A Madagascar, l'entreprise agro-industrielle Star, rachetée en 2011 par le groupe français Castel, a annoncé mardi avoir commandé un audit indépendant de sa chaîne d'approvisionnement à Madagascar à la suite d'articles de presse et de reportages télévisuels liant la production de maïs à la déforestation de Menabe (province de Tuléar) dans le sud-ouest de l'île. L'audit sera réalisé par Fanamby, une ONG locale de défense de l'environnement ayant plusieurs études sur la culture et le commerce du maïs dans le pays.
La direction de Star explique sa décision par sa volonté de vouloir s'assurer que sa production n'est pas liée à la déforestation ou à la dégradation de la biodiversité dans la région de Menabe, une zone de forêt sèche abritant plusieurs espèces rares, notamment le plus petit primate du monde, connu sous le nom de lémurien de Madame Berthe.
« Nous avons demandé un audit indépendant dans ce domaine, dont les conclusions seront rendues publiques dès que possible », a déclaré Francis Ambroise, PDG adjoint de Star, lors d'une conférence de presse dans la capitale Antananarivo, citant des rapports récents mettant en cause l'approvisionnement en maïs de l'entreprise.
13 000 tonnes de maïs comme intrants
Insistant sur l'engagement environnemental de Star, aujourd'hui leader de l'industrie des boissons dans la Grande île, Francis Ambroise a déclaré ne pas être certain à 100% que le maïs des produits de Star ne soit pas cultivé illégalement dans la région de Menabe.
« La Star est certifiée ISO 9001, ce qui implique des obligations sur le management de la qualité de nos produits depuis l'achat des matières premières jusqu'à la commercialisation. Chacun de nos fournisseurs dispose d'un cahier des charges spécifique et rigoureux. Celui-ci stipule clairement que les matières premières ne doivent en aucun cas ni provenir d'aires protégées et ni nuire à l'environnement de quelque manière que ce soit. Nos quatre fournisseurs s'approvisionnent sur tout le territoire malgache », se défend l'entreprise dans un communiqué publié ce mardi.
Avec ses quatre filiales (Brasseries Star Madagascar, Malto, Sema eau vive, Nouvelle brasserie de Madagascar), la filière du groupe français quelque 13 000 tonnes de maïs sur l'ensemble du territoire malgache, ce qui représente 2,65 % de la production annuelle totale du pays (490 000 tonnes). Sur les 13 000 tonnes, 11 % du maïs utilisé comme intrant dans les usines de Star proviennent de la région de Menabe.
2% de la superficie forestière totale perdue en une année
L'agriculture itinérante, essentiellement basée sur l'autoconsommation et caractérisée par le défrichement, a été le plus grand facteur de perte d'arbres à Madagascar l'année dernière, causant une importante perte de la forêt tropicale primaire de la quatrième plus grande île du monde, selon le World resources institute, un organisme américain spécialisé dans les questions environnementales et basé à Washington. Pour la seule année 2014, le pays a perdu 318,465 hectares importants (787,000 acres) de couverture arborée, soit environ 2% de sa superficie forestière totale, du fait de l'agriculture, des activités minières et l'extraction du bois de haute valeur.
« Dans la zone d'étude autour de la nouvelle aire protégée Menabe-Antimena, la principale cause de la déforestation était l'abattis-brûlis pour permettre la culture de maïs d'arachide », rapporte les résultats d'une étude de terrain menée en 2016 par dans le cadre du projet BioSceneMada sur le processus de déforestation des forêts sèches du Menabe, un projet financé par la Fondation pour la recherche de la biodiversité et le Fond français pour l'environnement mondial.
Pour rappel, le déboisement est une pratique illégale à Madagascar depuis 1987 (décret 87-143, du 20 avril 1987), à l'intérieur comme en dehors des aires protégées. Au cours des neuf derniers mois, les autorités malgaches ont mené une campagne pour ralentir la destruction de la forêt de Kirindy au Menabe, procédant notamment à l'arrestation de plusieurs agriculteurs qui cultivaient le maïs dans la zone protégée. Toutefois, les experts du projet avancent que « la loi n'a pas été respectée, ni appliquée et presque personne n'est poursuivi pour destruction de la forêt ».