Abdou Fall et la mise à mort de Macky Sall
« (…) On sait ce dont les uns et les autres sont capables dans des circonstances de dualité. Il faut que, en toute circonstance, l’autorité du chef de l’Etat soit restaurée. Donc, s’il y a un malaise, on le vide.»
Pour Macky Sall, ces mots, terribles comme la sentence qui frappe un condamné à mort, pouvaient sortir de toutes les bouches sauf certainement de celle de Abdou Fall. Oh que si ! C’est juste un conseil de «frère». Et puis, c’est mal connaître Abdou Fall. Il est, depuis qu’il a fondu sa Cds dans le Pds, l’un des exécuteurs les plus froids de Wade. De la Wadésie.
Mais dans son conseil de «frère», il aurait pu ajouter à l’endroit de celui qui n’en a plus pour longtemps au poste de secrétaire général national adjoint du Pds et au perchoir de l’Assemblée nationale ceci : «Parce que c’est ton tour mon frère !»
L’accusation prononcée par le Procureur Fall contre le président de l’Assemblée nationale est on ne peut plus précise : «dualité», et son sort déjà scellé : «s’il y a un malaise, on le vide.» En fait, le message est clair mais ç’aurait été encore plus simple de dire : «Macky, s’il y a malaise, on… te vire.»
Dualité. Ça ne vous rappelle pas quelqu’un ça ? Mais, pourquoi pensez-vous à Idrissa Seck ? Vous l’avez compris : Macky-Idy, même chef d’accusation, même sentence. Argument massue de celui qui porte la parole du Maître : «Dans des circonstances de dualité, il faut que l’autorité du chef de l’Etat soit restaurée.»
Hier, avec le «jardinier des rêves» du père comme aujourd’hui, avec «le meilleur Premier ministre» du même père, l’argument de la «dualité au sommet» de l’Etat ou du Parti (le Pds) ou de l’Etat-Parti, n’a jamais été convaincant. Hélas ! Il en a toujours été ainsi dans cette famille appelée Pds. Pas besoin de convaincre, il faut juste vaincre. Ici, on a été à bonne école de l’apprentissage «à vaincre sans avoir raison». «L’Aventure» n’est jamais «ambiguë» chez les libéraux !
(…)
En tous les cas, l’opposition regroupée au sein du Front Siggil Sénégal, si tant est qu’elle ambitionne sérieusement de mettre fin au régime de Wade, aurait tort de croire qu’elle n’a pas à se mêler de «querelles familiales libérales». Ce qui était jusqu’ici une affaire interne au Pds, association privée comme toute autre, est en train de dériver dangereusement vers une crise institutionnelle. Et malheureusement, ce n’est pas avec cette opposition qui ne veut pas «casser des bus» -mais qui lui a demandé de les caillasser d’ailleurs ?- qui arrêtera la dérive.
Le dérèglement institutionnel qui a vu adopter en Conseil des ministres un projet de loi portant dissolution du Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales (Craes) est synonyme, une fois voté par l’Assemblée nationale, de destitution du président de cette institution, en l’occurrence Me Mbaye Jacques Diop, c’est ce même dérèglement institutionnel qui va avoir raison du président de l’Assemblée nationale. «Démissionnez, Monsieur le Président!» Tel est l’ordre qui avait été donné à Me Mbaye Jacques Diop par le président de la République dans une lettre dont l’existence n’a jamais été démentie. C’est le même ordre, pour peu qu’on sache lire entre les lignes, qui est donné ainsi à Macky Sall par le chef de l’Etat par la voix détournée de Abdou Fall. Le président de la RépuÂblique ne pouvant pas, au terme de la Constitution, dissoudre une Assemblée nationale qui n’a pas encore deux ans d’existence, sauf si, au sens de la Loi fondamentale, la même AsÂsemblée votait une motion de censure contre le gouvernement -ce que ne ferait jamais Macky Sall, à moins qu’il soit frappé de cécité politique et veuille se faire hara kiri. Il fallait s’attendre, pour le moins, à ce que l’argument de la «dualité au