Les parents du jeune footballeur, décédé dans des conditions suspectes en avril 2018, viennent de porter plainte pour homicide involontaire contre le club normand. L’injection d’un anti-inflammatoire pose question.
Arame Diop est une mère rongée par le chagrin, mais combative et déterminée. Elle lutte pour la mémoire de Samba, son fils disparu à 18 ans, le 7 avril 2018, et contre l’oubli qui menace la recherche de la vérité. Lundi 16 décembre, elle et son mari ont déposé plainte pour homicide involontaire contre l’association sportive du Havre Athletic Club (HAC), un médecin et trois dirigeants du club. Une démarche rarissime dans le milieu corseté du ballon rond.
« Le club ciel et marine a été notre famille pendant plus de quatorze ans, souffle Arame Diop. Mon fils est né au Havre, il a commencé le foot au HAC à l’âge de 5 ans et s’apprêtait à passer professionnel. Cela me coûte énormément de faire cette démarche. Mais aujourd’hui, on se heurte au silence des dirigeants du club. Qu’ont-ils à cacher ? Samba mérite que la lumière soit faite. »
Une douleur chronique à la hanche
Retour en arrière. Le vendredi 6 avril 2018 au matin, la veille de sa mort, Samba semble bien portant. Stagiaire professionnel, il s’est entraîné normalement avec l’équipe réserve du HAC et se prépare à faire son retour à la compétition le samedi, après un arrêt de plusieurs semaines consécutif à une mononucléose.
L’équipe normande est alors menacée de relégation en National 3. Au fond de lui, pourtant, le défenseur central jubile. La veille, le 5 avril, il a appris de manière officieuse qu’un contrat professionnel de trois ans, le Graal pour tout apprenti footballeur, allait lui être proposé en fin de saison.
Seule ombre au tableau, Samba traîne une douleur chronique à la hanche droite. Après la séance d’entraînement, il est conduit dans le bureau du Dr Poupel, le médecin présent ce jour-là au centre. Ce dernier l’examine, diagnostique une tendinite et réalise une injection d’un anti-inflammatoire. En rentrant au domicile familial pour déjeuner avec ses parents, Samba ressent les premiers signes d’une fatigue intense.
« Maman, je n’ai mal nulle part mais je n’ai plus de jus »
Il n’achève pas son repas et monte se coucher dans sa chambre. Il est pris ensuite de tremblements, de vertiges et de vomissements. « Maman, je n’ai mal nulle part mais je n’ai plus de jus », dit-il à sa mère. Il s’interroge aussi sur le soin qu’il a reçu quelques heures plus tôt. « Pourquoi le doc’ m’a piqué ? », s’interroge-t-il à plusieurs reprises devant ses proches.
Alors que ses parents veulent appeler un médecin, Samba temporise, pensant qu’il va recouvrer ses forces. Mais son état dégénère dans la nuit. A 2 heures du matin, il chute à deux reprises dans la salle de bains. Arame Diop, présente à ses côtés, le tient à bout de bras et croise son regard désespéré. « Maman, je vais mourir à cause de la piqûre », lui aurait-il confié à cet instant. À 4 heures, il est transporté à l’hôpital Jacques Monod où il décède en début de matinée, à 8h33, après un arrêt cardiaque.
Rien à voir avec les deux autres cas de mort subite qui ont endeuillé le football français à la même époque. L’autopsie conclut à « une défaillance multiviscérale majeure », sans en préciser les causes. Aucun antécédent cardiaque n’est mis en évidence dans le dossier médical. Quant à l’expertise toxicologique, elle écarte les pistes d’un produit stupéfiant et d’un médicament en quantité toxique. Le corps de Samba est inhumé à Dakar, au Sénégal, le pays d’origine de sa mère.
Un anti-inflammatoire « sans danger » selon le médecin
Après plusieurs mois de deuil, vient le temps des questions, des doutes et des rumeurs. Jean-Marc Poupel, le médecin qui a piqué le jeune Havrais une vingtaine d’heures avant sa mort, se retrouve alors en première ligne, vilipendé sur les réseaux sociaux.