Fondé en 1883 par Mame Mor Anta Sally, père de Cheikh Ahmadou Bamba, Mbacké Kadior a vu naître la voie du Mouridisme. De village historique, cette cité religieuse est devenue aujourd’hui une commune en pleine expansion avec son début de modernisation. Son Magal célébrant la naissance de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Ibn Khadimou Rassoul, et père de l’actuel khalife de Touba, attire chaque année des milliers de pèlerins.
COMMEMORATION DE LA NAISSANCE DE SERIGNE BARA : Un moment de recueillement et de forte dévotion religieuse
Il y a 124 ans, le 28 Jamâdal Ûlâ 1309 H (1891), a vu le jour, à Touba, Cheikh Mouhamadou Lamine Bara Mbacké Ibn Khadim Rassoul. C’est cet anniversaire qui est commémoré chaque année, à Mbacké Kadior, par la communauté mouride, sous la direction de Serigne Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké, son actuel khalife, par ailleurs Khalife général des Mourides.
Le magal de Mbacké Kadior commémore la naissance de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké ibn Khadim Rassoul, le 28 Jamâdal Ûlâ (Rakkati gamou) 1309 H (1891). Selon les témoignages recueillis auprès des petits-fils du défunt fils de Serigne Touba, le frère cadet de Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké est le seul fils de Khadim Rassoul qui est né à Touba. C’est connu, tous les fils de Khadim Rassoul ont joué un rôle prépondérant dans la poursuite de la mission du fondateur du Mouridisme. A la naissance de Serigne Bara, selon Serigne Cheikh Thioro Bassirou Mbacké, « Cheikh Ahmadou Bamba eut une joie immense qui s’est répandue sur certains disciples ». Quarante disciples avaient fait acte d’allégeance au fondateur à Mbacké Kadior, en 1883. Il s’agit, entre autres, de Mame Cheikh Ibrahima Fall, de Serigne Ndame Abdourahmane Lô, de Serigne Massamba Diop Sham, de Serigne Ibrahima Sarr Ndiagne, du grand cultivateur Serigne Mandoumbé Khabane Mbacké, de Serigne Adama Guèye, premier disciple du Cheikh. Ces serments ont lieu sur l’axe Mbacké Kadior – Touba en passant par Mbacké Baol, Darou Salam, Darou Halimoul Khabir (Ndame), Darou Marnane, Darou Rahmane, Keur Serigne Shouaibou, Darou Khoudoss, en l’espace de huit ans. A la naissance de Serigne Bara, le Cheikh appela ses disciples à l’occasion pour leur faire savoir qu’ils ont eu ce qu’ils recherchaient, à savoir la bénédiction et l’agrément divins. « Cette baraka est venue à la naissance du nouveau-né », explique le petit-fils de Serigne Bara. « L’ensemble de ces raisons conjuguées fait qu’on doit célébrer la venue au monde du frère cadet de Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké pour bénéficier des retombées de sa baraka », ajoute-t-il.
Au début, le magal était célébré le jour de sa disparition, mais le cinquième khalife de Serigne Touba, Serigne Saliou Mbacké, a recommandé à Serigne Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké de le commémorer le jour de sa naissance. « Un jour de tristesse ne pouvait symboliser un jour de joie », précisait feu Serigne Saliou Mbacké. Le jour de sa naissance fut un jour de grâce, de joie, de miséricorde et de réalisation des vœux, donc c’est ce jour qu’il faut célébrer, et Serigne Cheikh Sidy Mokhtar a opté pour la proposition de Serigne Saliou Mbacké en ce qui concerne la célébration du magal de Mbacké Kadior. Le magal obéit donc à la volonté de commémorer la venue au monde de Serigne Mouhamadou Lamine Bara. « C’est ici, à Mbacké Kadior, que le Mouridisme a pris naissance et beaucoup de localités dont Darou Khoudoss et Touba ont été érigées par Serigne Touba après Mbacké Kadior », a souligné le porte-parole permanent du Khalife général des Mourides, Serigne Cheikh Thioro Bassirou Mbacké.
Selon lui, le magal, qui commémore la célébration de la naissance de Serigne Bara, est « un jour de gloire, un jour de bienfaisance ». Comme d’habitude, à l’approche de chaque magal de Mbacké Kadior, prévu cette année le 20 mars 2015, comme l’ont toujours fait leurs illustres prédécesseurs, les petits-fils de Serigne Bara, sous l’autorité de leur aîné Serigne Moustapha Mbacké et de Serigne Cheikh Thioro Bassirou Mbacké, président du comité d’organisation du Magal de Mbacké Kadior, entre autres, ont, au nom du Khalife général des Mourides Serigne Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké, lancé un appel le 02 mars 2015, à Gouye Mbind, à toute la Oummah islamique et les disciples mourides en particulier pour la célébration de ce magal.
DISPOSITIF SECURITAIRE : 400 gendarmes déployés durant le Magal
La gendarmerie nationale ne va pas lésiner sur les moyens lors de la célébration de la 124e édition du magal de Mbacké Kadior, commémorant la naissance de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké Khadim Rassoul. Selon l’adjudant-chef Mor Fall, commandant de la Brigade de Darou Mouhty, 400 gendarmes seront déployés dans la ville sainte pour assurer la sécurité des pèlerins. Des éléments de l’Agence de sécurité de proximité (Asp) vont s’ajouter à ce dispositif, précise-t-il.
« Le commandement a donné des instructions fermes pour une bonne couverture sécuritaire. Et, comme l’année dernière, le dispositif sera permanent pour permettre aux fidèles de faire leur ziarra », déclare-t-il.
A en croire le commandant de la brigade de Darou Mouhty, des dispositifs de jalonnement seront déployés sur tous les axes routiers menant à Mbacké Kadior. « Un dispositif sécuritaire sera mis devant la résidence du Khalife général des Baye Fall qui effectuera le déplacement à Mbacké Kadior, lors de la célébration du magal », indique l’adjudant-chef Mor Fall.
