Aujourd’hui est une journée décisive pour la junte au Mali, la Cédéao et la France. Le colonel Assimi Goïta a invité les Maliens à sortir massivement dans les rues pour dénoncer à la fois les sanctions décidées par la Cédéao et la main de Paris, supposée être derrière. C’est donc l’occasion pour chacune des trois parties de mesurer sa popularité auprès des Maliens.
Si la junte au pouvoir arrive à réussir une forte mobilisation, elle en sortira réarmée moralement, à défaut de l’être financièrement, pour poursuivre le bras de fer avec la Cédéao et la France. Elle pourra donc rester au pouvoir, au moins dans un premier temps, et aller chercher d’autres partenaires pour se passer de la France et réduire l’influence du bloc occidental. Le Mali pourrait alors servir d'exemple en Afrique de l'Ouest, après le Rwanda en Afrique de l'Est.
Si jamais le peuple malien ne sort pas en masse, il sera alors difficile pour Assimi Goïta de tenir la dragée haute à ses collègues de la sous-région et de l’hexagone, puisqu’en dehors de la Russie et probablement de la Chine, le peuple est désormais son seul soutien possible, dans ce contexte où l’Union européenne décide aussi de durcir ses mesures de rétorsion. Et que sans doute l’Union africaine ira aussi dans le même sens.
Quant à la Cédéao, elle aura l’occasion de jauger sa popularité auprès des masses de la sous-région. Accusée régulièrement d’être un syndicat de chefs d’Etat en manque de popularité, elle saura si elle est sur la bonne voie ou alors elle a intérêt à changer pour devenir ce que beaucoup rêvent : une Cédéao des peuples.
Si jamais les leçons sont tirées, la Cédéao sera plus à l’écoute des peuples en lieu et place de la préservation de régimes issus très souvent de coup d’Etat institutionnel avec des opposants emprisonnés ou exilés, le parrainage comme piège insurmontable ou des processus électoraux biaisés et une répression dans le sang.
En dehors de la Cédéao, celle qui risque de perdre dans l’immédiat est sans doute la France. Ce qui est sûr, c’est que cette manifestation sera encore l’occasion pour les Maliens en particulier, les populations des ex-colonies en général, de nourrir davantage le sentiment anti-français. L’image de la France en Afrique sera donc davantage écornée. Mais ce n’est peut-être pas la priorité pour Paris : l’essentiel pour Macron est de garder son pré carré, quel qu'en soit le prix, y compris le sacrifice extrême comme en témoigne l'histoire des relations entre la France et l'Afrique depuis les indépendances. L’image attendra !
Autrement dit, la France peut perdre dans l’immédiat, mais si Paris réussit à faire plier la junte d'une manière (économique) ou d'une autre (militaire), elle restera encore maîtresse du jeu en Afrique de l’ouest, comme elle l’a déjà démontré avec le projet de la monnaie unique Eco, torpillé à Abidjan avec la complicité de Ouattara et ses pairs francophones.