« Je ne comprends pas pourquoi on n’a pas la nationalité française, on est nés français, on a combattu pour la France ! » Ndongo Dieng, Sénégalais, 81 ans, scrute des photos d’une cérémonie officielle de Bondy à laquelle il participait, en juin 2016, en tant qu’ancien combattant français. « Tous les ans, on y dépose une gerbe, nous, les tirailleurs. » Aujourd’hui, celui qui était colonel dans l’Algérois est logé dans un 17 mètres carrés du foyer social de la ville, et touche 335 euros par semestre.
A côté de lui, Alioune Mbodji, 85 ans, Sénégalais et ancien sergent dans l’armée française. « Cette médaille, c’est l’Indochine, en 1953. Celle-là, l’Algérie, en 56… Les autres, c’est quand je suis rentré au Sénégal. » La tête baissée vers ses médailles qu’il accroche fièrement à sa veste dès qu’un visiteur lui rend visite, le « vieux Mbodji » raconte avec le sourire ses onze ans passés au sein de l’armée française. « En Indochine, j’ai été blessé à la jambe, on a dû me rapatrier », raconte-il chéchia vissée sur la tête et boubou vert à encolure dorée sur les épaules. Rapatrié où ? « En France ! Nous sommes français, non ? »
« Décristallisation » des pensions
Français, le vieux Mbodji l’est de cœur. Il se sent « comme d’un père sénégalais et d’une mère française ». Mais lorsqu’il en demande la nationalité, en 1998, on la lui refuse au motif que sa femme et sa famille vivent au Sénégal. « Mais je ne peux pas les faire venir ici, le studio dans lequel je suis ne le permet pas, et je ne peux payer un plus grand logement. » Ndongo Dieng reprend la parole : « Si on est rentrés à ce moment-là, c’est que le bruit courait au Sénégal que Jospin allait changer notre statut. » La même année, le premier ministre Lionel Jospin émet en effet publiquement le vœu que ces soldats réintègrent la « mémoire collective nationale ». Effet d’annonce sans suite. Il faudra attendre 2007 et Nicolas Sarkozy pour que la situation des tirailleurs change, avec la « décristallisation » des pensions, qui donne aux anciens combattants des colonies les mêmes retraites que les anciens combattants français. Mais toujours pas de naturalisation.
Aujourd’hui, Alioune Mbodji et Ndongo Dieng attendent, dans leur foyer de Bondy, en banlieue parisienne. Rentrer au Sénégal et vivre leur retraite en famille ? Cela serait perdre la pension qu’ils touchent ici, pour beaucoup leur principale source de revenus. Alors, ils restent en France, seuls, racontent leurs histoires à qui veut les entendre, et mènent ce combat pour la naturalisation, sans doute leur dernier, avec Aïssata Seck.
Aïssata Seck, maire adjointe à Bondy chargée des anciens combattants
A côté de lui, Alioune Mbodji, 85 ans, Sénégalais et ancien sergent dans l’armée française. « Cette médaille, c’est l’Indochine, en 1953. Celle-là, l’Algérie, en 56… Les autres, c’est quand je suis rentré au Sénégal. » La tête baissée vers ses médailles qu’il accroche fièrement à sa veste dès qu’un visiteur lui rend visite, le « vieux Mbodji » raconte avec le sourire ses onze ans passés au sein de l’armée française. « En Indochine, j’ai été blessé à la jambe, on a dû me rapatrier », raconte-il chéchia vissée sur la tête et boubou vert à encolure dorée sur les épaules. Rapatrié où ? « En France ! Nous sommes français, non ? »
« Décristallisation » des pensions
Français, le vieux Mbodji l’est de cœur. Il se sent « comme d’un père sénégalais et d’une mère française ». Mais lorsqu’il en demande la nationalité, en 1998, on la lui refuse au motif que sa femme et sa famille vivent au Sénégal. « Mais je ne peux pas les faire venir ici, le studio dans lequel je suis ne le permet pas, et je ne peux payer un plus grand logement. » Ndongo Dieng reprend la parole : « Si on est rentrés à ce moment-là, c’est que le bruit courait au Sénégal que Jospin allait changer notre statut. » La même année, le premier ministre Lionel Jospin émet en effet publiquement le vœu que ces soldats réintègrent la « mémoire collective nationale ». Effet d’annonce sans suite. Il faudra attendre 2007 et Nicolas Sarkozy pour que la situation des tirailleurs change, avec la « décristallisation » des pensions, qui donne aux anciens combattants des colonies les mêmes retraites que les anciens combattants français. Mais toujours pas de naturalisation.
Aujourd’hui, Alioune Mbodji et Ndongo Dieng attendent, dans leur foyer de Bondy, en banlieue parisienne. Rentrer au Sénégal et vivre leur retraite en famille ? Cela serait perdre la pension qu’ils touchent ici, pour beaucoup leur principale source de revenus. Alors, ils restent en France, seuls, racontent leurs histoires à qui veut les entendre, et mènent ce combat pour la naturalisation, sans doute leur dernier, avec Aïssata Seck.
Aïssata Seck, maire adjointe à Bondy chargée des anciens combattants
Cette dernière est maire adjointe à Bondy chargée des anciens combattants, elle-même petite-fille d’un tirailleur. « A force de voir les refus individuels qui s’enchaînaient, j’ai décidé de lancer une action collective, raconte-elle dans les rues de Bondy, au volant de sa voiture.
