ONTRIBUTION AU DÉBAT SUR LES COURS DISPENSÉS PAR LES ENSEIGNANTS DU PUBLIC DANS LES ÉCOLES PRIVÉES.
On ne dirige pas un ministère aussi sensible que l'éducation par la répression. L'enseignement privé est plutôt au service des élites. Ce sont les meilleurs profs de Dakar des établissements publics qui donnent d'autres cours dans les écoles privées où les ministres envoient leurs enfants. A-t-on vraiment réfléchi à ce qu'on interdit? Si les profs cessaient leurs cours dans les établissements privés, c'est sûr que dans les grandes villes les résultats au BAC et au BFEM baisseraient de plus de 10% ou en tout cas très sévèrement. Il faut évaluer l'impact d'une mesure contre un besoin social avant de la prendre. Au Sénégal, il n'y a pas de professeurs dans l'enseignement privé, sinon très peu. C'est l'Etat qui a le monopole et les moyens de former les professeurs. Et tous les professeurs formés par l'Etat sont affectés dans les établissements publics. On interdit une pratique qui est une bonne solution à l'échec scolaire. On va la remplacer par quoi? Si demain les résultats s'effondrent, l'Etat n'offrira rien aux élèves exclus que les parents vont inscrire dans les écoles privées où on interdit aux professeurs du public de donner des cours payants. D'ailleurs pour certaines disciplines comme les maths en série S1 et 2, il est impossible de trouver dans certaines localités un professeur qui ne soit pas du public. S'il est interdit de cours, l'école devra mettre une croix au cours de maths. Comment imaginer pareille mesure en S1? En clair, en langage moins codé, on les exclut pour les obliger à échouer encore sous prétexte que l'Etat ne peut prendre en charge toutes les incohérences du système. J'assume mes propos. Je le dis en tant qu'inspecteur ayant dirigé une circonscription où aucun chef d'établissement privé n'a ni les moyens ni les compétences pour recruter, former et payer des professeurs qualifiés. Et l'enseignement est une demande sociale incompressible. Dans beaucoup de localités ce sont les populations elles-mêmes qui encouragent et tiennent à bout de bras les déclarants responsables qui y ouvrent des écoles privées. Si les professeurs du public cessaient immédiatement de donner des cours dans les écoles privées, la contribution de l'enseignement privé dans la réussite scolaire va simplement disparaître dans bien des localités de notre pays. Alors qu'on aille pas crier demain haro sur les enseignants pour dire que les résultats sont globalement mauvais.
Le même scénario se passe pour la santé. Si les meilleurs médecins spécialistes de Dakar qui sont dans les grands hôpitaux publics (cardiologues, urologues, diabétologues, néphrologues, cancérologues, gynécologues, etc.), cessaient d'officier dans les cliniques huppées de Dakar, je peux vous garantir que beaucoup de membres du gouvernement ou de leur famille se retrouveraient rapidement au cimetière de Yoff ou à celui des chrétiens de Bel Air. La loi interdisant aux fonctionnaires d'exercer une fonction lucrative ne peut plus être appliquée dans la santé et l'éducation sans avoir des conséquences dramatiques. Elle date de l'ère senghorienne et ne peut plus être respectée comme telle et elle ne l'a jamais été intégralement. Quand Tane Bombé va dans une clinique, personne ne pense à interdire au grand toubib, haut fonctionnaire de la santé à soigner le fils à papa mais le professeur de maths ne peut lui donner des cours de trigonométrie dans une école privée du genre de celles qui ont remplacé Yavuz Selim, fermée dans les tristes conditions que l'on sait. A défaut de changer cette loi surrannée, il faut éviter de prendre des mesures répressives inutiles. Laissez le grand toubib de Dantec soigner Tanne Bombé à papa mais le pauvre prof de maths du lycée Blaise Diagne doit pouvoir lui donner à la sortie de l'hôpital un cours d'algèbre dans un collège privé de Dakar où il officie comme un toubib du savoir.