sommet» soit encore brandi. D’où la sortie tout sauf innocente et improvisée de Abdou Fall. Et si cela ne suffisait pas pour contraindre Macky Sall à la démission, on usera de l’arme imparable de tentative, sinon de «coup d’Etat», du moins de blocage «de façon, vous connaissez la chanson, à entraver le fonctionnement normal des institutions». Dans (une) telle situation, et c’est toujours Abdou Fall, en éclaireur s’exprimant sur les ondes de Sud FM, qui livre les éléments du futur probable acte d’accusation : «Au plan constitutionnel, le Président (de la République) est la clef de voûte des institutions. A chaque fois qu’entre un responsable qui est à la tête d’une institution et le chef de l’Etat il y a un couac de quelque nature que ce soit, celui-ci peut entraver la bonne marche des institutions.» Le message est clair. Il renseigne à suffisance sur la gravité de la situation qui se déroule sous nos yeux. On pourra toujours épiloguer sur «L’esprit des Lois» de Montesquieu et sa chère théorie de «la séparation des pouvoirs», mais il faudra, la mort dans l’âme, se rendre à l’évidence. Toutes les institutions de ce pays, qui se veut pourtant démocratique, doivent se mettre au garde-à -vous et, au besoin, s’effacer à défaut de s’agenouiller devant une et une seule institution qui exige, manifestement de chacun de nous, pris pour de vrais obligés de Sa Majesté le roi Wade 1er, toutes les pirouettes, girouettes et courbettes. Cette institution s’appelle Le Président de la République.
Parce qu’on n’a pas pu, quelles que puissent être ses «erreurs» ou ses «fautes», défendre Idrissa Seck, au nom de la liberté pour chaque homme politique ou homme tout court d’avoir de l’ambition de conquérir le pouvoir (et pourquoi serait-il interdit d’en avoir ?), on ne pourra pas défendre Macky Sall dont le seul tort (ce n’est pas parce qu’il ne l’a pas déclaré urbi et orbi comme l’autre, qu’il est dépourvu d’ambition présidentielle) est d’être, malheureusement pour lui, sur la route, pour ne pas dire la Corniche qui mène… au Sommet.
Entre Idrissa Seck, le maire de Thiès et Macky Sall, le maire de Fatick -il y a tellement de dénominateurs communs entre les deux ! L’un et l’autre ont été Premier ministre avec des fortunes diverses. L’un et l’autre ont été directeurs de campagne victorieux tous les deux, de Wade. Le premier nommé a été numéro deux du Pds et le second l’est encore (jusqu’à quand ?) Autant de similitudes entre les deux hommes qu’on est tenté de croire qu’ils ont le même destin. Un destin de sacrifiés, sauf volonté divine contraire mettant un terme au cours actuel des choses pour le président de l’Assemblée nationale.
A-t-on encore besoin de se demander : demain à qui le tour ? La réponse coule pourtant de source. Demain, ce sera le tour de tous ceux et celles qui se trouveront au mauvais endroit au mauvais moment, -on n’a plus besoin surtout de le déclarer- si on est tant soit peu soupçonné, seulement soupçonné disons-nous, de barrer la fameuse route dont on dit, à tort ou à raison, qu’elle est en train d’être méthodiquement tracée pour le fils du Président. (…)
Un proche de Karim : «Nous allons maintenant dérouler l’agenda caché»
Que les sceptiques soient moins naïfs. La «route du Sommet» ne s’arrêtera pas au 11ème sommet de l’OCI qui vient de baisser ses rideaux à Dakar. La route de Karim se poursuivra. Telle semble être la résolution des Wade, le fils et son père de président.
«Maintenant, confie un proche et homme de confiance du fils du Président de la RépuÂbliÂque, nous allons dérouler l’agenda caché». Et cet agenda caché n’est rien d’autre que la marche du leader de la Génération du Concret vers… un autre Sommet : le Sommet du pouvoir. Y arrivera-t-il ? Y arriveront-ils, les Wade et leurs amis ?
