Arrivé au poste de contrôle de Bambey, vers 22 heures, le chauffeur à qui on avait donné ordre de s’arrêter, n’a pas jugé nécessaire d’obtempérer. Mal lui en aura pris car le prochain «montage» lui enjoindra de rebrousser chemin. Cette fois-ci, il obéit et retournera au poste de contrôle où il reçut une humiliation et une brutalité inouïe.
« Dès que je suis descendu de la voiture, le douanier a récupéré mes papiers, m’a giflé et m’a passé les menottes sans me dire ce qu’il me reproche. Il m’a mis dans son véhicule et m’a emmené dans la brousse où il a exercé des coups sur mon visage parce que j’avais les poings liés. Il m’a réclamé 50.000 CFA ; ce que j’ai refusé », raconte le jeune chauffeur Dame Sarr dès son retour auprès des passagers. Frustré par la révélation de cette tentative de corruption, le jeune douanier dont le matricule de la voiture est TH 7552 E se déchaîne sur lui encore une fois et lui dit fièrement « maa la shifaay » (c’est moi qui t’ai tabassé). Mais cette fois, les passagers décident de ne pas rester spectateurs en prenant la défense du chauffeur injustement malmené. C’était vers 23 heures.
Sentant que les choses devenaient sérieuses avec la décision de bon nombre de passagers d’appeler la police, qui ne répondait jamais, le jeune douanier décide de jouer la carte de l’intimidation. Ainsi cible-t-il une femme qui ne mâchait pas ses mots en ces termes : « toi là, depuis toute à l’heure je t’entends dire des choses. La voiture ne partira pas d’ici. Vous allez tous passer nuit ici et demain on ira tous à la brigade. Vous répéterez ce que vous avez dit. Je vous reconnais ». Soit, s’exclama tout le monde, décidé à révéler les brimades et la torture subies par le jeune homme. Car même si le mis en cause avait tort pour ne pas avoir obtempéré, la sanction devait être toute autre.
Les traces sur le visage du chauffeur témoignent de l’animalité de l'intervention du douanier et de ses indicateurs qui, hypocritement, soufflaient le chaud et le froid. L’infortuné convoyeur sera enlevé, pour la deuxième fois, à 23h15. Pour ce deuxième kidnapping, le chauffeur prend la direction de la brigade de Bambey comme pour nous convaincre qu’il assume entièrement sa responsabilité et qu’il allait livrer le jeune aux limiers. Que nenni ! « Il m’a amené jusqu’à la devanture de la brigade de police, puis de la gendarmerie. Mais il ne descendit pas et n’entra pas».
« Il me demande 40.000 CFA, puis 30. 000 CFA pour que je puisse reprendre le chemin. Mais je lui ai clairement fait savoir qu’il n’avait qu’à me retenir et mettre les passagers dans un autre bus. Car je ne donnerai aucun sou », nous confie Dame Sarr en sanglots. « Qu’est-ce que je lui ai fait pour qu’il me traite de la sorte ? Et le pire est que je n’aurai jamais de raison devant lui, si je porte plainte », conclut-il devant l’insistance des voyageurs, qui lui demandent de porter l’affaire devant le procureur.
Le douanier est en réalité auteur de coups et blessures volontaires devant témoins et abus de pouvoir. Pour quelqu’un qui a commis une infraction, il faut des sanctions autres que de la violence exercée à satiété sur le fautif.
Appréhender et passer les menottes à quelqu’un d’inoffensif et qui n’a commis comme tort que le refus de s’arrêter, est un abus. Et personne parmi les passagers du bus FK 2314 A n’a eu à vivre cela auparavant. Prendre en otage toute une foule avec un verbe qui frise l’insolence et humilier fièrement un usager de la route, n’est pas digne d’un agent de la douane.
Et celui qui était en service la nuit du mardi 19 Juin à Mercredi 20 juin au poste de contrôle de Bambey et dont le matricule de la voiture est le TH 7552 E doit être formaté et reformé afin qu’il apprenne à respecter la dignité humaine. Même si le chauffeur qui n’a pu être libéré qu’à 01 heure du matin, pense que cela ne sert à rien de porter la question devant la justice, cette affaire doit interpeler toutes les consciences, et au premier chef, les supérieurs douaniers. Entre 22 heures et 01 heure du matin, cette nuit-là, on aura découvert un autre visage du Sénégal, où ceux en charge de faire régner la discipline, sont les premiers à violer les règles.
Cette fois, ce n’est pas une bavure policière, mais une bavure douanière.