Le 18 janvier, Marine Le Pen rencontrait Macky Sall, le président du Sénégal, dans son palais présidentiel de Dakar, point d’orgue d’une visite de trois jours.
La séquence est passée complètement inaperçue : un seul média, Le Point, était informé et la France préparait la première journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Le service après-vente était aussi délicat : Macky Sall a refusé qu’une photo de l’audience soit diffusée ou de commenter l’entretien.
Mais pour la présidente du groupe du Rassemblement national (RN) à l’Assemblée, toujours en quête d’une stature internationale en vue d’une quatrième candidature à l’élection présidentielle, le simple fait de pouvoir revendiquer un échange en tête-à - tête avec le chef d’Etat d’un pays ami valait reconnaissance de son statut de première opposante.
Mme Le Pen a aussi rendu visite à des entreprises, à un hôpital et aux forces françaises, et tenu son discours de rupture avec la « Françafrique», un programme proche de celui de son voyage au Tchad, en 2017. Retour sur les coulisses de ce séjour au pays de la Teranga, qui collent mal avec son soutien revendiqué au « souverainisme africain» et la fin de l’ingérence française.
L’entremetteur : Philippe Bohn et l’’entrevue avec Macky Sall
Au Sénégal, Philippe Bohn a accompagné la délégation du RN en restant en retrait. C’est grâce à lui, toutefois, que la cheffe de file du parti a pu rencontrer le président en exercice de l’Union africaine – depuis le 18 février, la fonction est occupée par le président des Comores, Azali Assoumani.
De source présidentielle à Dakar, on précise que Marine Le Pen devait, à l’origine, rencontrer d’autres personnalités politiques. Face à l’insistance de celle-ci et de M. Bohn, le président a consenti au rendez-vous, à condition qu’aucune publicité n’en soit faite, signe que la respectabilité de la députée d’extrême droite reste à parfaire en Afrique.
L’entourage de Macky Sall a refusé de confirmer l’entretien durant plusieurs jours. Il a accepté qu’une photo de l’entrevue soit prise pour un usage ultérieur, laisse entendre Philippe Bohn.
Après avoir laissé retomber l’émotion suscitée par ce tête-à - tête, l’entourage du président justifie la rencontre par l’évolution du statut de Mme Le Pen dans le paysage politique français :
« On ne peut pas ignorer ce parti. Marine Le Pen pourrait être la prochaine présidente, il faut lui parler. On ne peut pas laisser un Etat ami décider de qui doivent être nos amis. » Hamidou Kassé, conseiller de M. Sall, n’y voit pas de contradiction avec les convictions du président, qui « s’indigne du traitement des migrants, réaffirme le droit à la libre circulation et plaide pour l’assouplisse- ment des conditions d’entrée dans l’espace européen».
« Le chef de l’Etat peut recevoir n’importe qui pour réaffirmer les positions du Sénégal», poursuit-il. Marine Le Pen a-t-elle affirmé les siennes, radicalement différentes ?
Dans l’entretien télévisé accordé à la chaîne nationale ITV, elle n’en dit mot : « Nous avons, lors de ce rendez-vous, parlé la même langue », assure-t-elle.
Selon elle, les échanges, durant une heure, ont porté sur la place de l’Afrique dans le concert des nations – elle souhaite, comme Emmanuel Macron, que le continent ait un membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, et désigne le Sénégal – et les relations entre Paris et Dakar.