« La brigade de recherches de Saint-Louis ainsi qu’une équipe judiciaire seront également mobilisées », ajoute-t-il, précisant que la circulation des motos « Jakarta » est formellement interdite lors de cet évènement religieux. « La plupart des accidents sont causés par les «deux roues». Cette mesure d’interdiction sera strictement respectée », avertit-il. Par ailleurs, le commandant Fall a déploré le vol de bétail qui est devenu un « casse-tête dans la zone comme partout d’ailleurs à travers le pays ». « Il ne passe pas un jour sans qu’on ne nous signale des cas de vol de bétail ou qu’on n’appréhende pas pour des faits de ce genre », regrette le gendarme. S’agissant des braquages, souligne-t-il, un dispositif est déjà mis en place.
« Celui-ci est aussitôt déclenché lorsque des faits similaires sont déclarés », signale le commandant de la brigade de Darou Mouhty.
CHEIKH MOUHAMADOU LAMINE BARA MBACKE IBN KHADIM RASSOUL
La mystique d’un homme d’une dimension exceptionnelle
Cheikh Mouhamadou Lamine Mbacké Khadim Rassoul, plus connu sous le nom de Serigne Bara, a vu le jour à Touba, en 1891. Frère cadet de Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké, Serigne Bara est une personnalité connue du Mouridisme et d’ailleurs.
Frère cadet de Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké, tous deux fils de Sokhna Aminata Lô, Mouhamadou Lamine Bara vint au monde en 1891. Il porta le nom du prophète Mohamed (Psl). Sept mois après sa naissance, il se retrouva orphelin pour avoir perdu sa mère, décédée des suites d’une morsure de serpent.
A l’âge d’apprentissage, c’est son père Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, lui-même, qui l’a initié au Coran, avant de le confier à Serigne Ndame Abdourahmane Lô. Le jeune disciple avait quelque chose de particulier. C’est pour ces raisons qu’il n’a pas eu un long séjour auprès de ce grand érudit.
« Il fut à nouveau confié à Mame Thierno Borom Darou. Serigne Bara, suite aux séquelles d’une maladie, n’avait pas une diction claire et son audition n’était pas des meilleures », précise son petit-fils Serigne Cheikh Thioro Mbacké, porte-parole permanent du Khalife général des Mourides. Pour son apprentissage coranique, selon notre interlocuteur, on lui écrivait ses leçons sur une tablette en bois.
« Il mémorisait les saintes écritures par la vue. Pour comprendre qu’il avait assimilé sa leçon, on lui faisait reproduire les écritures sur la tablette effacée. C’est à travers cette méthode qu’il est parvenu à maîtriser le saint Coran », nous confie le guide religieux.
A l’âge adulte, avance Serigne Cheikh Thioro, son père l’envoya auprès de son oncle Serigne Ciré Lô à Sanossi dans le département de Kébémer. Sur place, il s’est rendu compte que l’endroit ne lui convenait pas. Il a été ainsi rappelé par son père à Gouye Mbind (Touba) en 1911. En 1912, Serigne Touba demanda à Serigne Amar Fall Mbacké de Mbacké Kadior, père de l’actuel imam Serigne Cheikh Kadior, de l’accueillir dans la cité religieuse.
Le fondateur du Mouridisme n’a pas manqué de lui faire part des « humeurs » de son fils. « Serigne Amar Fall lui garantit qu’il (Serigne Bara) pourra séjourner chez lui le temps qu’il voudra sans aucun souci », rappelle Serigne Cheikh Thioro Mbacké. Après un passage à Darou Mouhty, auprès de Mame Thierno, Serigne Bara séjourna 7 mois dans la concession de Serigne Amar Fall avant de s’installer dans sa propre résidence à Mbacké Kadior.
« A l’issue de son séjour, il a rendu hommage à toute la famille du chef religieux non sans leur avoir dit qu’il s’était acquitté de leur engagement auprès de Serigne Touba, et que c’est juste parce qu’il rejoignait sa propre demeure qu’il quittait la maison où il n’a connu aucune frustration », ajoute-t-il. Après son installation, il démarra la formation des disciples par l’enseignement, l’éducation et l’initiation spirituelle ou « tarbya ». Serigne Bara a fondé d’autres villages comme Barakane, Mbacké Djock, Mbacké Bari, le quartier Touba Louga (Louga), Darou Mbacké (Kébémer), Kheleuré à 9 km de Mbacké Kadior, etc.
Selon Serigne Cheikh Thioro, le défunt fils de Khadim Rassoul a écrit au moins 28 exemplaires du saint Coran qu’il remit à son père. Serigne Bara a aussi écrit beaucoup d’ouvrages dans beaucoup domaines, dit-il. Pour Serigne Cheikh Thioro, les ouvrages de Serigne Bara permettent au disciple de vivre une paix intérieure et une proximité divine. Dans l’une de ses ouvrages, relève-t-il, « il a disséqué le Coran, des sourates jusqu’au sens des accents, il possédait aussi la « Siroul mahsoun » et faisait connaître le nom caché d’Allah qu’il dit être dans la Fatiha, dans la sourate Malik Yawma din, dont la puissance ésotérique se trouve dans le « Alif » de la basmalah et la puissance de ce « Alif » se trouve dans le « BA » initial de (Bismi), et il l’a écrit en prose ».
Selon Serigne Cheikh Thioro, Serigne Bara s’est essayé à plusieurs autres métiers comme la menuiserie, la couture. « Il cousait pour ses disciples et sa famille, il était polyvalent, ouvert d’esprit et très entreprenant », ajoute le marabout.
Ses relations avec ses frères et ses sœurs
Après la disparition de Serigne Touba, il continua sur le même rythme avec son grand-frère Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké pour la poursuite de l’œuvre de leur défunt père. Contrairement à une rumeur qui lui prête un caractère irascible, défend Serigne Cheikh Thioro, « Serigne Mouhamadou Lamine Bara était d’un commerce facile ».
« Peut-être, c’est son physique qui faisait qu’il était craint, mais il était loin d’avoir le tempérament chaud qu’on lui collait », rectifie le petit-fils, selon qui, partout où il se trouvait, il était entouré d’enfants et de personnes venus recueillir ses prières, ses recommandations et ses conseils. Toutefois, reconnaît-il, « il disposait d’une force ésotérique et quiconque s’attaquait à lui devenait impotent, sans qu’il ne lève le petit doigt sur cette personne ».
