Les motivations psychologiques de cette frénésie populaire pour la lutte contre la corruption ne sont pas forcément morales, mais comme à leur habitude, les politiques ont récupéré cette pulsion populaire pour l’assujettir davantage. De tout temps on se sert des besoins et des désirs (conscients ou non) de l’humanité pour la contrôler et l’empêcher de s’émanciper entièrement. Le désir de vengeance du gouverné sur le gouvernant est satisfait par la pression morale qu’il exerce sur ce dernier. Le fait de déclarer tous les politiques corrompus ou de voir les uns abattre (même de façon inique) les autres sous le prétexte de la lutte contre la corruption donne une certaine compensation psychologique au public.
Les grands charlatans de la démocratie et de la bonne gouvernance l’ayant parfaitement compris, ont simplement capturé ce désir populaire pour assouvir des desseins occultes. Dieu et les hommes sages savent que beaucoup d’ONG n’ont été créées que pour infléchir un mouvement populaire à la faveur de ceux qui les ont les créées. Le concept de société civile a ainsi été dévoyé et phagocyté par des gens qui ne sont que des politiques encagoulés et des truands déguisés en mécènes. Ils quémandent au nom des populations, pourfendent les régimes africains libres pour simplement hériter de leur gloire : les sociétés civiles en Afrique sont trop souvent la main invisible des oligarchies occidentales dans le continent. Elles dénigrent les régimes politiques, fantasment sur leur corruption (qui est réelle, mais qui ne l’est plus que celle des dirigeants occidentaux) et vendent l’Afrique à des concepts généreux (parce que procédant de l’humanisme) mais au contenu creux et douteux. C’est ainsi que la lutte contre la corruption entretient la corruption et on assiste à une ruse de la nature humaine qui montre sa courbure en prétendant la combattre.
Cependant, les mercenaires de la probité et de la bonne gouvernance qui constellent le ciel de la société civile ne sont pas seuls dans cet univers de la comédie à ciel ouvert. Les hommes politiques ont parfaitement compris les ressorts psychologiques par lesquels les peuples peuvent être manipulés de façon industrielle et sans frais. Il faut remarquer que tandis qu’en Occident lorsqu’un régime politique succède à un autre il s’emploie avant tout à parler de vision économique et de programme de relance, en Afrique on créé des tribunaux spéciaux pour juger les déchus. Ce qui devrait être une culture bien ancrée dans les rouages du système judiciaire normal est élevé au rang de culte saisonnier rendu aux divinités étrangères pour tout bonnement se conformer à leurs humeurs. Voilà comment on est arrivé à une politique folklorique de la lutte contre la corruption dans un pays comme le Sénégal : on créé des institutions bigarrés pour la même politique sans que la corruption ne baisse d’un iota.
L’excès de transparence est toujours suspect, car il empêche la transparence effective et ; ce serait une grande illusion que de croire qu’on peut légiférer sur tous les recoins de l’existence humaine. Les latins ont dit « summum jus summa injuria » : trop de lois trop d’injustice. Ils ont certainement raison, car à force de traquer les fantaisies humaines par des lois, on finit par créer des lois fantaisistes et inhumaines. On sait que plus les lois sont simples et réduites, davantage leur interprétation et leur application sont nettes et effectives. Au contraire, plus les lois sont complexes et abondantes, plus elles offrent des possibilités de tricherie, de bricolage et d’interprétations antinomiques. Mais le pire n’est pas cela : le pire est que toute cette obsession pour la transparence n’est qu’un leurre, un paravent derrière lequel se joue la plus grande scène de comédie du monde, à savoir des simulacres de justice, des peines injustes contre ses adversaires pour masquer ses carences, un discours anormalement abondant sur la probité et la bonne gouvernance pour dissimuler ses propres souillures.
Il y a quelques années on nous parlait de sommes d’argent faramineuses distribuées à de la clientèle politique : tout monde peut constater qu’aujourd’hui encore le moyen le plus rapide au Sénégal pour s’enrichir c’est de faire de la politique, et la forte cadence de la transhumance le prouve. Il y a quelques années on nous parlait d’hommes politiques qui créent des groupes de presse : aujourd’hui nous avons des groupes de presse dont les propriétaires ou les dirigeants déclarent publiquement être les entremetteurs attitrés du Président. Il y a quelques années on avait qualifié les marchés de gré à gré du gouvernement de vaches à lait pour les lobbies proches du pouvoir : aujourd’hui ils sont béatifiés. Il y a quelques années les actions sociales de la première dame étaient suspectées d’être des niches de corruption : aujourd’hui c’est un crime que de faire preuve de la moindre curiosité envers la structure qu’elle dirige.
A l’époque des Lumières la meilleure façon, pour les faibles d’esprit, de se faire passer pour une Lumière était de renier la foi, de la critiquer ou de prononcer à son encontre des décrets excessifs. Aujourd’hui on assiste à la même logique d’imposture : la meilleure façon de se faire passer pour un intellectuel ou un patriote est d’insulter autrui en le taxant de corrompu. Ce qui devrait être pratiqué est ainsi chanté et la mélodie l’emporte finalement sur le contenu : dans dix encore nous parlerons de lutte contre la corruption avec la même ardeur, mais sans ferveur véritable. La vérité historique est que le thème de la corruption est un gisement inépuisable dont l’extraction peut être faite par ceux qu’il censé désigner. Tous ces messieurs qui parlent de la lutte contre la corruption sont très souvent atteints du virus de Sam, ce croque-mort qui, lorsqu’il n’y avait pas de mort dans le village (ce qui est une pénurie pour son job) était obligé d’aller commettre des meurtres pour faire marcher son entreprise funèbre.