Aujourd’hui, c’est très symbolique pour eux, ils ont tous plus de 75 ans, et ce n’est même plus une question d’argent depuis que les pensions ont été “décristallisées”. » Alors, la Franco-Sénégalaise écrit une pétition avec les tirailleurs, qui sont une trentaine dans la commune. « Les gens sont tous surpris qu’ils n’aient toujours pas la nationalité et, pour les tirailleurs, c’est un petit grain dans la machine qui fait mal au cœur. »
Ces anciens tirailleurs sénégalais seraient environ 500 en Ile-de-France, le double dans l’Hexagone. « Donc c’est vraiment du symbole, ça ne coûterait rien de les naturaliser », répète Aïssata Seck. Avant d’ajouter, après un silence : « Et puis ça ferait pas de mal, vu le climat social actuel. » Sa pétition a vite rencontré un large succès.
D’abord, le député de Seine-Saint-Denis et président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui avait déjà reçu en 2014 les tirailleurs de Bondy au palais Bourbon. Ensuite, Jamel Debbouze, acteur du film Indigènes, que la maire adjointe est allée chercher au Jamel Comedy Club, « et qui a accepté tout de suite. Il a voulu s’engager très vite ». Mais aussi l’acteur Omar Sy – dont le père est sénégalais –, le journaliste cofondateur du site d’informations Rue89, Arnaud Aubron, le directeur de l’Institut Montaigne, Laurent Bigorgne, les députés Cécile Duflot, Alexis Bachelay, Olivier Véran…
« La justice, tout simplement »
« Nous avons bon espoir », explique Alioune Mbodji en hochant la tête, dans une affirmation que confirme à l’unisson la maire de Bondy, Sylvine Thomassin : « Franchement, s’il y a la volonté politique, il n’y a aucune raison que leur naturalisation ne se fasse pas rapidement. » Et son adjointe d’ajouter, confiante : « On m’a dit que la pétition était remontée jusqu’à François Hollande. »
Les deux « dogues noirs de l’Empire » de Bondy, comme se plaisait Léopold Sédar Senghor à surnommer les tirailleurs, eux, n’en démordent pas. « Notre problème n’est pas un problème de naturalisation mais de réintégration, on a été français plus de trois cents ans », martèle l’ancien colonel Dieng, qui raconte, comme s’il y était et avec fierté, la bataille de Saint-Louis qui, en 1758, opposa le royaume de France de Louis XV au royaume d’Angleterre de George II, et à laquelle il affirme que, pour la première fois, des Sénégalais combattirent pour la France.
Source: le monde
Aujourd’hui, c’est très symbolique pour eux, ils ont tous plus de 75 ans, et ce n’est même plus une question d’argent depuis que les pensions ont été “décristallisées”. » Alors, la Franco-Sénégalaise écrit une pétition avec les tirailleurs, qui sont une trentaine dans la commune. « Les gens sont tous surpris qu’ils n’aient toujours pas la nationalité et, pour les tirailleurs, c’est un petit grain dans la machine qui fait mal au cœur. »
Ces anciens tirailleurs sénégalais seraient environ 500 en Ile-de-France, le double dans l’Hexagone. « Donc c’est vraiment du symbole, ça ne coûterait rien de les naturaliser », répète Aïssata Seck. Avant d’ajouter, après un silence : « Et puis ça ferait pas de mal, vu le climat social actuel. » Sa pétition a vite rencontré un large succès.
D’abord, le député de Seine-Saint-Denis et président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui avait déjà reçu en 2014 les tirailleurs de Bondy au palais Bourbon. Ensuite, Jamel Debbouze, acteur du film Indigènes, que la maire adjointe est allée chercher au Jamel Comedy Club, « et qui a accepté tout de suite. Il a voulu s’engager très vite ». Mais aussi l’acteur Omar Sy – dont le père est sénégalais –, le journaliste cofondateur du site d’informations Rue89, Arnaud Aubron, le directeur de l’Institut Montaigne, Laurent Bigorgne, les députés Cécile Duflot, Alexis Bachelay, Olivier Véran…
« La justice, tout simplement »
« Nous avons bon espoir », explique Alioune Mbodji en hochant la tête, dans une affirmation que confirme à l’unisson la maire de Bondy, Sylvine Thomassin : « Franchement, s’il y a la volonté politique, il n’y a aucune raison que leur naturalisation ne se fasse pas rapidement. » Et son adjointe d’ajouter, confiante : « On m’a dit que la pétition était remontée jusqu’à François Hollande. »
Les deux « dogues noirs de l’Empire » de Bondy, comme se plaisait Léopold Sédar Senghor à surnommer les tirailleurs, eux, n’en démordent pas. « Notre problème n’est pas un problème de naturalisation mais de réintégration, on a été français plus de trois cents ans », martèle l’ancien colonel Dieng, qui raconte, comme s’il y était et avec fierté, la bataille de Saint-Louis qui, en 1758, opposa le royaume de France de Louis XV au royaume d’Angleterre de George II, et à laquelle il affirme que, pour la première fois, des Sénégalais combattirent pour la France.
Source: le monde