« C’était un homme de Dieu. Il était aussi très diplomate, très lié à ses frères. Il leur rendait visite là où ils se trouvaient, entretenait d’excellentes relations avec les contemporains de son père dans les autres confréries », a relevé Serigne Cheikh Thioro. « J’ai une fois entendu feu Serigne Mansour Sy Borom Daraa Yi dire que Serigne Bara était ésotérique et très diplomate parce qu’il se rendait dans toutes les familles religieuses », souligne-t-il. De l’avis du porte-parole permanent du khalife, Serigne Nar Seck de Ngourane lui a reconnu ce caractère.
Cela montre qu’il était attaché à ses parents et qu’il revivifiait ces relations. « C’était un homme plein de miséricorde et d’ouverture. Il exécutait, sans en avoir l’air, un combat de sauveur à travers le pays. Il lui arrivait de quitter brusquement un endroit où les gens avaient prévu des victuailles en son honneur, et laissait entendre que « la volonté divine devait s’accomplir et j’ai autant d’égards envers Lui et vice versa. Tant que je resterai sur place, Il ne laissera pas Sa volonté s’accomplir », relate son petit-fils. Et dès qu’il quittait le village, ajoute-t-il, « la volonté divine s’accomplissait ». Serigne Bara était un mystique de très grande renommée, et ses prières miraculeuses de même que ses prodiges « carâma » dépassaient l’entendement humain. Le tout témoigne d’un homme de Dieu, dont l’agrément obtenu auprès de Son Maître, se mesure à la promptitude de l’exhaussement de ses vœux. Les populations le sollicitaient durant les épidémies et les périodes de sécheresse pour implorer la Miséricorde Divine.
Un homme d’une grande renommée
Parallèlement à son pouvoir mystique, Serigne Bara était aussi un homme de dévotion. Croyant sincère, esclave de Dieu soumis à ses lois, respectueux de ses préoccupations et n’ayant d’autres ambitions que d’impétrer son agrément, sous les auspices de son vénéré guide Khadim Rassoul, Serigne Bara a bénéficié de la satisfaction de Son Seigneur comme lui aussi était satisfait de Lui.
Travailleur infatigable, il s’est signalé parmi les preux dans la construction de la Grande Mosquée de Touba derrière Serigne Mouhamadou Moustapha, aussi bien par ses contributions financières que par le nombre de ses disciples envoyés sur le chantier. Il était aussi un grammairien, un poète, un législateur et un juriste ; en atteste son immense production littéraire, allant des prières aux panégyriques, en passant par les litanies et les prières sur le Prophète (Psl). Ses qualités morales et intellectuelles lui ont permis la prouesse d’orienter toutes les énergies de la communauté vers le développement de son terroir et du Mouridisme. La floraison de « daaras » qu’il gérait dans la localité, avec beaucoup de pédagogie, en est une parfaite illustration. Sur le plan social, sa générosité était proverbiale et ses largesses envers les pauvres et les démunis faisaient même leur promotion au sein de la société. Sa vision économiste a beaucoup contribué au développement de la culture de l’arachide ainsi que l’inclusion notable d’autres cultures industrielles comme le sisal et le coton. Il rejoignit Son Maître le soir du 18 juin 1936, alors qu’il n’avait que 45 ans. Certes, son séjour sur terre a été bref, mais Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké a laissé un héritage spirituel fécond que ses héritiers assurent avec foi et célérité.
MBACKE KADIOR : Le berceau du Mouridisme
Mbacké Kadior est un village historique, où débuta, en 1301 de l’Hégire (en 1883), le Mouridisme. Cette confrérie y garde encore des vestiges du passage de Cheikh Ahmadou Bamba Khadim Rassoul et des disciples mourides de la première heure.
L’origine de Mbacké Kadior obéit à une certaine logique. Après Mbacké Baol, créé par Mame Maharam, situé dans les limites du terroir du Baol, Mbacké Kadior a été fondé par Mame Mor Anta Sally. Après sa conversion à l’Islam, Lat Ngoné Latyr Dior Diop sollicita de Maba Diakhou Bâ que celui-ci mît à sa disposition un Cheikh pour lui apprendre sa religion et lui servir de juge religieux. Lat Dior porta son choix Mame Mor Anta Sally. Il rentra au Cayor, notamment à Patar près de Ndiagne, avec le Cheikh. Se rendant compte que la cohabitation avec l’autorité ne facilitera pas leurs relations encore moins l’assimilation des enseignements à ses disciples, Mame Mor Anta Sally quitta ce village pour s’établir, dans un premier temps à Ngebeul, non loin du village de Lat Dior, en 1880. Sur place, il remarqua des traces de vies humaines. Le père de Serigne Touba quitta encore cet endroit pour fonder un autre village situé à quelques kilomètres du premier lieu. C’est cette localité qui deviendra Mbacké Kadior. Il s’y installa en qualité de maître coranique, d’éducateur et de cadi.
Mame Mor Anta Sally n’y a vécu que trois ans, de 1880 à 1883, date de sa disparition. Conformément à sa volonté, sa famille l’enterra à Dékheulé. Son fils Cheikh Ahmadou Bamba lui succéda en poursuivant les enseignements et le fonctionnement du « daara » avec les disciples jusqu’à ce qu’il reçut la révélation du prophète Mohamad (Psl). Ce dernier l’aurait invité à adopter une autre démarche qui inclut, au-delà de l’enseignement, une éducation par l’engagement afin atteindre la proximité divine. Le Cheikh réunit ainsi tous ses pensionnaires pour les informer de la recommandation du prophète Mohamad (Psl) et de la nouvelle méthode d’éducation, de formation et d’élévation spirituelle à partir de l’allégeance. « Ceux parmi vous qui ne sont animés que par l’acquisition de connaissances et par l’enseignement peuvent partir, je les libère. Car ils peuvent se les procurer dans les autres foyers religieux du pays. Par contre, ceux qui sont disposés à adopter ma démarche et mon objectif peuvent rester », leur disait Cheikh Ahmadou Bamba.