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
Les grands charlatans de la démocratie et de la bonne gouvernance l’ayant parfaitement compris, ont simplement capturé ce désir populaire pour assouvir des desseins occultes. Dieu et les hommes sages savent que beaucoup d’ONG n’ont été créées que pour infléchir un mouvement populaire à la faveur de ceux qui les ont les créées. Le concept de société civile a ainsi été dévoyé et phagocyté par des gens qui ne sont que des politiques encagoulés et des truands déguisés en mécènes. Ils quémandent au nom des populations, pourfendent les régimes africains libres pour simplement hériter de leur gloire : les sociétés civiles en Afrique sont trop souvent la main invisible des oligarchies occidentales dans le continent. Elles dénigrent les régimes politiques, fantasment sur leur corruption (qui est réelle, mais qui ne l’est plus que celle des dirigeants occidentaux) et vendent l’Afrique à des concepts généreux (parce que procédant de l’humanisme) mais au contenu creux et douteux. C’est ainsi que la lutte contre la corruption entretient la corruption et on assiste à une ruse de la nature humaine qui montre sa courbure en prétendant la combattre.
Cependant, les mercenaires de la probité et de la bonne gouvernance qui constellent le ciel de la société civile ne sont pas seuls dans cet univers de la comédie à ciel ouvert. Les hommes politiques ont parfaitement compris les ressorts psychologiques par lesquels les peuples peuvent être manipulés de façon industrielle et sans frais. Il faut remarquer que tandis qu’en Occident lorsqu’un régime politique succède à un autre il s’emploie avant tout à parler de vision économique et de programme de relance, en Afrique on créé des tribunaux spéciaux pour juger les déchus. Ce qui devrait être une culture bien ancrée dans les rouages du système judiciaire normal est élevé au rang de culte saisonnier rendu aux divinités étrangères pour tout bonnement se conformer à leurs humeurs. Voilà comment on est arrivé à une politique folklorique de la lutte contre la corruption dans un pays comme le Sénégal : on créé des institutions bigarrés pour la même politique sans que la corruption ne baisse d’un iota.
L’excès de transparence est toujours suspect, car il empêche la transparence effective et ; ce serait une grande illusion que de croire qu’on peut légiférer sur tous les recoins de l’existence humaine. Les latins ont dit « summum jus summa injuria » : trop de lois trop d’injustice. Ils ont certainement raison, car à force de traquer les fantaisies humaines par des lois, on finit par créer des lois fantaisistes et inhumaines. On sait que plus les lois sont simples et réduites, davantage leur interprétation et leur application sont nettes et effectives. Au contraire, plus les lois sont complexes et abondantes, plus elles offrent des possibilités de tricherie, de bricolage et d’interprétations antinomiques. Mais le pire n’est pas cela : le pire est que toute cette obsession pour la transparence n’est qu’un leurre, un paravent derrière lequel se joue la plus grande scène de comédie du monde, à savoir des simulacres de justice, des peines injustes contre ses adversaires pour masquer ses carences, un discours anormalement abondant sur la probité et la bonne gouvernance pour dissimuler ses propres souillures.
Il y a quelques années on nous parlait de sommes d’argent faramineuses distribuées à de la clientèle politique : tout monde peut constater qu’aujourd’hui encore le moyen le plus rapide au Sénégal pour s’enrichir c’est de faire de la politique, et la forte cadence de la transhumance le prouve. Il y a quelques années on nous parlait d’hommes politiques qui créent des groupes de presse : aujourd’hui nous avons des groupes de presse dont les propriétaires ou les dirigeants déclarent publiquement être les entremetteurs attitrés du Président. Il y a quelques années on avait qualifié les marchés de gré à gré du gouvernement de vaches à lait pour les lobbies proches du pouvoir : aujourd’hui ils sont béatifiés. Il y a quelques années les actions sociales de la première dame étaient suspectées d’être des niches de corruption : aujourd’hui c’est un crime que de faire preuve de la moindre curiosité envers la structure qu’elle dirige.
A l’époque des Lumières la meilleure façon, pour les faibles d’esprit, de se faire passer pour une Lumière était de renier la foi, de la critiquer ou de prononcer à son encontre des décrets excessifs. Aujourd’hui on assiste à la même logique d’imposture : la meilleure façon de se faire passer pour un intellectuel ou un patriote est d’insulter autrui en le taxant de corrompu. Ce qui devrait être pratiqué est ainsi chanté et la mélodie l’emporte finalement sur le contenu : dans dix encore nous parlerons de lutte contre la corruption avec la même ardeur, mais sans ferveur véritable. La vérité historique est que le thème de la corruption est un gisement inépuisable dont l’extraction peut être faite par ceux qu’il censé désigner. Tous ces messieurs qui parlent de la lutte contre la corruption sont très souvent atteints du virus de Sam, ce croque-mort qui, lorsqu’il n’y avait pas de mort dans le village (ce qui est une pénurie pour son job) était obligé d’aller commettre des meurtres pour faire marcher son entreprise funèbre.
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès