Si trouver des solutions à l’émigration irrégulière est un casse-tête pour les autorités sénégalaises et africaines, cela ne l’est pas moins pour leurs homologues européens. Pour arrêter l’afflux de migrants sur leur territoire, ces derniers ne sont plus très regardants sur les droits internationaux.
Alors que l’Italie a connu une arrivée massive de migrants sur son l’île de Lampedusa, il y a deux semaines, le ministre français de l’Intérieur a proposé aux autorités italiennes d’aider pour l’expulsion de migrants vers des pays africains amis de la France. Avec le sentiment antifrançais grandissant en Afrique et les déboires de Paris au Sahel, le Sénégal et la Côte d’Ivoire.
La France veut aider à expulser les migrants venant d’Afrique francophone
Depuis le 1er janvier 2023, plus de 130 000 migrants ont débarqué sur les côtes italiennes en petits bateaux, d’après le ministère de l'Intérieur, contre 70 000 pour la même période de 2022. Dans la semaine du 11 au 17 septembre dernier, plus de 10 000 personnes ont débarqué à Lampedusa, selon des chiffres fournis par Info Migrants. Un afflux qui a eu des échos dans toute l’Europe. Mais pour aider l’Italie à y faire face, les méthodes proposées sont diverses.
Bien qu’il existe un mécanisme volontaire de répartition des migrants sur toute l’Europe, la France a refusé d’accueillir ceux venant de l’île italienne. À la place, son ministre de l’Intérieur a proposé un moyen d’expulsion des migrants dits économiques. “Nous avons dit à nos amis italiens que nous étions prêts à les aider pour reconduire des personnes dans des pays où nous avons de bonnes relations diplomatiques”, a précisé Gérald Darmanin, tout en rappelant que parmi les migrants débarqués à Lampedusa, beaucoup seraient des francophones.
Pour le ministre français, “si les personnes sont éligibles à l'asile (si) elles sont persécutées sexuellement, politiquement, religieusement, évidemment, c'est le devoir de la France comme d'autres pays européens de les accueillir. Mais la majorité de ces derniers ne fuyaient pas des persécutions. Ce ne sont pas des Afghans, ce ne sont pas des Syriens”.
Des accords avec le Sénégal
La France vit une crise diplomatique avec au moins trois pays d’Afrique de l’Ouest (Mali, Burkina Faso et Niger) où son armée a été récemment expulsée. À l’image de ces relations heurtées, le sentiment antifrançais grandit de plus en plus en Afrique.
Parmi les pays sur lesquels Paris compte encore, le Sénégal. Paris et Dakar entretiennent d’excellentes relations et des accords de coopération ont été signés dans le cadre de la migration.
Concernant la migration “légale”, le Sénégal et la France ont signé des accords, notamment d’aide à la réinsertion des migrants de retour au Sénégal. Conformément aux dispositifs d’aide au retour volontaire (ARV) et en partenariat avec le Programme d’appui aux initiatives de solidarité pour le développement – PAISD mis en œuvre par la France et le Sénégal, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) contribue financièrement, sous conditions, à la réinsertion de migrants.
L’aide à la réinsertion consiste en l’accompagnement de Sénégalais de retour au pays après un séjour en France (de six mois minimum). Relancé dans le cadre de l’accord relatif à la gestion des flux migratoires entre la France et le Sénégal du 23 septembre 2006, l’OFII met en œuvre, par le biais de conventions avec des opérateurs locaux, le dispositif d’aide à la réinsertion économique de Sénégalais revenant volontairement dans leur pays
Ce dispositif comporte trois niveaux d’aide. Les aides sociales : 400 € par adulte et 300 € par enfant avec un suivi de six mois pour les besoins en loyer, équipements, santé et scolarisation. Ensuite, les aides à l’emploi qui sont plafonnées à 4 000 € avec prise en charge d’une partie du salaire (60 % maximum), offre de formation, achat d’équipements et un suivi d’un an.
Enfin, les aides à la création d’entreprise d’un montant moyen de 5 700 € avec un accompagnement technique du porteur de projet sur une année, un suivi de proximité pour la mise en œuvre du projet et des formations adaptées. De l’argent et des facilités pour rentrer au Sénégal À noter également l’existence d’une convention entre l’agence de coopération allemande GIZ et l’OFII, signée le 22 octobre 2018 et renouvelée en 2022 pour une année afin de faciliter la réinsertion de Sénégalais rentrant d’Allemagne. En 2022, ces programmes ont vu 100 aides accordées pour 76 bénéficiaires (dont trois enfants), 24 bénéficiaires de la convention OFII-GIZ et 54 aides à la création d’entreprises.
Toutefois, il est difficile de croire que les migrants irréguliers pourraient bénéficier de ces aides ou seraient même au courant de leur existence. Pour stopper l’arrivée massive de ces derniers, les Européens ne sont pas à court d’idées.