« Cette démarche ne vise qu’à revivifier la voie tracée par le prophète Mohamed (Psl). Tout ce qui n’est pas conforme à la Sunna est exclu de ma démarche », ajoute-t-il. Après cette déclaration, certains de ses disciples dont Serigne Adama Gueye, Serigne Massamba Diop Sham, Serigne Abdourahmane Lô, Serigne Ibrahima Sarr, entre autres, lui firent allégeance sur le champ.
Acte d’allégeance
« Cheikh Ahmadou Bamba n’est pas l’initiateur de l’acte d’allégeance à quelqu’un, c’est une recommandation de Dieu, que de se trouver un guide « Wassillah » pour accéder à la proximité divine. Allah (Swt) avait instruit le prophète Mohamed de prendre le prophète Ibrahim comme son « Wassillah », les compagnons du prophète (Psl) en firent autant au Sceau des prophètes (Psl), à l’arrivée de l’injonction du Seigneur à travers la « aya », rappelle Serigne Cheikh Thioro Bassirou Mbacké.
« Partout où l’Islam a besoin de soutien, vous devez réagir en vous y investissant sans retenue. La récompense à cette allégeance est le paradis. C’est ce qui explique son adoption par le Cheikh », ajoute le porte-parole permanent du Khalife général des Mourides.
Et Serigne Cheikh Thioro Bassirou Mbacké de rappeler que le Mouridisme n’est pas une tarikha. « Le mouride signifie ami d’Allah, un aspirant à la proximité divine, peu importe que vous soyez blanc, jaune ou noir, tidiane, ou khadre ou chrétien », explique-t-il.
La motivation de Serigne Touba était de revivifier la voie tracée par le prophète Mohamad (Psl). C’est donc après ces actes d’allégeance des premiers disciples que la voie mouride est née à Mbacké Kadior, en 1883. Arrivé dans cette localité, Mame Cheikh Ibra Fall trouva 39 disciples avec Cheikh Ahmadou Bamba. Il y est arrivé le quatrième jour du mois de ramadan et était le quarantième disciple. Il fit allégeance au Cheikh le 20e jour de ce mois. D’ailleurs, c’est lui qui rappela à ses condisciples le comportement et la conduite à tenir vis-à-vis du Cheikh, donc les règles de bienséance. Et tout cela a été résumé par le fondateur du Mouridisme dans son panégyrique intitulé « Nahju », les règles de bienséances de la vie.
« BAÏTY », CHAMBRE DE SERIGNE MOUHAMADOU LAMINE BARA MBACKE : Un lieu de recueillement pour les fidèles
Lors de la célébration du grand magal de Mbacké Kadior, commémorant l’anniversaire de la naissance de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké, « Baïty », jadis lieu de retraite spirituelle du défunt fils de Khadim Rassoul, est l’endroit le plus convoité de la cité religieuse.
A l’occasion des évènements religieux célébrés à Mbacké Kadior comme le magal de cette cité commémorant l’anniversaire de la naissance de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké Khadim Rassoul, la chambre où celui-ci faisait sa retraite spirituelle refuse du monde. Communément appelée « baïty », elle se trouve dans la grande concession du défunt fils du fondateur du Mouridisme. Le lieu est bien gardé. Dans un grincement de fer, la porte s’ouvre. On franchit d’abord l’antichambre avant d’accéder au « baïty ». A l’intérieur de cette chambre, le décor est sobre et témoigne que le défunt fils de Serigne Touba ne se consacrait, de son vivant, qu’à l’adoration du Seigneur. Aucune trace de mondanité. Un lit de couleur bleue au style « Bopou Kandjar » occupe presque la moitié de la chambre. Sur le lit, des exemplaires du saint Coran, des panégyriques de Cheikh Ahmadou Bamba sont bien rangés. Il y a aussi des panégyriques que lui-même a écrits et des tablettes de disciples. On retrouve également une calebasse posée au milieu de ces livres. « A l’époque, il n’y avait pas de bols, les repas étaient servis dans des ustensiles de ce genre », tente d’expliquer notre guide. Dans le décor, figure également un grand tapis persan bien étalé et une natte de prière sur laquelle sont posés un chapelet et des pierres noires avec lesquelles on peut faire des ablutions.
De l’autre côté, on retrouve des malles cadenassées et posées sur des tables adossées au mur. Selon notre guide, ces malles contiennent des écrits de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké et ses objets précieux. Sur une autre table, est posé son portrait.
Projet de conservation des manuscrits
Selon Serigne Cheikh Thioro Mbacké, porte-parole permanent du Khalife général des Mourides Serigne Sidy Mokhtar Mbacké, le guide de Touba a un important projet de conservation des manuscrits de son défunt père. En tout cas, si aucune mesure n’est prise dans ce sens, les générations futures n’auront pas le loisir de voir ces écrits de cet homme d’une dimension exceptionnelle. Selon les témoignages recueillis, Cheikh Mouhamadou Lamine Bara fait partie des écrivains les plus prolifiques de la Mouridyah et de ceux dont la plume ressemble le plus au style du Cheikh, au point qu’il s’avère souvent très ardu de distinguer leurs poèmes respectifs. Les thèmes les plus courants abordés dans ses écrits portent sur la louange et la reconnaissance envers Dieu, le panégyrique du Prophète (Psl), l’éloge à Cheikh Ahmadou Bamba, les recommandations aux disciples et l’imploration de Dieu. La plus grande partie de ses nombreuses œuvres fut disséminée entre les provinces du Ndiambour, du Cayor et du Djollof.
L’on peut citer parmi ses poèmes les plus connus : Munawiru-l- Bunyah (l’illumination des édifices), Safinatu-l- Abrar (la nef des vertueux), Sahadatu-l- Akhyar (la félicité des gens supérieurs) et bien d’autres poèmes.