La réponse à cette question fondamentale, à notre avis, n’est plus dans les moyens colossaux qui seront utilisés par Karim Wade et ses partisans. La fin, détrompez-vous, justifiera tous les moyens possibles, imaginables et non imaginables. La réponse est plutôt dans la capacité des forces d’en face à résister. Face à la stratégie des «Concrétistes» (de la «génération du concret») de prendre le pouvoir par tous les moyens, nous espérons de ces moyens qu’ils soient légaux, conventionnels et démocratiques ; il faudra une contre-stratégie, une offensive même, si tant est que l’ambition des adversaires potentiels du fils du chef de l’Etat soit de succéder à celui-ci. Cette contre-stratégie, malheureusement, n’ayons pas peur de le dire, tarde à se dessiner. Du moins on n’en voit pas encore l’esquisse.
(…)
En attendant, au moment où il s’apprêtera à prendre la redoutable décision de demander le suffrage des Sénégalais, Karim Wade devra méditer cette leçon d’un autre fils de Président. Interrogé en octobre 2007 sur ses ambitions politiques, Michel Gbagbo, fils du chef de l’Etat ivoirien Laurent Gbagbo, déclara ceci : «(…) Je n’aime pas le terme dynastie parce qu’il ne faut pas que la République soit un instrument au service d’une famille (…) Je suis intéressé par la politique, mais je connais mes limites et je dis, un président par famille et par siècle, je pense que c’est suffisant. La Côte d’Ivoire regorge d’intelligences pour pouvoir se donner d’autres présidents. Mais plaise à Dieu que je puisse mettre mon expérience et ma modeste contribution au service de ceux qui sont là . Je ne veux pas être président (…)»
Et le même Gbagbo-fils d’ajouter : «Mes ambitions sont au nombre de quatre, je voulais d’abord être docteur en psychologie, écrire des livres, ensuite être sénateur de la Jeune Chambre Internationale et enfin être député.»
Point de «Président de la République» dans les ambitions politiques de l’Ivoirien Michel Gbagbo ! Loin de nous l’idée de dire que le «cousin sénégalais», Karim (Wade) devrait nécessairement s’inspirer de l’exemple du «cousin ivoirien», Michel (Gbagbo). Mais, c’est le cas de le dire : le fils du Président Gbagbo ne manque pas de lucidité politique. (…)
PS : après la défaite de son père Abdoulaye Wade battu par un de ses fils «d’emprunt» Macky Sall, Karim Wade purge une peine de six ans de prison ferme, dans le cadre de la traque des «biens mal acquis».
«Il est midi», Idy !
Il n’y a pas pire pour un homme politique ambitieux que d’être privé d’espace vital. Un journaliste l’a déjà dit avec beaucoup de pertinence : à force de silence et d’absence, Idrissa Seck a laissé son espace vital occupé par aussi ambitieux que lui. Tant du côté de l’opposition, avec l’arrivée de Macky Sall, que dans le camp du pouvoir avec l’ambition désormais clairement affichée par Karim Wade d’hériter du fauteuil présidentiel, force est de constater que le terrain d’expression s’est considérablement réduit pour l’ancien «jardinier des rêves» de Wade. Alors, il fallait bien un passage en force digne d’un «boukhanté» ; bousculade en wolof. Le forcing d’Idy, pour les intimes, pour retourner auprès du père va-t-il réussir ? Là est toute l’équation à résoudre. Une équation à plusieurs inconnues. Reconnaissons-le. On a beau jouer au sorcier, on peine pour le moment à démêler l’écheveau depuis l’audience-de-midi du lundi 12 janvier. Cependant, plusieurs hypothèses peuvent être avancées.
