Quand les Européens ou les Américains nous interrogent sur la Côte d'Ivoire, nous, qui venons de ce pays, avons parfois l'air de citer Charles Dickens. Après tout, nous vivons la pire et la meilleure de toutes les époques. Les élections législatives de cette semaine vont jouer un rôle décisif dans la détermination de ce qui nous attend dans les années à venir.
Source : https://www.lejecos.com/La-democratie-de-la-Cote-d...
Après l'indépendance de la France en 1960, la meilleure de toutes les époques a débuté en Côte d'Ivoire. Dans une situation difficile sur le plan régional, notre pays a été un modèle de progrès, de stabilité et de prospérité, avec des exportations en hausse qui ont alimenté une croissance économique stable. En 1981, le PNB annuel par habitant de la Côte d'Ivoire était l'un des plus élevés d'Afrique .
Mais à la fin des années 1980, les prix des matières premières se sont effondrés, ce qui a provoqué une baisse brutale des revenus d'exportation de la Côte d'Ivoire et nous a fait entrer dans la pire de toutes les époques. Les décennies qui ont suivi ont été marquées par la corruption, le déclin et deux épisodes de guerre civile.
Mais au cours de la dernière décennie, la Côte d'Ivoire se situe néanmoins sur la voie de la reprise. Le PIB par habitant a doublé au cours des huit dernières années et a augmenté de près de 2 % en 2020, malgré la pandémie de COVID-19. En 2014, 2015 et 2019, l'Indice de la facilité à faire des affaires de la Banque mondiale a reconnu la Côte d'Ivoire comme l'un des dix pays ayant fait le plus de progrès en matière de réformes.
Mais ces progrès ne sont pas incontestables. En fait, les prochaines élections seront une mise au banc d'essai, d'importance cruciale, pour la démocratie ivoirienne.
Le processus électoral a souvent représenté un défi important pour notre pays. Dans les décennies qui ont suivi l'indépendance, notre politique a été largement dominée par un seul parti et les débats politiques ont été très limités, eux qui se déroulaient en grande partie à huis clos. Dans un tel contexte, les élections étaient plutôt considérées comme un rituel que comme une expression authentique de délibération démocratique et d'adhésion des citoyens.
La politique a commencé à s'ouvrir dans les années 1990. Mais les institutions ivoiriennes n'ont pas adhéré à une diversité des opinions de plus en plus marquée. Au lieu de cela, la politique identitaire a pris racine, faisant le jeu de l'intolérance, de la division et en fin de compte de la violence.
Nous sommes déterminés à ne pas laisser de tels faits se reproduire. C'est pourquoi mon gouvernement s'emploie d'arrache-pied à la construction et à la consolidation d'une démocratie dynamique, soutenue par l'État de droit. C'est aussi la raison pour laquelle, après le décès inattendu du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly – le candidat à la présidence de mon parti – en juillet dernier, j'ai décidé de retarder mon départ à la retraite et de briguer un nouveau mandat.
La confiance de l'opinion publique en ses politiciens – essentielle à la liberté individuelle et au développement collectif – dépend d'élections libres, régulières et transparentes. Mon gouvernement a donc pris un certain nombre de mesures pour renforcer la confiance du public vis-à -vis du processus électoral.
En vue du vote du 6 mars, la Côte d'Ivoire dispose d'une commission électorale véritablement indépendante qui n'est contrôlée ni dirigée par aucun pouvoir, y compris par le mien. Ses processus de scrutin et de dépouillement sont techniquement sûrs et un mécanisme de règlement pacifique de tout conflit potentiel est en vigueur. Des dizaines d'organisations indépendantes seront sur le terrain pour surveiller le vote et vérifier le décompte.
Pour soutenir cet effort, mon gouvernement a également entrepris une réforme du secteur de la sécurité, de sorte que les armées ivoiriennes opèrent conformément aux normes internationales les plus exigeantes. Nos services de sécurité comprennent que leur but est de protéger la population, de protéger les droits de l'homme, de faire respecter la primauté du droit et de lutter contre les extrémistes.
Comme ce fut le cas lors de l'élection présidentielle de l'année dernière, la pandémie pose des défis logistiques et sanitaires spécifiques. Mais nous nous employons à les atténuer. En Côte d'Ivoire, les taux d'infection par la COVID-19 sont modestes et le taux de mortalité, à 0,6 %, est parmi les plus faibles d'Afrique. Mon gouvernement a mis à disposition toutes les ressources nécessaires pour promouvoir la santé et la sécurité des électeurs et du personnel électoral tout au long du processus électoral.
Mais de telles préparations techniques et institutionnelles n'auraient aucun sens sans une égalité des chances permettant aux partis politiques de rivaliser entre eux. Là encore, nous avons fait des progrès considérables : pour la première fois en plus d'une décennie, tous les grands partis politiques participent activement à la campagne.
Alors même que les partis politiques ivoiriens rivalisent les uns avec les autres, ils partagent un même engagement en faveur d'élections libres, régulières et pacifiques qui respectent l'État de droit et la procédure officielle. Ils comprennent qu'en dépit de leurs différences, ils doivent s'unir autour des valeurs fondamentales de notre pays. Dans cet esprit, les citoyens doivent également se rappeler que les extrémistes et les opportunistes n'ont pas leur place au sein d'une démocratie forte.
Bien sûr, je soutiens pleinement les candidats de mon parti, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, qui, selon moi, vont remporter de nombreux sièges. Mais en fin de compte, cela va dépendre de la volonté du peuple. Dans tous les cas, la démocratie n'est pas un jeu à somme nulle et une opposition forte au sein d'un Parlement diversifié poussera constamment le gouvernement à s'améliorer.
