La récente suspension des médias étrangers dont France 24 et Radio France internationale (Rfi), accusés de publier de fausses informations par les autorités maliennes, a fait réagir l’Ong Article 19/Afrique de l’Ouest.
Elle a publié un communiqué pour fustiger sur ces mesures prises en pleine crise diplomatique entre la France et le Mali. D’après Article 19, cela constitue un véritable frein à la liberté d’expression et à l’accès à l’information.
C’est le 26 mars 2022 que «le ministre de l’Administration territoriale et de l’Administration a annoncé qu’il allait entamer la procédure de suspension des deux médias, dont le siège est en France», a-t-on indiqué dans le document.
Selon le communiqué du ministre, la procédure fait suite à la publication de ce qu’il estime de «fausses nouvelles concernant les abus et des violations des Droits de l’homme et du droit international humanitaire perpétrés par les groupes armés islamistes et les Forces armées maliennes (Fama)».
A ce sujet, le ministre fait référence «à un rapport d’Human Right Watch affirmant qu’au moins 107 personnes ont été tuées par l’armée malienne et des groupes islamistes armés dans le centre et le sud-ouest du Mali depuis décembre 2021», renchérit-il.
Avant d’enchainer avec la «réglementation nationale qui exige qu’une telle suspension soit effectuée par la haute autorité de la communication, et seulement après délibération du Conseil des membres». Car «la décision de suspension est intervenue le lendemain, dans l’après-midi du 17. Le signal des émissions Fm de Rfi et les émissions télévisées de France 24 ont été interrompus dans tout le Mali», précise-t-il.
De plus, «aucune possibilité n’a été donnée à Rfi et à France 24 de se défendre ou de répondre aux accusations portées contre eux, comme l’exige le droit national et international», dit-on. Et d’ajouter : «Par rapport à cette suspension, les autorités ont interdit aux radios et télévisions nationales de rediffuser ou de publier des programmes ou des articles de presse produits par les deux médias.»
Article 19 de rappeler «que le caractère supposé faux d’une information n’est pas un motif légitime et légal de la restriction de la liberté d’expression et de la liberté des médias». Un principe important demeure que «le droit de transmettre des informations ne se limite pas à «des déclarations correctes» et que ce droit protège également les informations et les idées qui peuvent choquer, offenser ou déranger».
Les quatre mandats spéciaux sur la liberté d’expression ont clairement indiqué que «les interdictions générales de diffusion d’information fondées sur des idées vagues et ambigües compris ‘’les fausses nouvelles’’, sont incompatibles avec les normes internationales relatives aux restrictions de la liberté d’expression».
Il en est de même «du rapport annuel du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’homme sur la liberté d’opinion et d’expression. En sus, «toute réglementation du secteur de la radiodiffusion devait être effectuée par une autorité de régulation professionnelle indépendante, conformément aux normes internationales».
Pour les défenseurs de la liberté d’expression, «cette suspension semble être motivée par des raisons politiques, au regard des récentes tensions politiques et diplomatiques entre les autorités maliennes et la France. Les médias professionnels ne devraient pas être pénalisés par des relations politiques tendues et devraient pouvoir opérer de manière indépendante et libre. Les Etats devraient également promouvoir un environnement médiatique diversifié et pluraliste. Dans les situations de tensions politiques, il est important que les médias puissent fonctionner librement, afin de fournir aux citoyens des informations précises, opportunes et fiables. Les autorités doivent créer des conditions favorables pour les médias et garantir le droit des personnes à accéder à l’information en vertu de la loi et en pratique», a déclaré Fatou Jagne Senghor, directrice régionale d’Article 19/Afrique de l’Ouest.
Toutefois, l’Ong appelle les autorités maliennes à reconsidérer la suspension des médias en question et à veiller à ce que toute action susceptible de restreindre la liberté des médias soit pleinement conforme aux normes internationales en matière de liberté d’expression. «En particulier, toute restriction de la liberté d’expression doit notamment être prévue par la loi, poursuivre un objectif légitime et être proportionnelle et nécessaire dans une société démocratique».