SERIGNE SIDY MOKHTAR MBACKÉ, KHALIFE GENERAL DES MOURIDES : Le serviteur infatigable de l’Islam
Mbacké Kadior est aujourd’hui une commune placée sous l’autorité de Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké, par ailleurs Khalife général des Mourides. C’est après la disparition de son frère Serigne Abdou Aziz Bara Mbacké en 1990 que l’actuel Khalife général des Mourides, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké, a accédé au titre de khalife de son père Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké Ibn Khadim Rassoul, donc khalife de Mbacké Kadior. Beaucoup de péripéties ont jalonné le parcours du guide religieux avant son accession au titre de Khalife général des Mourides.
Keur Ngana, fief du Khalife général des Mourides. Avant de s’y installer, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké a d’abord séjourné à Touba Roof sur recommandation de Serigne Cheikh Awa Balla Mbacké. « Par la suite, il décida d’aller s’établir à Keur Ngana », rappelle Serigne Bara Maty Lèye Mbacké, fils du khalife. Selon ce dernier, le départ de Cheikh Sidy Mokhtar de Touba Roof n’a pas plu aux habitants de cette localité.
« Mais le marabout était conscient de ses missions », précise-t-il. C’est dans ces circonstances qu’il s’installa à Keur Ganda, accompagné de sa mère Sokhna Maty Lèye, de son oncle Serigne Dione, des anciens comme Mbaye Diop, Mbaye Sall, Mbaye Sa Ngoné Amath, Mbaye Sa Niang, Mbaye Talla Diakhaté, etc. Partout où il a séjourné, l’actuel khalife s’est distingué par son appel à la paix et à l’unité. C’est ainsi qu’il a su tisser d’excellents rapports avec toutes les familles religieuses du pays et particulièrement avec celle de Serigne Touba. Pour Serigne Bara Maty Lèye, le khalife a toujours prêché la paix, l’unité des familles religieuses du pays et la cohésion sociale.
C’est d’ailleurs Serigne Souhaïbou Mbacké qui lui a donné le terrain de la maison où il habite actuellement à Touba, dit-il. « Avant même qu’il ne devienne khalife, il s’est toujours acquitté du don pieux (hadiya) qu’il remettait à Serigne Abdou Aziz Bara, deuxième khalife de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké, et à Serigne Saliou Mbacké qu’il considérait comme son père. Et ce dernier le lui rendait et lui confiait beaucoup de missions », ajoute-t-il. D’ailleurs, fait remarquer notre interlocuteur, « lorsqu’il rendait visite à feu Serigne Saliou, il ne portait jamais de bonnet ». Idem quand il est dans la grande mosquée de Touba.
Lors de la célébration des magal de la famille de Serigne Touba, l’actuel khalife a toujours apporté sa contribution. « Il se rendait très tôt et en catimini aux domiciles des chefs religieux qui organisaient ces manifestations pour leur remettre son don pieux (hadiya) », témoigne-t-il.
Serigne Sidy Mokhtar Mbacké, ajoute-t-il, ne s’est jamais préoccupé des privilèges de ce bas monde. « Il a toujours accordé beaucoup de respect et de considération à autrui et s’est intéressé aux préoccupations des autres. Il a réussi à fédérer et à réconcilier beaucoup de villages qui étaient en conflit », insiste Serigne Bara Maty Lèye.
A l’occasion des évènements religieux des autres foyers de l’Islam du pays, apprécie-t-il, le khalife se fait représenter et apporte aussi sa contribution. « A travers ce geste, il manifeste son amour, son estime et sa considération pour ses frères musulmans du pays », se félicite Serigne Bara Maty Lèye.
Pour sa part, Serigne Bara Lahat Mbacké précise que, depuis que Serigne Sidy Mokhtar Mbacké a accédé à la tête de la communauté mouride, c’est lui qu’il désigne pour le représenter au cours de ces manifestations organisées par les autres familles religieuses du pays. Le fils de Serigne Abdou Ahad Mbacké Ibn Serigne Bara a invité les disciples à prier pour qu’Allah (Swt) prête une très longue vie et une très bonne santé à Serigne Sidy Mokhtar.
Attachement à la paix et à la stabilité sociale
« Il pouvait mettre une distance entre ses prochains et lui. Mais il ne l’a pas fait. Tous les jours, il communie avec les disciples et prie pour eux », poursuit Serigne Bara Maty Lèye. « Il ne s’est jamais ouvert à quelqu’un pour ses besoins personnels. Il ne doit rien à personne. C’est un homme digne, courageux et qui aime Serigne Touba. Il n’a pas changé son mode de vie même avec son statut actuel. Il continue d’entretenir le même train de vie que celui qu’il a toujours mené précédemment », ajoute-t-il. Pour Serigne Khadim Mbacké, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké était conscient de sa mission; c’est pourquoi il accepta d’endurer et de traverser des épreuves. « Il a toujours montré la voie à suivre en toute circonstance ».
A son avis, le guide de Touba a toujours exhorté les talibés à « cultiver l’excellence dans tous les domaines, dans la recherche du savoir et à avoir comme références le Coran, la Sunnah prophétique et les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba. Il les a appelés au travail et surtout à ne pas causer du tort à autrui et à pardonner tout le monde pour avoir l’agrément de Serigne Touba ».
« On doit cultiver la paix et cesser les querelles de bas étages. Si l’on suit les hommes politiques, notre pays risquera de basculer dans des précédents dangereux. C’est à la base qu’on doit prêcher la paix des cœurs et des esprits pour l’intérêt général », estime Serigne Bara Maty Lèye. Selon ce dernier, c’est l’attachement de l’actuel khalife à la paix et à la stabilité sociale qui l’a amené, à l’époque, a donné à son cheval le nom « Salam ». S’agissant de ses réalisations, à Touba, son premier chantier c’était d’électrifier la zone située entre le rond-point et la grande mosquée, relève Serigne Bara Maty Lèye. Pour ces travaux, dit-il, il a dégagé 100 millions de FCfa. Ensuite, selon lui, le khalife a engagé la construction des résidences dans la ville sainte pour héberger les hôtes de Serigne Touba lors de la célébration du grand magal, entre autres évènements religieux.
Deux résidences d’un coût de 300 millions de FCfa sont déjà livrées. A cela, s’ajoutent la construction de la mosquée de Massalikoul Djinane de Dakar, les travaux d’extension de la grande mosquée de Touba, etc. De l’avis de Serigne Bara Maty Lèye, lorsque la commune de Mbacké Kadior s’était confrontée à un problème d’eau, il a dégagé des moyens pour l’achat d’un compteur électrique, et depuis lors, la pénurie d’eau n’a pas refait surface à Mbacké Kadior. Aussi, soutient-il, il a électrifié cinq villages situés dans les environs de Mbacké.
SOKHNA AMINATA LO, MERE DE SERIGNE BARA mbacke : Les vertus de la soumission et du sacrifice
La soumission est une vertu. Les femmes vertueuses, dit-on, sont soumises. Sokhna Aminata Lô, mère de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké, Ibn Khadim Rassoul, en était une.
Issue de la grande famille religieuse de Serigne Makhtar Ndoumbé de Coki, Sokhna Aminata Lô est la mère de deux figures emblématiques de l’islam et du mouridisme : Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké, premier khalife de Serigne Touba et Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké. Un jour, rappelle Serigne Cheikh Thioro Bassirou Mbacké, Serigne Touba avait réuni son entourage juste avant la prière de l’Asr (Takoussan). Il leur disait : « Le Créateur (Swt) m’a informé qu’il va prendre mon âme, mais il m’a aussi signalé que s’il y avait une personne disposée à me suppléer, ce sacrifice me permettrait de poursuivre ma mission sur terre ». Attentif à ce discours du Cheikh, Sokhna Aminata Lô, soumise et vertueuse, lui répondit : « Je suis avec mes nobles maîtresses (ses coépouses), Sokhna Awa Bousso et les autres. Je suis votre dévouée esclave, alors je suis prête à vous remplacer pour rejoindre notre Seigneur. Je n’ai que deux enfants Serigne Mouhamadou Moustapha et Serigne Mouhamadou Lamine Bara, je vous les confie et vous demande de veiller sur eux ».
Serigne Touba, poursuit Serigne Cheikh Thioro Bassirou Mbacké, accepta la proposition de son illustre épouse. Et il en fut ainsi. A l’approche du crépuscule, relate-t-il, « Sokhna Aminata Lô est allé chercher de l’eau ou du bois de chauffe, dans la clairière ; et c’est ici qu’elle a été mordue par un serpent ». A son retour, elle trouva le Cheikh en train de prier. Elle finit par succomber à ses blessures ».
A la fin de la prière, Serigne Bara, alors âgé de sept mois, qui rampait vers sa mère, a été pris et soulevé par son père. Une situation très difficile. Le Cheikh a ainsi prédit ceci pour son fils : « Mouhamadou Lamine, tu seras élevé à une station qui suscitera l’envie de tes contemporains et quiconque sera avec toi aura la félicité ici-bas et au-delà. Ils entreront au paradis. N’en doute jamais (…) ». Ainsi, est le sacrifice d’une mère pour sa progéniture et au-delà pour toute la communauté islamique.
Cette épreuve d’une mère a fait de son fils, Serigne Mouhamadou Lamine Bara, un homme d’une dimension exceptionnelle et plein de pouvoir mystique. C’est ce qui explique la puissance ésotérique du fils du Cheikh, relève Serigne Cheikh Thioro Bassirou Mbacké pour qui, il est facile de remarquer la « baraka » d’une femme soumise à travers ses enfants. Et que, ajoute le marabout, l’histoire de Birame Yacine Boubou, psalmodiée par tous, est un exemple patent. Et pour ce cas, précise-t-il, « il ne s’agissait que d’un sacrifice pour l’acquisition d’un pouvoir temporel. Vous pouvez donc imaginer ce qu’est la récompense divine pour un sacrifice pour la religion musulmane ». Le geste de la mère de Serigne Bara peut être analysé sous le prisme du sens et de la portée d’un acte d’allégeance. Celui-ci suppose, selon lui, le don de soi pour l’accomplissement de la volonté divine. C’est justement dans ce cadre que s’inscrit la grandeur de l’acte posé par Sokhna Aminata Lô, considérée comme la première femme martyre de la voie mouride. Son sacrifice nous rappelle aussi celui de la première femme martyre de l’Islam, Soumaya (Rta).
Serigne Mouhamadou Hafiz, Abdoul Aziz Bara et Cheikh Sidy Mokhtar
Les trois khalifes de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké
79 ans après sa disparition, trois khalifes se sont succédé au khalifat de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké Ibn Khadim Rassoul.
Trois hommes se sont respectivement succédé au Khalifat de Serigne Bara Mbacké. Chacun, à son tour, a tenu le flambeau et relevé les défis. Après Serigne Modou Bara, connu encore sous le nom de Mouhamadou Hafiz et Serigne Abdoul Aziz Bara, c’est Serigne Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké, par ailleurs, khalife général des mourides, qui assure la destinée du khalifat de Serigne Bara.
Serigne Modou Bara connu encore sous le nom de Mouhamadou Hafiz a été le premier Khalife de Serigne Bara. Il prit soin de ses frères et confia certains parmi eux à Serigne Bassirou Mbacké qui était un de ses proches amis, et les filles à Sokhna Fatou Dia Mbacké, la fille ainée du fondateur du mouridisme, qui a vu le jour à Mbacké Kadior. A l’époque, Serigne Modou Bara célébrait le magal de son père à Tayssir (Kébémer) de 1936 jusqu’à la date de sa disparition en 1952, coïncidant avec le premier jour de la Tabaski.
Serigne Modou Bara a été remplacé par son frère Serigne Abdoul Aziz Bara. Selon les témoignages, le deuxième khalife de Serigne Bara « était un homme très courageux, il était miséricordieux et bien à l’aise avec tout le monde. Il a viabilisé et fait le lotissement de Mbacké Kadior. Il a construit la grande salle à côté de la grande mosquée en plus du premier forage. Il a beaucoup contribué à souder les liens de parenté entre la famille de Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké (Darou Khoudoss) et celle de Serigne Bara (Gouye Mbind) ». Serigne Abdoul Aziz Bara disparaît en 1990.
