Une scène poignante s’est produite lors du procès déjà émotionnel de John Bunn aux Etats-Unis. L’homme de 41 ans a enfin été acquitté après 27 ans de prison pour le meurtre présumé d’un officiel en civil. Libéré en 2009, l’homme était en cellule depuis ses 14 ans sur base des résultats d’enquête d’un inspecteur aujourd’hui désavoué.
Une injustice énorme qu’il payait depuis 1991. Voilà ce dont John Bunn a enfin été délivré hier par la juge elle-même émue aux larmes lorsqu’il s’est approché d’elle, lui a pris les mains et lui a dit effondré: « Merci votre honneur car cela fait 27 ans que je me bats pour vivre ». Le quadragénaire dont la vie a été gâchée s’est aussi adressé spontanément, la voix tremblante et les joues inondées de larmes, au procureur en entendant son acquittement: « Je veux que vous tous sachiez que vous avez condamné et envoyé en prison la mauvaise personne ».
« Cela n’aurait jamais dû arriver »
L’audience tout aussi émue a explosé en applaudissements tandis que la juge de la cour suprême de Brooklynn ShawnDya Simpson lui disait: « Je suis plus qu’émue en ce jour. Vous aviez 14 ans lorsque cela s’est produit. Cela n’aurait jamais dû arriver ». Des mots qui résonnent comme des excuses honteuses au nom de la justice de l’Etat qui a cru à de trop nombreuses reprises au travail de Louis Scarcella, le détective à l’origine d’une enquête tronquée et manipulée contre les accusés.
Les faits remontent donc à 1991 lorsqu’un agent correctionnel a été assassiné dans les rues de Crown Heights, un quartier de Brooklyn. Rapidement, le détective avait désigné John Bunn, alors 14 ans, et Rosean Hargrave, 16 ans, d’avoir extirpé Rolando Neischer et son partenaire Robert Crosson de leur véhicule pour le leur voler. Les deux hommes sont touchés par balles et Neischer ne survit pas à ce car jacking.
Pas les bonnes empreintes, pas de similitude avec le portrait robot
Seul témoin, Robert Crosson qui « pointera du doigt » Bunn et Hargrave sur base de photos présentées par Louis Scarcella. Mais en 2016, après des années de détention arbitraire suite à un jugement tout aussi hasardeux, John parviendra à démontrer que l’enquête était incohérente, si pas manipulée. En effet, comme le révèle le New York Times, les équipes de médecine légale avaient souligné que les empreintes des suspects tenus par Scarcella ne correspondaient en aucun cas à celles retrouvées sur la scène de crime.
Pire encore, dans son témoignage initial, Robert Crosson avait décrit ses agresseurs comme deux hommes âgés de la vingtaine à la peau claire. Or John Bunn et son ami Rosean Hargrave ne correspondaient pas au portrait robot avec leurs têtes de pré-adolescents à la peau noire. Pour la défense des deux hommes, il est évident que les deux jeunes gens ont été piégés dans cet affaire. « Il y avait un problème dans le début de l’enquête: il n’y avait aucune raison possible pour arrêter ces garçons dans ce dossier ».
Battus quasi à mort en prison
En 2009, John Bunn est entendu et est libéré sur base de ces éléments à décharge, mais pas encore acquitté. Il fondra alors une association pour aider ceux qui comme lui et son ami, se retrouvent du jour au lendemain, propulsés au coeur d’une erreur judiciaire dramatique. Rosean Hargrave, quant à lui, aura passé 24 ans en prison pour rien. « J’ai tant de fois vu la mort en face, car c’est comme ça que les agents pénitentiaires traitent les hommes condamnés à tort pour avoir tué l’un des leurs », a lancé entre deux sanglots à la cour l’homme âgé de 44 ans entouré de sa petite amie et de son cousin.
« The » détective fabriquait des preuves
Si les deux hommes ont vu leur cas réétudié, c’est parce que le détective Louis Scarcella, aujourd’hui retraité, n’est plus en odeur de sainteté dans la police et auprès de la justice de New York. Plusieurs plaintes contre lui ont été avérées et il semble que l’enquêteur était un habitué des fausses preuves et des enquêtes à charge montées de toutes pièces tout au long de sa carrière au NYPD. Ce sont 70 affaires de meurtres qui sont révisées actuellement en raison de son intervention dans celles-ci, principalement dans les années 80 et 90 où il était « LE » détective de référence de la police de New York.
Malheureusement, pour résoudre des affaires, il semble que le policier n’hésitait pas à faire incriminer des innocents en influençant victimes et témoins, en manipulant leurs déclarations et en falsifiant les preuves. En juillet 2017 par exemple, un certain Jabbar Washington a été libéré après plus de 20 ans derrière les barreaux pour un crime qu’il n’avait lui non plus pas commis. L’homme aujourd’hui âgé de 44 ans avait été condamné pour homicide au 2e degré lors d’un hold-up. Durant son procès, le jury avait été informé que l’accusé avait été pointé du doigt par une témoin des faits.
Des enquêtes décortiquées et des jugements annulés
Selon Scarcella et son coéquipier en effet, cette femme avait reconnu Washington parmi la série de photos qu’ils lui avaient présentée. Mais ce qu’ils ont omis de préciser au procureur et puis au jury, c’est que la témoin en question avait dit qu’elle reconnaissait certes Washington, mais parce qu’il était un voisin de son immeuble, et non comme étant l’un des malfaiteurs qu’elle avait aperçus. Ces hommes ne sont pas les seules victimes de l’acharnement de l’ex-policier, dont on ne compte plus les bavures et le nombre de dossiers qui ont été cassés ou annulés en appel. Souvent trop tard, après des dizaines d’années de prison illégitimes et trop de familles brisées. Reste à savoir pourquoi Louis Scarcella faisait sciemment condamner ces innocents.