouvoir prévue par la Constitution. Il rappelle que la charte fondamentale prévoit un intérim à la tête de l’État dans son article 39 : « En cas de démission, d’empêchement ou de décès, le président de la République est suppléé par le président de l’Assemblée nationale. » « Au-delà du 2 avril, nous ne serons plus dans le cadre de suppléance, en tout cas pas tel que mentionné dans les dispositions constitutionnelles c’est-à-dire ‘’démission’’, ‘’empêchement ou ‘’décès’’», a ajouté notre interlocuteur, préférant attendre de voir l’appréciation que le Conseil constitutionnel fera de cette situation.
« Le seul cas de suppléance prévu par la Constitution concerne le président de l’Assemblée nationale qui est la deuxième personnalité de l’État. Donc, s’il y a lieu de choisir un président par intérim, ce sera sans nul doute le président de l’Assemblée nationale », explique un autre juriste.
«Macky Sall peut, à deux, trois jours de la fin de son mandat, démissionner »
« Nous ne sommes pas dans le cadre de l’article 39 qui prévoit la vacance du pouvoir. Personne ne va le remplacer durant la période du report », appuie l’analyste politique Babacar Ndiaye. Il s’agit d’un cas de figure sans précédent. « On va vers l’inconnu », a-t-il notamment prévenu sur TV5.
Toutefois, du côté de la majorité, l’on annonce une autre stratégie qui pourrait être favorable au successeur de Moustapha Niasse au niveau du Parlement sénégalais. « Il nous a habitués à des surprises, laisse entendre un proche du Premier ministre Amadou Ba. Il peut, à deux, trois jours ou à une semaine de la fin de son mandat, rendre le tablier et dans ce cas, le Conseil constitutionnel sera tenu de constater la vacance du pouvoir et installer le président de l’Assemblée nationale ».
Installé dans le fauteuil présidentiel, le suppléant aura 60 à 90 jours pour organiser le scrutin présidentiel. Une situation que beaucoup d’observateurs de la vie politique considèrent comme une prolongation du mandat par autre moyen. « On sait tous qu’Amadou Mame Diop est un poulain du président Macky Sall et il est très proche de la famille de la première dame Marième Faye Sall. Donc s’il est installé à la tête du pays, c’est comme si c’est son mentor qui restait au pouvoir », ajoute notre informateur membre de l’entourage du candidat de Benno Bokk Yaakaar (BBY).
En tout état de cause, si l’on se fie aux informations relayées par la presse de ce jeudi, Macky Sall semble prêt à tous les scénarios, s’il toutefois il se heurtait au niet des sept sages. « Si le Conseil constitutionnel lui impose une date, il peut ne pas prendre un décret pour convoquer le corps électoral. Parce que rien ne l’y oblige », croient savoir des voix du palais qui se sont confiées au journal « L’Observateur ». Ces dernières rapportent qu’en Conseil des ministres mercredi, « Macky Sall n’a pas manqué de relever que les prérogatives électorales prêtées au Conseil constitutionnel [précisément celle d’envoyer les Sénégalais aux urnes] ne sont inscrites nulle part. Il a rappelé que la mission du Conseil se limite à valider les candidatures, vider les contentieux liés au scrutin et publier les résultats des élections».
« L’Observateur » rapporte que le président de la République est allé plus loin. Il «a utilisé un ton menaçant au cas où le Conseil constitutionnel prendrait une décision contraignante».