«Nous avons eu à plusieurs reprises l'occasion de relever l'impératif catégorique d'une diversification du tissu productif de notre économie, afin d'améliorer, dans la durée, notre épargne intérieure par une plus grande distribution d'emploi, et de revenus, et notre épargne nationale par une offre exportable plus forte et plus compétitive», explique Ahmed Lahlimi Alami, Haut-commissaire au Plan.
Une économie essoufflée
Les premières recommandations du Haut-commissariat au Plan (HCP) sur la diversification de l'économie marocaine remontent à 2012 et depuis, la question est régulièrement soulevée «à chacune des présentations de notre budget économique». La mise en œuvre d'une réelle diversification devrait faciliter l'inflexion du modèle de développement que Lahlimi considère comme «étant en état d'essoufflement, voire proche de ses limites».
L'absence d'une réelle diversification économique impacte par ailleurs l'offre exportable marocaine qui, soumise à l'Indice de complexité-produit (Index Product Complexity ou IPC), s'avère avoir un contenu «faible et en dégradation». Un constat expliqué par une étude conjointe entre le HCP et l'université américaine Harvard et qui classe l'offre exportable d'un pays en fonction de deux concepts : l'espace produit et celui de la complexité.
Espace produit et complexité
L'espace produit renvoie à l'ensemble des produits visibles et en circulation sur le marché mondial. Cette catégorisation permet d'analyser ces produits en fonction du contenu qu'il incorporent en termes de «savoir-faire, d'efficience de l'environnement social et institutionnel ou capabilité, qu'il a été nécessaire de mobiliser pour son élaboration», explique le Haut-commissaire. C'est justement l'analyse du niveau de ces capabilités, «que recèle le tissu productif des économies d'où proviennent ces produits, qui conduit à un indicateur du niveau de complexité de ces dernières exprimées par l'"Index Economic Complexity"».
Une classification qui remet en question la valeur réelle de l'offre exportable marocaine et des politiques de diversification menées depuis 2012. «D'après cette étude, 60% de ces opportunités s'avèrent être des choix non stratégiques et ne permettraient pas une transformation de notre économie», tranche Lahlimi. Pour le Haut-commissaire, ces indicateurs de complexité économique montrent que le Maroc peut toujours devenir plus compétitif, «mais juste pour les produits de faible valeur ajoutée, car ils sont les plus proches à sa structure actuelle».
En effet, la marque Maroc est représentée par 593 produits à diversifier au sein de l'espace produit. Une offre qui a été segmentée en quatre classes par le tandem HCP/Harvard. Sur les 593 produits, 141 seulement figurent parmi la classe de produits hautement stratégiques et complexes apportant des avantages directs et indirects au tissu économique, «tant que le Maroc parvient à développer les capabilités requises pour les produire».
Plus de 60% de l'offre sans réelle valeur ajoutée
Cette classe est suivie de celle des produits hautement complexes et moyennement stratégiques où figurent 83 produits dont l'impact serait significatif en termes de complexité globale de l'économie, mais ses avantages indirects ne seraient pas aussi «importants que ceux produits de la classe 1». Puis arrive juste après la classe des produits moyennement complexes et moyennement stratégiques qui sont au nombre de 26 et dont la contribution directe et indirecte à la complexité de l'économie marocaine est -comme son nom l'indique- moyenne.
La dernière classe est celle des produits à faible complexité et valeur stratégique qui englobe 343 produits et dont la contribution à la diversification des exportations, orientée vers la complexité, le savoir et la croissance économique, est minime. Cette dernière classe compte à elle seule plus de 50% de l'ensemble de l'offre exportable marocaine, ce qui renseigne, selon le HCP, sur le chemin à parcourir avant d'atteindre une réelle diversification économique.
Opportunités latentes
«Ceci est dû au fait que le Maroc, durant ces deux dernières décennies, n'a pu stabiliser que peu de ses exportations qui sont en majorité des produits primaires ou de faible contenu technologique», explique Lahlimi. Le Haut-commissaire propose ainsi «d'établir un cadre d'identification des choix stratégiques basé sur les capabilités actuelles de l'économie afin d'assurer une diversification durable et une croissance économique soutenue».
Pour y arriver, les autorités comme les détenteurs de capitaux devront dépasser le «cadre classique» de l'accumulation des facteurs de production pour assimiler l'ensemble des connaissances intégrées dans une économie, puis les combiner pour «aller vers de nouvelles capabilités». Pour l'heure, les opportunités de diversification vers des produits riches et sophistiqués restent «latentes», selon le HCP.
Cette sortie du Haut-commissariat au Plan devrait être suivie d'une approche collaborative avec les différentes associations et regroupements professionnels actifs dans l'export, de manière à enrichir la complexité de leur production. Le HCP a d'un autre côté appelé les «politiques» à suivre, assainir et renforcer l'analyse espace produit et la complexité économique de manière à permettre une réelle diversification.