Piège, realpolitik, deal
La première. Considérons que Seck soit tombé dans le piège tendu par Wade avec comme objectif pour le chef de l’Etat, de discréditer définitivement son ancien directeur de cabinet. De nombreux arguments militent en faveur d’une telle hypothèse. L’étonnant silence cette fois-ci du Président, à l’issue du face à face de lundi, est en fait un changement de stratégie pas du tout innocent. En laissant Idy aller devant les caméras, donc à Canossa pour annoncer lui-même les retrouvailles, Wade pourra toujours dire en cas d’échec : «Je n’ai jamais parlé de retrouvailles». Une façon bien adroite de s’arroger le beau rôle. Autre argument renforçant cette hypothèse, les réactions anti-Idy enregistrées au lendemain de l’annonce en grande pompe du remariage. Des réactions venant particulièrement de responsables de la «Génération du concret» et qui laissent penser à un téléguidage portant la signature de Karim Wade, même si le fils du Président, à l’image de son père, se garde bien de parler pour le moment préférant la posture confortable du tireur de ficelles. Mais de tous ces arguments, l’échec des négociations sur l’alliance électorale en vue des Locales du 22 mars parait le plus solide.
La deuxième hypothèse tiendrait aux limites même de la première. Le risque, voire la peur de perdre prématurément le pouvoir, c’est-à -dire bien avant les «50 ans» promis, cette peur bleue comme la couleur préférée de «Wade family», peut, au nom de la realpolitik, pousser le père à chercher à recoller les morceaux d’une famille éclatée en mille. L’histoire de «Diouf family» en 2000 est là pour attester du risque encouru, surtout au regard de la dynamique unitaire d’une opposition revigorée et faisant dans la devise des trois mousquetaires : «Un pour tous» et «Tous pour un». Et si seulement Maître Wade, fin calculateur, s’était rendu compte que le poids supposé ou réel de la «Génération du concret» que conduit son fils, n’était pas en mesure de compenser ni les dégâts immanquablement causés par le départ de Macky Sall ni la mise à la touche d’Idrissa Seck, en dépit de son jeu de yo-yo qui a fini par agacer une bonne partie de l’opinion.
La troisième et dernière hypothèse consisterait en l’existence d’un deal qui pourrait dépasser les Locales du 22 mars pour couvrir une perspective plus étendue. Un investissement à long terme qui pourrait avoir comme soubassement une réforme institutionnelle permettant à la famille libérale de conserver le pouvoir.
Piège, realpolitik, deal. Toutes ces hypothèses sont déterminées par une chose qui s’appelle en politique : le rapport de forces.
Lequotidien.sn
« (…) On sait ce dont les uns et les autres sont capables dans des circonstances de dualité. Il faut que, en toute circonstance, l’autorité du chef de l’Etat soit restaurée. Donc, s’il y a un malaise, on le vide.»
Pour Macky Sall, ces mots, terribles comme la sentence qui frappe un condamné à mort, pouvaient sortir de toutes les bouches sauf certainement de celle de Abdou Fall. Oh que si ! C’est juste un conseil de «frère». Et puis, c’est mal connaître Abdou Fall. Il est, depuis qu’il a fondu sa Cds dans le Pds, l’un des exécuteurs les plus froids de Wade. De la Wadésie.
Mais dans son conseil de «frère», il aurait pu ajouter à l’endroit de celui qui n’en a plus pour longtemps au poste de secrétaire général national adjoint du Pds et au perchoir de l’Assemblée nationale ceci : «Parce que c’est ton tour mon frère !»
L’accusation prononcée par le Procureur Fall contre le président de l’Assemblée nationale est on ne peut plus précise : «dualité», et son sort déjà scellé : «s’il y a un malaise, on le vide.» En fait, le message est clair mais ç’aurait été encore plus simple de dire : «Macky, s’il y a malaise, on… te vire.»
Dualité. Ça ne vous rappelle pas quelqu’un ça ? Mais, pourquoi pensez-vous à Idrissa Seck ? Vous l’avez compris : Macky-Idy, même chef d’accusation, même sentence. Argument massue de celui qui porte la parole du Maître : «Dans des circonstances de dualité, il faut que l’autorité du chef de l’Etat soit restaurée.»
Hier, avec le «jardinier des rêves» du père comme aujourd’hui, avec «le meilleur Premier ministre» du même père, l’argument de la «dualité au sommet» de l’Etat ou du Parti (le Pds) ou de l’Etat-Parti, n’a jamais été convaincant. Hélas ! Il en a toujours été ainsi dans cette famille appelée Pds. Pas besoin de convaincre, il faut juste vaincre. Ici, on a été à bonne école de l’apprentissage «à vaincre sans avoir raison». «L’Aventure» n’est jamais «ambiguë» chez les libéraux !