La dernière mesure en date lancée par l’Italie, informe Info Migrants, est un décret paru le 21 septembre au “Journal officiel” qui prévoit que les exilés en attente d'une décision concernant le recours de leur asile devront verser une caution de 5 000 euros (plus de 3 250 000 F CFA) sous peine d'être envoyés dans un centre de rétention pendant cet examen.
L‘Italie va faire payer 3 250 000 F CFA aux migrants irréguliers Cette garantie financière de 4 938 euros est censée couvrir les frais de logement et de subsistance pour une personne pendant un mois, ainsi que le coût de son rapatriement en cas de rejet définitif de sa demande.
Elle sera exigée aux personnes ayant tenté de se soustraire aux contrôles à la frontière ainsi qu'à celles provenant d'un pays dit “sûr” et qui, en principe, ne peuvent donc prétendre à l'asile. Si le requérant “disparaît indûment”, la caution dont il s'est acquitté sera prélevée, précise le texte.
Depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2022, le gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni s'échine à freiner les arrivées de migrants en Italie. Un décret, publié le 2 janvier 2023, restreint ainsi les activités des navires de sauvetage accusés par Rome d'encourager les migrants à prendre la mer. Les navires humanitaires sont désormais tenus d'effectuer une seule opération de secours à la fois.
Ils sont également dans l'obligation de rentrer au port dès qu'un sauvetage est mené, sans attendre dans la zone de recherche maritime, comme c'est souvent le cas, qu'une éventuelle autre alerte surgisse. Depuis la promulgation de cette loi, les navires se voient également assigner des ports de débarquement dans le nord ou le centre de l'Italie, très éloignés des zones de sauvetage. Mais toutes ces mesures n'ont pas eu d'effet remarqué sur les arrivées de migrants
De nouveaux migrants sénégalais secourus au large de la Mauritanie
Mercredi, les autorités mauritaniennes ont annoncé avoir secouru plus 500 migrants irréguliers sénégalais, à destination des îles espagnoles, au large de leurs côtes. Cinq morts ont été enregistrés dans ces opérations. Toujours selon elles, la première pirogue a quitté Joal le 18 septembre avec 130 personnes à son bord. La deuxième est partie de Saint-Louis le 19 avec 75 migrants.
La troisième a quitté Cayar le 20 avec 83 migrants. La quatrième est partie de Kafountine le 21 avec 105 migrants. La cinquième est partie de Bargny le 22 septembre avec 79 migrants et la sixième a quitté Mbour le 22 courant avec 72 migrants. Malgré tous les mesures et programmes annoncés, ce drame semble sans solution.
EnQuete
Alors que l’Italie a connu une arrivée massive de migrants sur son l’île de Lampedusa, il y a deux semaines, le ministre français de l’Intérieur a proposé aux autorités italiennes d’aider pour l’expulsion de migrants vers des pays africains amis de la France. Avec le sentiment antifrançais grandissant en Afrique et les déboires de Paris au Sahel, le Sénégal et la Côte d’Ivoire.
La France veut aider à expulser les migrants venant d’Afrique francophone
Depuis le 1er janvier 2023, plus de 130 000 migrants ont débarqué sur les côtes italiennes en petits bateaux, d’après le ministère de l'Intérieur, contre 70 000 pour la même période de 2022. Dans la semaine du 11 au 17 septembre dernier, plus de 10 000 personnes ont débarqué à Lampedusa, selon des chiffres fournis par Info Migrants. Un afflux qui a eu des échos dans toute l’Europe. Mais pour aider l’Italie à y faire face, les méthodes proposées sont diverses.
Bien qu’il existe un mécanisme volontaire de répartition des migrants sur toute l’Europe, la France a refusé d’accueillir ceux venant de l’île italienne. À la place, son ministre de l’Intérieur a proposé un moyen d’expulsion des migrants dits économiques. “Nous avons dit à nos amis italiens que nous étions prêts à les aider pour reconduire des personnes dans des pays où nous avons de bonnes relations diplomatiques”, a précisé Gérald Darmanin, tout en rappelant que parmi les migrants débarqués à Lampedusa, beaucoup seraient des francophones.
Pour le ministre français, “si les personnes sont éligibles à l'asile (si) elles sont persécutées sexuellement, politiquement, religieusement, évidemment, c'est le devoir de la France comme d'autres pays européens de les accueillir. Mais la majorité de ces derniers ne fuyaient pas des persécutions. Ce ne sont pas des Afghans, ce ne sont pas des Syriens”.
Des accords avec le Sénégal
La France vit une crise diplomatique avec au moins trois pays d’Afrique de l’Ouest (Mali, Burkina Faso et Niger) où son armée a été récemment expulsée. À l’image de ces relations heurtées, le sentiment antifrançais grandit de plus en plus en Afrique.
Parmi les pays sur lesquels Paris compte encore, le Sénégal. Paris et Dakar entretiennent d’excellentes relations et des accords de coopération ont été signés dans le cadre de la migration.
