Dans un entretien à « Axios », il dit envisager de signer un décret pour remettre en cause ce principe inscrit dans le 14e amendement de la Constitution.
A une semaine des élections de mi-mandat, Donald Trump a encore haussé le ton sur l’immigration, mardi 30 octobre. Après avoir laissé flotter l’idée d’un retour de la politique de séparation des familles de migrants entrés illégalement aux Etats-Unis à laquelle il avait dû renoncer face au tollé, en juin, puis au lendemain de l’annonce de l’envoi de 5 000 soldats à la frontière avec le Mexique, le président américain a estimé, au cours d’un entretien accordé au site Axios, qu’il envisageait de supprimer par décret le droit du sol pour l’obtention de la citoyenneté américaine, une disposition qu’il critique de longue date.
« Nous sommes le seul pays au monde où, si une personne arrive et a un bébé, le bébé est citoyen des Etats-Unis avec tous les avantages », a assuré Donald Trump, alors que d’autres pays reconnaissent également le droit du sol. « C’est ridicule, il faut que cela cesse. »
Comme avec la promesse, mi-octobre, de nouvelles baisses d’impôts qui avaient manifestement pris tout de monde de court, y compris au sein du Parti républicain, cette annonce a suscité l’étonnement. Le speaker (président) républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, qui ne se représente pas, a aussitôt exprimé ses doutes.
« Vous ne pouvez évidemment pas faire cela » par décret, a-t-il assuré à une radio de son Etat d’élection, le Wisconsin.
Gesticulation électoraliste
Le fond autant que la méthode alimentent la thèse d’une gesticulation électoraliste. Le droit du sol est en effet garanti depuis un siècle et demi par le 14e amendement de la Constitution américaine. Adopté après la guerre de Sécession (1861-1865) au profit des anciens esclaves noirs, il stipule que « toute personne née ou naturalisée aux Etats-Unis, et soumise à leur juridiction, est citoyen des Etats-Unis et de l’Etat dans lequel elle réside ».
Certains juristes conservateurs estiment que les immigrés illégaux échappent peut-être à la formule « soumise à leur juridiction », ce qui priverait un enfant né d’une famille de sans-papiers du droit du sol. Ils restent très minoritaires par rapport à ceux qui jugent que la Cour suprême a dissipé toute ambiguïté dans un arrêt rendu il y a plus d’un siècle. Elle avait alors disposé qu’un fils d’immigrants chinois légaux, né en Californie, était bien citoyen des Etats-Unis par sa naissance, même si ses parents n’étaient pas américains.
Le moyen qu’envisage Donald Trump nourrit également les interrogations, compte tenu des critiques républicaines qui s’étaient abattues sur le prédécesseur démocrate du président, Barack Obama, qualifié de « roi » à la suite de la signature d’un décret accordant temporairement un statut légal aux sans-papiers arrivés aux Etats-Unis alors qu’ils étaient mineurs. « Si le 14e amendement (…) peut être rayé d’un trait de plume, alors l’ensemble de la Constitution peut être effacé de la même manière », s’est indigné le constitutionnaliste Laurence Tribe sur son compte Twitter.
Le Parti démocrate s’est efforcé mardi de ne pas prêter beaucoup d’attention à l’annonce du président. La sénatrice du Minnesota, Amy Klobuchar, a réagi sur son compte Twitter en invitant ses lecteurs à l’indifférence. « Il dira n’importe quoi avant les élections, a-t-elle estimé à propos de Donald Trump. Ne mordez pas à l’hameçon. Concentrez-vous sur le moyen de mettre fin à la haine. Embrassez un gamin. Soyez gentils avec quelqu’un que vous ne connaissez pas, ou avec lequel vous n’êtes pas d’accord. Et votez. S’il vous plaît, votez. »