(…)
En tous les cas, l’opposition regroupée au sein du Front Siggil Sénégal, si tant est qu’elle ambitionne sérieusement de mettre fin au régime de Wade, aurait tort de croire qu’elle n’a pas à se mêler de «querelles familiales libérales». Ce qui était jusqu’ici une affaire interne au Pds, association privée comme toute autre, est en train de dériver dangereusement vers une crise institutionnelle. Et malheureusement, ce n’est pas avec cette opposition qui ne veut pas «casser des bus» -mais qui lui a demandé de les caillasser d’ailleurs ?- qui arrêtera la dérive.
Le dérèglement institutionnel qui a vu adopter en Conseil des ministres un projet de loi portant dissolution du Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales (Craes) est synonyme, une fois voté par l’Assemblée nationale, de destitution du président de cette institution, en l’occurrence Me Mbaye Jacques Diop, c’est ce même dérèglement institutionnel qui va avoir raison du président de l’Assemblée nationale. «Démissionnez, Monsieur le Président!» Tel est l’ordre qui avait été donné à Me Mbaye Jacques Diop par le président de la République dans une lettre dont l’existence n’a jamais été démentie. C’est le même ordre, pour peu qu’on sache lire entre les lignes, qui est donné ainsi à Macky Sall par le chef de l’Etat par la voix détournée de Abdou Fall. Le président de la RépuÂblique ne pouvant pas, au terme de la Constitution, dissoudre une Assemblée nationale qui n’a pas encore deux ans d’existence, sauf si, au sens de la Loi fondamentale, la même AsÂsemblée votait une motion de censure contre le gouvernement -ce que ne ferait jamais Macky Sall, à moins qu’il soit frappé de cécité politique et veuille se faire hara kiri. Il fallait s’attendre, pour le moins, à ce que l’argument de la «dualité au sommet» soit encore brandi. D’où la sortie tout sauf innocente et improvisée de Abdou Fall. Et si cela ne suffisait pas pour contraindre Macky Sall à la démission, on usera de l’arme imparable de tentative, sinon de «coup d’Etat», du moins de blocage «de façon, vous connaissez la chanson, à entraver le fonctionnement normal des institutions». Dans (une) telle situation, et c’est toujours Abdou Fall, en éclaireur s’exprimant sur les ondes de Sud FM, qui livre les éléments du futur probable acte d’accusation : «Au plan constitutionnel, le Président (de la République) est la clef de voûte des institutions. A chaque fois qu’entre un responsable qui est à la tête d’une institution et le chef de l’Etat il y a un couac de quelque nature que ce soit, celui-ci peut entraver la bonne marche des institutions.» Le message est clair. Il renseigne à suffisance sur la gravité de la situation qui se déroule sous nos yeux. On pourra toujours épiloguer sur «L’esprit des Lois» de Montesquieu et sa chère théorie de «la séparation des pouvoirs», mais il faudra, la mort dans l’âme, se rendre à l’évidence. Toutes les institutions de ce pays, qui se veut pourtant démocratique, doivent se mettre au garde-à -vous et, au besoin, s’effacer à défaut de s’agenouiller devant une et une seule institution qui exige, manifestement de chacun de nous, pris pour de vrais obligés de Sa Majesté le roi Wade 1er, toutes les pirouettes, girouettes et courbettes. Cette institution s’appelle Le Président de la République.
Parce qu’on n’a pas pu, quelles que puissent être ses «erreurs» ou ses «fautes», défendre Idrissa Seck, au nom de la liberté pour chaque homme politique ou homme tout court d’avoir de l’ambition de conquérir le pouvoir (et pourquoi serait-il interdit d’en avoir ?), on ne pourra pas défendre Macky Sall dont le seul tort (ce n’est pas parce qu’il ne l’a pas déclaré urbi et orbi comme l’autre, qu’il est dépourvu d’ambition présidentielle) est d’être, malheureusement pour lui, sur la route, pour ne pas dire la Corniche qui mène… au Sommet.