Depuis lors, c’est Serigne Cheikh Sidy Mokhtar qui assure le khalifat de Serigne Mouhmadou Lamine Bara Mbacké. Les réalisations de l’actuel khalife à Mbacké Kadior sont connues. Il a d’abord construit des résidences Serigne Bara à Touba, à Mbacké Kadior à Dakar et à Diourbel. Il a amené toute la famille de Serigne Bara (Hommes et Femmes) aux lieux saints de l’islam pour les besoins du pèlerinage. Et cela, avant même qu’il ne devienne khalife de Serigne Touba. C’est grâce à Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké que les différents axes routiers ont été bitumés ainsi que d’autres réalisations (Voir ailleurs). Au mois de janvier dernier, il a officiellement lancé les travaux de réhabilitation et de viabilisation de Mbacké Kadior (voir ailleurs).
SERIGNE CHEIKH KADIOR, IMAM RATIB DE MBACKE KADIOR
La nouvelle mission du petit-fils de Serigne Mbacké Ibra
Serigne Cheikh Kadior est l’imam de la grande mosquée du berceau du mouridisme. Il été désigné par le khalife général des mourides, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké pour assurer cette mission il y a bientôt six ans. Il considère cette tâche comme une nouvelle mission assignée à un disciple.
A l’image des autres cités religieuses du pays, Mbacké Kadior sera modernisée par le gouvernement du Sénégal. Selon Serigne Bara Maty Lèye Mbacké, fils du khalife général des mourides, le président de la République, Macky Sall, a entamé la réalisation des axes routiers supplémentaires dans la ville, deux ans après son accession au pouvoir.
Avant lui, rappelle-t-il, son prédécesseur, le président Abdoulaye Wade, avait construit l’axe routier Darou Marnane-Mbacké Kadior.
L’objectif, dit-il, c’est de relier les différentes communes à travers un réseau routier de qualité. C’est pourquoi, à son avis, le gouvernement du Sénégal veut construire les routes Mbacké Kadior-Sagatta, Mbacké Kadior-Dekhlé, Ndindy-Diourbel. « Quand tous ces axes routiers seront réalisés, les embouteillages notés lors de la célébration du grand Magal de Touba seront un vieux souvenir. Ces infrastructures routières seront d’une importance capitale pour les populations de la zone et pour l’économie du pays », soutient le guide religieux.
Lors du Conseil des ministres du 26 décembre 2013, le chef de l’Etat, Macky Sall, avait pris la décision de moderniser les cités religieuses du pays. Au Sénégal, faisait remarquer le président Sall, les fêtes et autres célébrations religieuses représentent des évènements importants pour les populations ainsi que des moments de recueillement et de prières pour « un Sénégal uni, dans un consensus dynamique pour bâtir un progrès économique et social ».
Pour cette raison, le président de la République avait réitéré ses directives au gouvernement pour l’appui, dans la mesure des possibilités de l’Etat, de toutes les communautés religieuses du Sénégal, par le moyen d’une programmation concertée préalable avec les religieux concernés, des interventions des services de l’Etat sollicités.
A ce propos, le chef de l’Etat marquait toute l’attention qu’il portait à la mise en œuvre du Programme national d’assistance aux manifestations religieuses et coutumières (Pramarc). Il avait aussi demandé au Premier ministre de veiller, en 2014, à l’intensification des réalisations du Programme de modernisation des cités religieuses, notamment les travaux engagés à Touba, Tivaouane, Médina-Gounass, Médina Baye, Popenguine, dans l’attente de l’extension des interventions à d’autres localités concernées.
En attendant ce vaste programme de l’Etat, Serigne Sidy Moctar Mbacké, Khalife général des mourides a, quant à lui, lancé le projet de réhabilitation et de viabilisation du berceau du mouridisme. La cérémonie de pose de la première pierre a eu lieu le 7 janvier dernier.
Etabli sur un site de près de 4 hectares, ce projet de «société universelle aux valeurs humaines et sociales» comporte quatre grands complexes, à savoir un institut dénommé « Mame Mor Anta Saly Mbacké », un périmètre d’agro-écologie, une résidence « Mame Cheikh Ibrahima Fall » et un lieu de «Ziar» (prières et recueillement)
« NGUIGUISS BAMBA » DE MBACKE KADIOR : L’endroit où Mame Cheikh Ibrahima Fall a fait allégeance à Khadim Rassoul
C’est à Mbacké Kadior (département de Kébémer) que les plus grands disciples de Cheikh Ahmadou Bamba Khadim Rassoul lui ont fait acte d’allégeance. Parmi eux, Mame Cheikh Ibrahima Fall qui fut son 40e disciple. Et la rencontre entre les deux hommes de Dieu s’est déroulée à Mbacké Kadior.
C’est sous le « ngui guis » (arbre) de son nom scientifique (piliostigma reticulatum) que Cheikh Ibrahima Fall a prêté serment d’allégeance. « J’ai été prédestiné à seconder le grand marabout Cheikh Ahmadou Bamba », disait-il. Il est décrit comme un espace abritant deux arbres : un tronc vertical et un autre horizontal, positions assez symboliques du maître et du disciple. « Le Cheikh se déplaçait sans cesse, il ne passait pas la nuit là où il était le jour et se déplaçait continuellement dans la journée », raconte Serigne Cheikh Thioro Mbacké, porte-parole permanent du Khalife général des mourides.
En provenance du village de Thiolom, Khadim Rassoul était à la quête d’une terre où il pouvait se consacrer exclusivement à l’adoration du Seigneur. « C’est dans ces circonstances qu’il est arrivé à ce lieu », précise Massylla Sylla trouvé sur le site « Ngui guis ». Ce site respire la sainteté. Les gens qui l’habitaient y ont adoré Dieu de sorte que quiconque y prie le Seigneur sera satisfait. J’étais moi-même à la quête d’un site similaire pour l’agreement de mes actes de dévotion, il prit place s’installa en ce lieu, sous cet arbre dans la brousse.
Et Cheikh Ibrahima Fall, en arrivant de Taïba Dakhar, en compagnie du premier disciple de Serigne Touba, Serigne Adama Guèye, fut le 40e disciple à lui faire allégeance. L’endroit est aujourd’hui matérialisé par un carré où les fidèles se recueillent et s’adonnent à des actes de dévotion. La racine de ces deux arbres a aujourd’hui disparu.
