La terrible galère des travailleuses du sexe à Dakar en ces temps de Covid


Rédigé le Samedi 15 Mai 2021 à 16:00 | Lu 180 fois | 0 commentaire(s)



À cause des restrictions sanitaires et de la chute du tourisme, les TDS de la capitale sénégalaise s’organisent face à la fonte de leurs revenus.


Dans la maison close occupée par Fatoumata* et trois autres amies, les temps sont rudes. Depuis que la Covid est venue bouleverser pratiquement tous les pans de l’économie mondiale, et locale, les clients se font plus rares à Dakar. Or, le loyer des deux petits studios que les quatre trentenaires se partagent, n’a, lui, pas bougé.

Chaque mois, ce sont 35 000 francs Cfa (53 euros) qu’elles doivent réunir pour conserver leur lieu de travail. Et à cette somme rondelette, s’ajoute désormais chaque semaine, un forfait de 15 000 francs Cfa (22 euros) à débourser pour que le numéro de téléphone des travailleuses du sexe (TDS) apparaisse sur Facebook ou des sites internet dédiés.

En raison des mesures sanitaires appliquées dans la capitale sénégalaise, les restaurants, bars et boîte de nuit sont fermés, alors que le couvre-feu débute chaque soir à 19 heures en cet été 2020 (depuis repoussé à 21 heures). Autant de lieux de rencontres nécessaires aux TDS pour tomber sur de potentiels clients, surtout depuis que les touristes ne viennent plus remplir les hôtels du bord de mer.

Alors, les clients venus des réseaux et sites permettent de maintenir la tête hors de l’eau – même si Fatoumata et ses amies sont passées de 6 ou 7 passes par jour, à seulement deux en moyenne, qu’elles réalisent généralement entre 11 heures et 19 heures. Et sachant que la passe se négocie autour des 3 000 francs Cfa (4,5 euros), pas simple de subvenir à ses besoins.

Heureusement, Lala Maty Sow essaye de parer aux besoins les plus urgents. Ancienne TDS, Lala et son association And Soppeku, distribue à celles qui le demandent, des kits alimentaires pour se nourrir elles et leurs enfants, victimes des conséquences économiques qui découlent en cascade des restrictions sanitaires. « Covid ou pas Covid, il faut que j’apporte à manger à mes cinq enfants Â», tranche Fatoumata.

Née en 2009, notamment pour délivrer des messages de prévention sur le Sida, l’association de Lala tente de s’adapter aux besoins mouvants des quelque 300 travailleurs du sexe qu’elle suit au Sénégal. Quand la Covid est arrivée dans le pays, Lala s’est empressée de déployer des consignes indispensables à la non-prolifération du virus : porter un masque pendant les rapports, obligation de se laver les mains, plus de fellations ni de baisers.

Dans la maison-close située dans un quartier populaire du nord de Dakar, la solidarité entre TDS permet de passer le creux de la vague, en attendant des jours meilleurs. Quand l’une d’entre elles a réalisé deux passes dans la journée, elle laisse sa place à une des trois autres, afin de répartir au mieux les rentrées d’argent.

Si la prostitution n’est pas interdite au Sénégal, sauf pour les mineurs de moins de 21 ans, ainsi que le racolage et le proxénétisme, le travail du sexe n’est pas non plus totalement socialement accepté. Peu sont ceux qui connaissent la véritable activité des quatre femmes, pas même leurs propres enfants. En revanche, un petit carnet de santé, indispensable en cas de contrôle, leur permet d’exercer légalement leur activité dans le pays aux yeux des autorités.

Pour faire face à la solitude, corollaire de leur activité taboue, elles peuvent continuer d’échanger sur un groupe WhatsApp créé par Lala, afin que les TDS du Sénégal puissent bénéficier d’un endroit certes numérique, où se confier et faire part de leurs interrogations et inquiétudes.

Interrogées sur l’hypothétique possibilité de prendre un autre métier, Fatoumata et ses collègues ne se voient pas faire autre chose de leur vie pour le moment. Puis, elles en sont persuadées, un jour, bientôt peut-être, les clients reviendront. « Tant qu'il aura des hommes, il y aura toujours des clients Â», conclut Colette.




Source: Vice.com


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