Entre Idrissa Seck, le maire de Thiès et Macky Sall, le maire de Fatick -il y a tellement de dénominateurs communs entre les deux ! L’un et l’autre ont été Premier ministre avec des fortunes diverses. L’un et l’autre ont été directeurs de campagne victorieux tous les deux, de Wade. Le premier nommé a été numéro deux du Pds et le second l’est encore (jusqu’à quand ?) Autant de similitudes entre les deux hommes qu’on est tenté de croire qu’ils ont le même destin. Un destin de sacrifiés, sauf volonté divine contraire mettant un terme au cours actuel des choses pour le président de l’Assemblée nationale.
A-t-on encore besoin de se demander : demain à qui le tour ? La réponse coule pourtant de source. Demain, ce sera le tour de tous ceux et celles qui se trouveront au mauvais endroit au mauvais moment, -on n’a plus besoin surtout de le déclarer- si on est tant soit peu soupçonné, seulement soupçonné disons-nous, de barrer la fameuse route dont on dit, à tort ou à raison, qu’elle est en train d’être méthodiquement tracée pour le fils du Président. (…)
Un proche de Karim : «Nous allons maintenant dérouler l’agenda caché»
Que les sceptiques soient moins naïfs. La «route du Sommet» ne s’arrêtera pas au 11ème sommet de l’OCI qui vient de baisser ses rideaux à Dakar. La route de Karim se poursuivra. Telle semble être la résolution des Wade, le fils et son père de président.
«Maintenant, confie un proche et homme de confiance du fils du Président de la RépuÂbliÂque, nous allons dérouler l’agenda caché». Et cet agenda caché n’est rien d’autre que la marche du leader de la Génération du Concret vers… un autre Sommet : le Sommet du pouvoir. Y arrivera-t-il ? Y arriveront-ils, les Wade et leurs amis ?
La réponse à cette question fondamentale, à notre avis, n’est plus dans les moyens colossaux qui seront utilisés par Karim Wade et ses partisans. La fin, détrompez-vous, justifiera tous les moyens possibles, imaginables et non imaginables. La réponse est plutôt dans la capacité des forces d’en face à résister. Face à la stratégie des «Concrétistes» (de la «génération du concret») de prendre le pouvoir par tous les moyens, nous espérons de ces moyens qu’ils soient légaux, conventionnels et démocratiques ; il faudra une contre-stratégie, une offensive même, si tant est que l’ambition des adversaires potentiels du fils du chef de l’Etat soit de succéder à celui-ci. Cette contre-stratégie, malheureusement, n’ayons pas peur de le dire, tarde à se dessiner. Du moins on n’en voit pas encore l’esquisse.
(…)
En attendant, au moment où il s’apprêtera à prendre la redoutable décision de demander le suffrage des Sénégalais, Karim Wade devra méditer cette leçon d’un autre fils de Président. Interrogé en octobre 2007 sur ses ambitions politiques, Michel Gbagbo, fils du chef de l’Etat ivoirien Laurent Gbagbo, déclara ceci : «(…) Je n’aime pas le terme dynastie parce qu’il ne faut pas que la République soit un instrument au service d’une famille (…) Je suis intéressé par la politique, mais je connais mes limites et je dis, un président par famille et par siècle, je pense que c’est suffisant. La Côte d’Ivoire regorge d’intelligences pour pouvoir se donner d’autres présidents. Mais plaise à Dieu que je puisse mettre mon expérience et ma modeste contribution au service de ceux qui sont là . Je ne veux pas être président (…)»
Et le même Gbagbo-fils d’ajouter : «Mes ambitions sont au nombre de quatre, je voulais d’abord être docteur en psychologie, écrire des livres, ensuite être sénateur de la Jeune Chambre Internationale et enfin être député.»