IBRA NDIAYE Inspecteur de l'éducation, Dr du CRFPE de Fatick
On ne dirige pas un ministère aussi sensible que l'éducation par la répression. L'enseignement privé est plutôt au service des élites. Ce sont les meilleurs profs de Dakar des établissements publics qui donnent d'autres cours dans les écoles privées où les ministres envoient leurs enfants. A-t-on vraiment réfléchi à ce qu'on interdit? Si les profs cessaient leurs cours dans les établissements privés, c'est sûr que dans les grandes villes les résultats au BAC et au BFEM baisseraient de plus de 10% ou en tout cas très sévèrement. Il faut évaluer l'impact d'une mesure contre un besoin social avant de la prendre. Au Sénégal, il n'y a pas de professeurs dans l'enseignement privé, sinon très peu. C'est l'Etat qui a le monopole et les moyens de former les professeurs. Et tous les professeurs formés par l'Etat sont affectés dans les établissements publics. On interdit une pratique qui est une bonne solution à l'échec scolaire. On va la remplacer par quoi? Si demain les résultats s'effondrent, l'Etat n'offrira rien aux élèves exclus que les parents vont inscrire dans les écoles privées où on interdit aux professeurs du public de donner des cours payants. D'ailleurs pour certaines disciplines comme les maths en série S1 et 2, il est impossible de trouver dans certaines localités un professeur qui ne soit pas du public. S'il est interdit de cours, l'école devra mettre une croix au cours de maths. Comment imaginer pareille mesure en S1? En clair, en langage moins codé, on les exclut pour les obliger à échouer encore sous prétexte que l'Etat ne peut prendre en charge toutes les incohérences du système. J'assume mes propos. Je le dis en tant qu'inspecteur ayant dirigé une circonscription où aucun chef d'établissement privé n'a ni les moyens ni les compétences pour recruter, former et payer des professeurs qualifiés. Et l'enseignement est une demande sociale incompressible. Dans beaucoup de localités ce sont les populations elles-mêmes qui encouragent et tiennent à bout de bras les déclarants responsables qui y ouvrent des écoles privées. Si les professeurs du public cessaient immédiatement de donner des cours dans les écoles privées, la contribution de l'enseignement privé dans la réussite scolaire va simplement disparaître dans bien des localités de notre pays. Alors qu'on aille pas crier demain haro sur les enseignants pour dire que les résultats sont globalement mauvais.
Le même scénario se passe pour la santé. Si les meilleurs médecins spécialistes de Dakar qui sont dans les grands hôpitaux publics (cardiologues, urologues, diabétologues, néphrologues, cancérologues, gynécologues, etc.), cessaient d'officier dans les cliniques huppées de Dakar, je peux vous garantir que beaucoup de membres du gouvernement ou de leur famille se retrouveraient rapidement au cimetière de Yoff ou à celui des chrétiens de Bel Air. La loi interdisant aux fonctionnaires d'exercer une fonction lucrative ne peut plus être appliquée dans la santé et l'éducation sans avoir des conséquences dramatiques. Elle date de l'ère senghorienne et ne peut plus être respectée comme telle et elle ne l'a jamais été intégralement. Quand Tane Bombé va dans une clinique, personne ne pense à interdire au grand toubib, haut fonctionnaire de la santé à soigner le fils à papa mais le professeur de maths ne peut lui donner des cours de trigonométrie dans une école privée du genre de celles qui ont remplacé Yavuz Selim, fermée dans les tristes conditions que l'on sait. A défaut de changer cette loi surrannée, il faut éviter de prendre des mesures répressives inutiles. Laissez le grand toubib de Dantec soigner Tanne Bombé à papa mais le pauvre prof de maths du lycée Blaise Diagne doit pouvoir lui donner à la sortie de l'hôpital un cours d'algèbre dans un collège privé de Dakar où il officie comme un toubib du savoir.
IBRA NDIAYE Inspecteur de l'éducation, Dr du CRFPE de Fatick