« Lors de la célébration du magal de Mbacké Kadior, les fidèles arrachaient les feuilles de même que les troncs de ces deux arbres qui restaient. Tout a été arraché par les disciples qui viennent lors du magal Kadior. Aujourd’hui, il n’en reste plus rien », regrette Samba Diop, disciple « Baye Fall » trouvé sur le lieu.
Une mosquée a été érigée sur place pour permettre aux pèlerins de s’adonner à des actes de dévotion. A chaque magal de la cité religieuse, les disciples se rendent donc à « Ngui guis Bamba » pour faire leur ziarra, comme pour commémorer la première rencontre entre le fondateur du Mouridisme et son disciple Cheikh Ibrahima Fall.
Serigne Bassirou Khoudia raconté par son fils et khalife Serigne Lamine Mbacké
Serigne Bassirou Khoudia Mbacké était un des fils de Serigne Bara. Il portait le nom de Serigne Bassirou Mbacké Ibn Khadim Rassoul. A la disparition de son père, Serigne Lamine Bara, il a été confié à son homonyme qui vivait à Kaolack jusqu’à l’âge adulte. Serigne Bassirou Mbacké l’a ensuite amené à Darou Salam Kadior.
D’ailleurs, souligne-t-il, « je suis installé dans ce village ». Il y résidait et n’avait d’activités que le travail et l’adoration de Dieu.
A l’époque, cette localité était une forêt. Présentement, elle compte plus d’une centaine de maisons. Il y a construit une mosquée, un « daara », entre autres, infrastructures. A sa naissance à Kébémer en 1926, selon Serigne Lamine Bassirou, son père, Serigne Bara, a écrit des vers à cette occasion. Il disparut le 17 août 2007. Serigne Bassirou Khoudia Mbacké est connu pour sa droiture, son sens des responsabilités et sa réserve. Selon son fils Serigne Lamine Bassirou, c’est cela qui lui a valu l’estime et la considération de toute la descendance de Khadim Rassoul, dont certains lui ont confié leurs enfants. Serigne Bassirou Khoudia a donné une bonne éducation à ses enfants, en connaissance islamique et en savoir-être. Serigne Bassirou Khoudia était un ami, conseiller et compagnon de son grand-frère Serigne Cheikh Sidy Mokhtar, actuel khalife général des mourides. D’ailleurs, selon Serigne Lamine Bassirou, « ce dernier a fait un bon témoignage sur lui ».
« Nous ne ressentons pas trop sa disparition, Serigne Cheikh Sidy Mokhtar ne nous a jamais abandonnés. Il veille sur nous et nous prions pour lui », dit le khalife.
SYLVAIN DIT BABACAR SALL DE NDEEM : « Je suis né Baye Fall »
« Je ne suis pas devenu Baye Fall, je suis né Baye Fall mais je ne le savais pas ». C’est la conviction de Sylvain dit Babacar Sall, Français d’origine et Sénégalais d’adoption. Il est devenu « Baye Fall » grâce à Serigne Babacar Mbow de Ndeem. A l’instar de ses condisciples, il participe aux travaux de réhabilitation et de viabilisation de Mbacké Kadior.
Cousin du footballeur Cherif Sall de Louga, Babacar Sall, nom sénégalais que ce Français d’origine a pris, a passé 15 ans au Sénégal. Arrivé au Sénégal en 2000, il est devenu mouride cinq ans plus tard, après avoir rencontré Serigne Babacar Mbow, disciple du Khalife général des « Baye Fall » Serigne Cheikh Dieumbe Fall basé à Ndeem, village situé près de Diourbel. « Je ne suis pas devenu Baye Fall, je suis né Baye Fall mais je ne le savais pas », déclare-t-il. Pour lui, beaucoup de gens sont des « Baye Fall » sur terre. « Quand ils ont de la chance, ils peuvent le savoir. Je suis « Baye Fall » à la naissance et c’est Serigne Babacar Mbow qui m’a aidé à le savoir, à le comprendre et à le vivre », souligne-t-il.
Sur le choix de son nom sénégalais, il a relevé que c’est la famille Sall de Louga qui l’a adopté, alors qu’il traversait des moments difficiles. Ce montagnard âgé de 50 ans ayant « un caractère de fou » se définit d’ailleurs comme « un grand guerrier ».
A l’image de l’étudiant Mamoune Guèye, il a regagné Mbacké Kadior avec sa famille.
« Je n’ai pas de problème. Je suis tranquille. Je lis les panégyriques en français », ajoute-t-il. Géomètre et carreleur, il a travaillé un peu partout, notamment au palais de la République sous le président Abdoulaye Wade, avant que son chemin ne croise celui de Serigne Babacar Mbow. Cela fait 10 ans qu’il est devenu disciple de ce Cheikh « Baye Fall » du village de Ndeem, près de Diourbel.
« Je suis arrivé par hasard dans ce village. J’y ai fondé une famille. J’ai une femme et un fils. Je vis dans ce village avec mes condisciples. Je pense que dans le cœur, on a eu la bénédiction de Dieu avant la naissance, on était prédestiné à être Baye Fall », soutient-il.
Sylvain, de son nom de naissance avant de devenir mouride, s’occupe aujourd’hui des implantations, du nivelage et toute la géométrie sur les différents sites. « J’ai tout le matériel pour ce travail. C’est pour Dieu qu’on travaille. En participant à la réalisation de cette œuvre, nous aurons certainement l’agrément divin », espère-t-il. Aujourd’hui, fait-il remarquer, « c’est peut-être difficile de s’engager dans des entreprises pareilles mais nous récolterons les fruits de notre engagement ».
« Il suffit de passer une seule nuit ici pour se rendre compte qu’il y a des forces invisibles. Vous savez, Dieu nous a donné des yeux pour nous rendre aveugles. Comme çà, on voit les choses visibles et non celles cachées. La preuve, conclut-il, « il n’y a que le cœur pour voir à la place des yeux chez le fou ».
Le Soleil