Concernant la migration “légale”, le Sénégal et la France ont signé des accords, notamment d’aide à la réinsertion des migrants de retour au Sénégal. Conformément aux dispositifs d’aide au retour volontaire (ARV) et en partenariat avec le Programme d’appui aux initiatives de solidarité pour le développement – PAISD mis en œuvre par la France et le Sénégal, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) contribue financièrement, sous conditions, à la réinsertion de migrants.
L’aide à la réinsertion consiste en l’accompagnement de Sénégalais de retour au pays après un séjour en France (de six mois minimum). Relancé dans le cadre de l’accord relatif à la gestion des flux migratoires entre la France et le Sénégal du 23 septembre 2006, l’OFII met en œuvre, par le biais de conventions avec des opérateurs locaux, le dispositif d’aide à la réinsertion économique de Sénégalais revenant volontairement dans leur pays
Ce dispositif comporte trois niveaux d’aide. Les aides sociales : 400 € par adulte et 300 € par enfant avec un suivi de six mois pour les besoins en loyer, équipements, santé et scolarisation. Ensuite, les aides à l’emploi qui sont plafonnées à 4 000 € avec prise en charge d’une partie du salaire (60 % maximum), offre de formation, achat d’équipements et un suivi d’un an.
Enfin, les aides à la création d’entreprise d’un montant moyen de 5 700 € avec un accompagnement technique du porteur de projet sur une année, un suivi de proximité pour la mise en œuvre du projet et des formations adaptées. De l’argent et des facilités pour rentrer au Sénégal À noter également l’existence d’une convention entre l’agence de coopération allemande GIZ et l’OFII, signée le 22 octobre 2018 et renouvelée en 2022 pour une année afin de faciliter la réinsertion de Sénégalais rentrant d’Allemagne. En 2022, ces programmes ont vu 100 aides accordées pour 76 bénéficiaires (dont trois enfants), 24 bénéficiaires de la convention OFII-GIZ et 54 aides à la création d’entreprises.
Toutefois, il est difficile de croire que les migrants irréguliers pourraient bénéficier de ces aides ou seraient même au courant de leur existence. Pour stopper l’arrivée massive de ces derniers, les Européens ne sont pas à court d’idées.
La dernière mesure en date lancée par l’Italie, informe Info Migrants, est un décret paru le 21 septembre au “Journal officiel” qui prévoit que les exilés en attente d'une décision concernant le recours de leur asile devront verser une caution de 5 000 euros (plus de 3 250 000 F CFA) sous peine d'être envoyés dans un centre de rétention pendant cet examen.
L‘Italie va faire payer 3 250 000 F CFA aux migrants irréguliers Cette garantie financière de 4 938 euros est censée couvrir les frais de logement et de subsistance pour une personne pendant un mois, ainsi que le coût de son rapatriement en cas de rejet définitif de sa demande.
Elle sera exigée aux personnes ayant tenté de se soustraire aux contrôles à la frontière ainsi qu'à celles provenant d'un pays dit “sûr” et qui, en principe, ne peuvent donc prétendre à l'asile. Si le requérant “disparaît indûment”, la caution dont il s'est acquitté sera prélevée, précise le texte.
Depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2022, le gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni s'échine à freiner les arrivées de migrants en Italie. Un décret, publié le 2 janvier 2023, restreint ainsi les activités des navires de sauvetage accusés par Rome d'encourager les migrants à prendre la mer. Les navires humanitaires sont désormais tenus d'effectuer une seule opération de secours à la fois.
Ils sont également dans l'obligation de rentrer au port dès qu'un sauvetage est mené, sans attendre dans la zone de recherche maritime, comme c'est souvent le cas, qu'une éventuelle autre alerte surgisse. Depuis la promulgation de cette loi, les navires se voient également assigner des ports de débarquement dans le nord ou le centre de l'Italie, très éloignés des zones de sauvetage. Mais toutes ces mesures n'ont pas eu d'effet remarqué sur les arrivées de migrants
De nouveaux migrants sénégalais secourus au large de la Mauritanie
Mercredi, les autorités mauritaniennes ont annoncé avoir secouru plus 500 migrants irréguliers sénégalais, à destination des îles espagnoles, au large de leurs côtes. Cinq morts ont été enregistrés dans ces opérations. Toujours selon elles, la première pirogue a quitté Joal le 18 septembre avec 130 personnes à son bord. La deuxième est partie de Saint-Louis le 19 avec 75 migrants.
La troisième a quitté Cayar le 20 avec 83 migrants. La quatrième est partie de Kafountine le 21 avec 105 migrants. La cinquième est partie de Bargny le 22 septembre avec 79 migrants et la sixième a quitté Mbour le 22 courant avec 72 migrants. Malgré tous les mesures et programmes annoncés, ce drame semble sans solution.
EnQuete