Dans les couloirs du tribunal départemental, des dizaines de couples attendent, tous les mardis et jeudis, devant les cabinets des juges, pour rompre leur union…sacrée. Idem pour les juridictions publiques qui règlent, de façon pérenne, des problèmes de ménage. Saisis pour coups et blessures volontaires, violence à conjoint, abandon de famille et ou bigamie, les magistrats sont témoins de toutes sortes d’histoires. C’était le cas, hier mardi 15 mars 2016. Le juge correctionnel du Tribunal départemental a traité une affaire de bigamie des plus complexes. Et c’est la quinquagénaire Rokhaya Niang qui a été traînée à la barre par son «mari», Assane Loum. Succédant à son grand frère, il a épousé sa veuve, laquelle se dit délaissée par son nouveau mari. Ce qui a poussé Rokhaya à demander le divorce, avant de se remarier. Un nouveau départ, affront pour son second époux de la fratrie «Loum» qui portera plainte pour bigamie.
Cette affaire qui n’a pu se régler dans l’intimité du cocon familial, a atterri à la barre. Et c’est le plaignant, Assane Loum qui commence. Sa complainte, il la résume, devant un juge qui était tout ouïe, en ces mots : «Rokhaya Niang et moi sommes mariés à la mosquée le 22 décembre 2011.» Le mariage n’est pas scellé d’un certificat de mariage et Assane qui vit, depuis longtemps en Espagne, confie ne venir au Sénégal que pour sa femme et son unique enfant. Un enfant, fils de son défunt frère, qui se trouve être aussi son homonyme. D’ailleurs, c’est par l’entremise de son «fils» et des autres membres de la famille, que la prévenue a accepté d’épouser le frangin de son défunt époux. Au début, tout allait bien. Durant des années, l’émigré venait au Sénégal et remplissait son rôle d’époux. Seulement, les relations crameront quand Assane a cessé de venir au Sénégal. Pis, il n’appelait même plus au téléphone. Une attitude, synonyme de délaissement, aux yeux de la dame qui en a parlé à toute la famille, avant de demander le divorce. Un divorce qu’elle n’a pas obtenu de sitôt. Et c’est les proches parents qui ont fini par briser cette union. Une union qui, certes, n’a pas été scellée d’un certificat de mariage, mais doit être cassée par un juge. Aspect juridique que la dame semble méconnaître, en se remariant avec un autre.
Un mariage scellé à l’insu du jeune frère «Loum» qui s’est plaint à qui de droit. Devant le juge, la dame explique comment Assane a touché à sa sensibilité, en utilisant son frère et les membres de la famille, afin qu’elle accepte de se marier à lui. Expliquant cette plainte du plaignant comme une crise de jalousie, elle explique avoir été abandonnée. Etant à bout de nerfs, la famille a rompu le mariage, explique-t-elle. L’avocat de la partie civile a dénigré le comportement de la dame qui, dit-il, devait au moins respecter la morale qui ne permet pas une telle attitude. Il a réclamé la somme de 10 millions Francs Cfa, en guise de réparation. Le Procureur n’a pas voulu plonger au fond de cette histoire. Il a requis l’application de la loi. Quant à la défense, elle a cogné sur Assane qui, s’il était un «gentleman», l’affaire «n’en serait pas là aujourd’hui». Pour l’avocat, la preuve du second mariage n’a pas été rapportée. Toutefois, la robe noire a demandé l’indulgence du tribunal. Le délibéré est pour le 12 avril 2016.
T. Marie Louise Ndiaye