Les fonctionnaires du ministère de l’Economie, des finances et du plan ont pu sécuriser une bonne partie des financements du Plan Sénégal émergent (Pse), en obtenant déjà environ 1 300 milliards de francs Cfa. Mais la disponibilité de cet argent ne fait pourtant pas bouger les choses. Parce que les projets qu’ils sont censés financer ne sont pas encore suffisamment élaborés, semble-t-il …
Où en sont les projets que le Plan Sénégal Emergent (Pse) doit financer ? Pourquoi l’impression générale dans le pays est que les choses ne bougent pas et que l’argent ne circule pas ? Des chefs d’entreprise, et non des moindres, se plaignent de ce qu’ils appellent, une recrudescence des marchés de gré à gré, qu’ils assimilent, pour bien d’entre eux, à du copinage, qu’on se demande s’il y a bien une stratégie pour faire démarrer les chantiers de Macky Sall.
Car en réalité, si Dakar ne ressemble pas à un vaste chantier, ce n’est pas par manque d’argent. Depuis le Groupe consultatif de Paris, les services financiers de l’Etat assurent que Dakar a de l’argent quasiment à ne savoir qu’en faire.
Ainsi, actuellement, les services du ministère de l’Economie, des finances et du plan se félicitent d’avoir encaissé déjà 950 milliards de francs Cfa décaissés par les Partenaires techniques et financiers (Ptf) au bénéfice des projets du Pse.
Cette somme, qui représente 26% de nouveaux engagements des Ptf, concerne le financement d’une cinquantaine de projets du Pse, qui portent dans les six secteurs dits prioritaires, qui vont de l’agriculture à l’énergie, en passant par ceux de l’eau potable et l’assainissement, des infrastructures et services des transports, de la santé et la nutrition, et enfin, de l’éducation et la formation.
La répartition a déjà été faite et les services du ministre Amadou Ba savent déjà quelle part prend chacun des secteurs. Par exemple, l’agriculture va absorber 174,2 milliards de francs Cfa, qui se déclinent en différents projets comme le renforcement de la résilience pour lutter contre l’insécurité alimentaire, la structuration de la filière arachide, l’irrigation dans la zone de Podor, ou le développement «inclusif et durable de l’agrobusiness», pour lequel l’Association internationale de développement (Ida) de la Banque mondiale a mis 43 milliards de francs F Cfa.
La même déclinaison s’est faite pour les autres secteurs également. Ainsi, la Banque islamique de développement (Bid), la Banque mondiale (Bm) et l’Agence française de développement (Afd), ont a elles trois mis 78,1 milliards de francs Cfa pour un projet régional d’interconnexion électrique entre le Sénégal et la Mauritanie. Ce montant représente environ 40% des 173,8 milliards que les différents bailleurs de fonds ont déjà débloqués pour le secteur énergétique dans le Pse.
A côté de cette masse d’argent disponible, on doit également comptabiliser 100 milliards de francs Cfa que le Sénégal a récolté du marché des obligations islamiques, sukuk, sans compter les 250 milliards tirés de l’eurobond. Ce qui confirme qu’en matière d’argent, le Sénégal a le temps de voir venir. Mais alors, pourquoi cette impression que les choses ne bougent pas ?
Inertie dans certaines structures
Il semblerait que c’est tout simplement parce que les autres structures ministérielles n’ont pas fait le travail qu’ont réalisé les services de Amadou Ba.
En effet, avec la préparation et l’élaboration du plan Sénégal émergent, les différents services du ministère de l’Economie, des finances et du plan ont passé en revue toutes les facettes de l’Economie sénégalaise, épluché de nombreux documents, afin de mettre au point les projets à présenter aux différents bailleurs.
Si la plupart des projets ont été ficelés avec les services des autres ministères, il semble de plus en plus, dans la pratique, que les fonctionnaires du ministère des Finances se sont plus impliqués que ceux des autres services.
Il serait intéressant de savoir quelle part de travail ont abattu les fonctionnaires des ministères de l’Agriculture, de l’Energie, de l’Habitat, de l’Environnement ou de l’Education, pour ne parler que de ceux-là , dans la préparation des projets présentés aux bailleurs. En tout cas, pour beaucoup, on a l’impression que c’est maintenant que l’argent est là qu’ils veulent commencer à se mettre au travail.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que l’on ne voie pas les choses bouger. Les choses en sont au point qu’un haut fonctionnaire en est même arrivé à suggérer la démolition du Pont Sénégal 92, et la reconstruction d’un meilleur ouvrage. Cela, explique-t-il, «afin de montrer aux gens que le gouvernement est en train de travailler pour eux». Cette proposition a été repoussée parce que certains, parmi lesquels le Premier ministre Mahammed Dionne, craignaient que cette démolition ne serve à nourrir une nouvelle rancœur contre le gouvernement et surtout, le chef de l’Etat.
En conséquence de quoi, on entend, à travers la ville de Dakar, que des récriminations et des complaintes. Et il ne s’agit pas que du Sénégalais lambda, ignorant les réalités socio-économiques. Même des chefs d’entreprise ayant pignon sur rue, se plaignent de leur marginalisation et du manque de marchés pour lesquels postuler. Et cela, sans réponse de la part de l’Etat.
Quotidien