Le Club des investisseurs sénégalais (Cis) jette un regard critique sur les mesures de sauvegarde annoncées par Macky Sall pour protéger les emplois et «éviter un risque de crise sociale qui s’ajouterait à la grave crise sanitaire». Concernant l’ordonnance 001-2020 du 8 avril 2020 par exemple, l’organisation patronale que dirige Babacar Ngom, patron de la Sedima, relève dans un mémorandum que le texte «ne propose pas de façon explicite des recettes compensatoires et risque d’accélérer la faillite des entreprises du secteur privé».
Les chefs d’entreprise membres du Club des investisseurs sénégalais (Cis) ne semblent pas du même avis que leurs pairs des autres organisations patronales, notamment du Conseil national du patronat (Cnp) et de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), par rapport aux différentes mesures d’urgence annoncées par le chef de l’Etat pour assurer la continuité de l’activité économique. Au moment où les responsables de ces deux organisations patronales saluent et adhèrent totalement à la batterie de mesures du Programme de résilience économique et sociale (Pres), le Cis émet non seulement des réserves, mais s’en prend à quelques-unes.
Pour ce qui concerne «l’ordonnance 001-2020 du 8 avril 2020, Âaménageant Âdes Âmesures dérogatoires au Âlicenciement Âet au chômage technique, Âl’Etat a pris des Âmesures de sauvegarde pour Âprotéger les emplois et éviter un risque de Âcrise sociale qui s’ajouterait à  la grave crise sanitaire». Mais aux yeux du président du Cis Babacar Ngom, par ailleurs Président directeur général (Pdg) de la Sedima, et ses camarades,«l’ordonnance ne propose pas de façon explicite des recettes Âcompensatoires et risque d’accélérer Âla faillite des Âentreprises du Âsecteur privé». Pour eux, «l’Etat doit d’urgence mettre en place un mécanisme Âd’aide Âfinancière directe pour garantir la préservation des emplois».
Aussi, souligne le Cis, «les mesures Âde Âl’ordonnance de protection de l’emploi prennent effet le 14 mars 2020. Or les mesures fiscales, douanières Âet d’injection de Âliquidités qui doivent servir à  en atténuer les effets sont censées entrer en vigueurÂleÂ15ÂavrilÂ2020.ÂDurant cette période de décalage d’un mois, les Âbaisses Âde Ârendement qui sont très importantes pour les entreprises ne Âsont Âpas prises en Âcharge».
Obligation de payer les salaire
Dans le cadre du Pres, l’Etat a prévu d’accorder «des Âremises et suspensions d’impôts aux entreprises qui s’engageront à Âmaintenir leurs Âtravailleurs en activité pour Âla durée de Âla crise, ou à payer plus Âde 70% du salaire des employés mis Âen chômage technique Âpendant cette période».
Dans leur analyse, les membres du Cis estiment que cette «décision de l’Etat est Âlourde de conséquences». Ils expliquent : «Les Âsalaires Âdevront être versés jusqu’à  la Âfin Âde Âla pandémie, sans que Âla question du maintien des Âactivités des Âentreprises (et donc de leurs recettes perdues) durant cette période ne soit Âposée. Selon toute Âvraisemblance, les entreprises du secteur privé, en très grande majorité des Pme, seront fortement impactées et certaines iront Âvers le dépôt de bilan. Il ne serait pas rationnel pour les employeurs de puiser sur leurs maigres réserves (s’il en existe) pour payer les salaires, voire contracter des dettes (qu’il faudra rembourser).»
Trésorerie des entreprises
Pour permettre aux entreprises de conserver de la trésorerie et de répondre aux obligations qui pèsent sur elles quant au maintien des emplois, recommande le Cis, «l’Etat doit permettre Âcelles d’entre Âelles qui ne génèrent plus Âde chiffres Âd’affaires d’avoir un filet de Âtrésorerie pour Âpouvoir Âfaire Âface à  l’obligation de  payer les salaires. Ce filet de Âtrésorerie pourra Âprovenir de deux mesuresÂ: Âétendre Âle différé Âde Âpaiements des Âimpôts et Âtaxes à Âtoutes Âles entreprises (sans Âréférence Âau secteur d’activité et Âau montant du chiffre d’affaires) et Âau moins Âjusqu’à la fin Âdu Âtroisième trimestre 2020, demander aux établissements financiers d’accorder un report systématique Âet obligatoire d’échéances de Âcrédit au moins Âjusqu’en fin septembre 2020 à toute entreprise qui le demande. Un maintien Âdes Âlignes Âd’exploitation ou leur renouvellement jusqu’à Âla Âfin Âdu mois Âde Âseptembre au moins, participerait aussi des dispositions pour Âmaintenir les Âentreprises Âen survie».
Précarité des entreprises formelles
Dans cette situation, mentionne le document, «toutes les entreprises formelles Âqui subissent Âles Âeffets négatifs de Âla crise sont dans Âla précarité. Elles courent pour Âla plupart le risque Âde tomber faillite, conformément aux dispositions de Âl’Acte uniforme de l’Ohada (Organisation pour Âl’harmonisation en Afrique du Âdroit des affairesÂ: Ndlr),Âou de se Âmettre en Âfaillite, Âsi elles Âne s’en Âsortent Âplus. La Âtendance Âà se réfugier dans l’informel devient très grande au détriment de Âl’économie Âdu Âpays.
Il apparaît donc Âque Âles mesures présentées par l’Etat, à  ce stade, transfèrent Âtous Âles effets de Âla crise Âà  la Âcharge des Âentreprises. Il n’est pas logique de demander aux entreprises privées de s’endetter pour prendre en charge Âdes mesures d’autorité, même si elles Âsont Âimposées par la Âcrise sanitaire, alors que le tissu de nos Pme Âest extrêmement fragile. Les salaires sont pris en charge par du chiffre d’affaires effectif. Dans les conditions actuelles et sans mesures concrètes d’accompagnement, le secteur privé ne pourra pas garantir la préservation des emplois. Il n’y a pas Âd’employés sans employeurs en mesure de maintenir une Âactivité».
Pour une approche plus inclusive
Face à l’urgence, rappelle l’organisation patronale, «l’Etat a élaboré un Âplan Âdans Âle ÂbutÂd’éviter l’effondrement social, sans assez Âconsidérer que Âcela Âpasse par Âla Âsurvie Âdes entreprises, Âce qui en Âlimite Âla portée au Âcourt terme Âuniquement». Cependant, déplore-t-elle, «aucune mesure forte n’est prévue pour la Âcontinuité de l’activité économique. Or la situation des entreprises indique un Âeffondrement Âéconomique Âà  moyen terme qui impliquera Âl’effondrement Âsocial Âqui ne sera que différé en fin de compte».
Facilités bancaires
Ces chefs d’entreprise considèrent par ailleurs que «lesÂfacilités bancaires annoncées par l’Etat sont des emprunts qui devraientÂservirÂauxÂentreprises à  préparer la relance postCovid-19. Or dans la situation actuelle, il est préconisé de les utiliserÂpourÂgérerÂdesÂtensions de trésorerie, alors qu’au-delà de la trésorerie, il s’agit d’un arrêtÂdeÂlaÂproduction,ÂdoncÂdes richessesÂà Âpartager.ÂC’estÂune approche qui vise les symptômes et pas le mal des employeurs».