Point de «Président de la République» dans les ambitions politiques de l’Ivoirien Michel Gbagbo ! Loin de nous l’idée de dire que le «cousin sénégalais», Karim (Wade) devrait nécessairement s’inspirer de l’exemple du «cousin ivoirien», Michel (Gbagbo). Mais, c’est le cas de le dire : le fils du Président Gbagbo ne manque pas de lucidité politique. (…)
PS : après la défaite de son père Abdoulaye Wade battu par un de ses fils «d’emprunt» Macky Sall, Karim Wade purge une peine de six ans de prison ferme, dans le cadre de la traque des «biens mal acquis».
«Il est midi», Idy !
Il n’y a pas pire pour un homme politique ambitieux que d’être privé d’espace vital. Un journaliste l’a déjà dit avec beaucoup de pertinence : à force de silence et d’absence, Idrissa Seck a laissé son espace vital occupé par aussi ambitieux que lui. Tant du côté de l’opposition, avec l’arrivée de Macky Sall, que dans le camp du pouvoir avec l’ambition désormais clairement affichée par Karim Wade d’hériter du fauteuil présidentiel, force est de constater que le terrain d’expression s’est considérablement réduit pour l’ancien «jardinier des rêves» de Wade. Alors, il fallait bien un passage en force digne d’un «boukhanté» ; bousculade en wolof. Le forcing d’Idy, pour les intimes, pour retourner auprès du père va-t-il réussir ? Là est toute l’équation à résoudre. Une équation à plusieurs inconnues. Reconnaissons-le. On a beau jouer au sorcier, on peine pour le moment à démêler l’écheveau depuis l’audience-de-midi du lundi 12 janvier. Cependant, plusieurs hypothèses peuvent être avancées.
Piège, realpolitik, deal
La première. Considérons que Seck soit tombé dans le piège tendu par Wade avec comme objectif pour le chef de l’Etat, de discréditer définitivement son ancien directeur de cabinet. De nombreux arguments militent en faveur d’une telle hypothèse. L’étonnant silence cette fois-ci du Président, à l’issue du face à face de lundi, est en fait un changement de stratégie pas du tout innocent. En laissant Idy aller devant les caméras, donc à Canossa pour annoncer lui-même les retrouvailles, Wade pourra toujours dire en cas d’échec : «Je n’ai jamais parlé de retrouvailles». Une façon bien adroite de s’arroger le beau rôle. Autre argument renforçant cette hypothèse, les réactions anti-Idy enregistrées au lendemain de l’annonce en grande pompe du remariage. Des réactions venant particulièrement de responsables de la «Génération du concret» et qui laissent penser à un téléguidage portant la signature de Karim Wade, même si le fils du Président, à l’image de son père, se garde bien de parler pour le moment préférant la posture confortable du tireur de ficelles. Mais de tous ces arguments, l’échec des négociations sur l’alliance électorale en vue des Locales du 22 mars parait le plus solide.
La deuxième hypothèse tiendrait aux limites même de la première. Le risque, voire la peur de perdre prématurément le pouvoir, c’est-à -dire bien avant les «50 ans» promis, cette peur bleue comme la couleur préférée de «Wade family», peut, au nom de la realpolitik, pousser le père à chercher à recoller les morceaux d’une famille éclatée en mille. L’histoire de «Diouf family» en 2000 est là pour attester du risque encouru, surtout au regard de la dynamique unitaire d’une opposition revigorée et faisant dans la devise des trois mousquetaires : «Un pour tous» et «Tous pour un». Et si seulement Maître Wade, fin calculateur, s’était rendu compte que le poids supposé ou réel de la «Génération du concret» que conduit son fils, n’était pas en mesure de compenser ni les dégâts immanquablement causés par le départ de Macky Sall ni la mise à la touche d’Idrissa Seck, en dépit de son jeu de yo-yo qui a fini par agacer une bonne partie de l’opinion.
La troisième et dernière hypothèse consisterait en l’existence d’un deal qui pourrait dépasser les Locales du 22 mars pour couvrir une perspective plus étendue. Un investissement à long terme qui pourrait avoir comme soubassement une réforme institutionnelle permettant à la famille libérale de conserver le pouvoir.
Piège, realpolitik, deal. Toutes ces hypothèses sont déterminées par une chose qui s’appelle en politique : le rapport de forces.
Lequotidien.sn