Trop souvent, les véritables perdants des élections ivoiriennes ont été les ivoiriens ordinaires. Nous avons à présent l'occasion de laisser nos lacunes démocratiques derrière nous et de poser des fondations solides sur lesquelles la prochaine génération de dirigeants ivoiriens pourra s'appuyer à son tour. L'avenir leur appartient – et il est prometteur.
Alassane Ouattara, président de la République de Côte d'Ivoire.
© Project Syndicate 1995–2021
Mais à la fin des années 1980, les prix des matières premières se sont effondrés, ce qui a provoqué une baisse brutale des revenus d'exportation de la Côte d'Ivoire et nous a fait entrer dans la pire de toutes les époques. Les décennies qui ont suivi ont été marquées par la corruption, le déclin et deux épisodes de guerre civile.
Mais au cours de la dernière décennie, la Côte d'Ivoire se situe néanmoins sur la voie de la reprise. Le PIB par habitant a doublé au cours des huit dernières années et a augmenté de près de 2 % en 2020, malgré la pandémie de COVID-19. En 2014, 2015 et 2019, l'Indice de la facilité à faire des affaires de la Banque mondiale a reconnu la Côte d'Ivoire comme l'un des dix pays ayant fait le plus de progrès en matière de réformes.
Mais ces progrès ne sont pas incontestables. En fait, les prochaines élections seront une mise au banc d'essai, d'importance cruciale, pour la démocratie ivoirienne.
Le processus électoral a souvent représenté un défi important pour notre pays. Dans les décennies qui ont suivi l'indépendance, notre politique a été largement dominée par un seul parti et les débats politiques ont été très limités, eux qui se déroulaient en grande partie à huis clos. Dans un tel contexte, les élections étaient plutôt considérées comme un rituel que comme une expression authentique de délibération démocratique et d'adhésion des citoyens.
La politique a commencé à s'ouvrir dans les années 1990. Mais les institutions ivoiriennes n'ont pas adhéré à une diversité des opinions de plus en plus marquée. Au lieu de cela, la politique identitaire a pris racine, faisant le jeu de l'intolérance, de la division et en fin de compte de la violence.
Nous sommes déterminés à ne pas laisser de tels faits se reproduire. C'est pourquoi mon gouvernement s'emploie d'arrache-pied à la construction et à la consolidation d'une démocratie dynamique, soutenue par l'État de droit. C'est aussi la raison pour laquelle, après le décès inattendu du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly – le candidat à la présidence de mon parti – en juillet dernier, j'ai décidé de retarder mon départ à la retraite et de briguer un nouveau mandat.
La confiance de l'opinion publique en ses politiciens – essentielle à la liberté individuelle et au développement collectif – dépend d'élections libres, régulières et transparentes. Mon gouvernement a donc pris un certain nombre de mesures pour renforcer la confiance du public vis-à -vis du processus électoral.
En vue du vote du 6 mars, la Côte d'Ivoire dispose d'une commission électorale véritablement indépendante qui n'est contrôlée ni dirigée par aucun pouvoir, y compris par le mien. Ses processus de scrutin et de dépouillement sont techniquement sûrs et un mécanisme de règlement pacifique de tout conflit potentiel est en vigueur. Des dizaines d'organisations indépendantes seront sur le terrain pour surveiller le vote et vérifier le décompte.
Pour soutenir cet effort, mon gouvernement a également entrepris une réforme du secteur de la sécurité, de sorte que les armées ivoiriennes opèrent conformément aux normes internationales les plus exigeantes. Nos services de sécurité comprennent que leur but est de protéger la population, de protéger les droits de l'homme, de faire respecter la primauté du droit et de lutter contre les extrémistes.
Comme ce fut le cas lors de l'élection présidentielle de l'année dernière, la pandémie pose des défis logistiques et sanitaires spécifiques. Mais nous nous employons à les atténuer. En Côte d'Ivoire, les taux d'infection par la COVID-19 sont modestes et le taux de mortalité, à 0,6 %, est parmi les plus faibles d'Afrique. Mon gouvernement a mis à disposition toutes les ressources nécessaires pour promouvoir la santé et la sécurité des électeurs et du personnel électoral tout au long du processus électoral.
Mais de telles préparations techniques et institutionnelles n'auraient aucun sens sans une égalité des chances permettant aux partis politiques de rivaliser entre eux. Là encore, nous avons fait des progrès considérables : pour la première fois en plus d'une décennie, tous les grands partis politiques participent activement à la campagne.
Alors même que les partis politiques ivoiriens rivalisent les uns avec les autres, ils partagent un même engagement en faveur d'élections libres, régulières et pacifiques qui respectent l'État de droit et la procédure officielle. Ils comprennent qu'en dépit de leurs différences, ils doivent s'unir autour des valeurs fondamentales de notre pays. Dans cet esprit, les citoyens doivent également se rappeler que les extrémistes et les opportunistes n'ont pas leur place au sein d'une démocratie forte.
Bien sûr, je soutiens pleinement les candidats de mon parti, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, qui, selon moi, vont remporter de nombreux sièges. Mais en fin de compte, cela va dépendre de la volonté du peuple. Dans tous les cas, la démocratie n'est pas un jeu à somme nulle et une opposition forte au sein d'un Parlement diversifié poussera constamment le gouvernement à s'améliorer.
Trop souvent, les véritables perdants des élections ivoiriennes ont été les ivoiriens ordinaires. Nous avons à présent l'occasion de laisser nos lacunes démocratiques derrière nous et de poser des fondations solides sur lesquelles la prochaine génération de dirigeants ivoiriens pourra s'appuyer à son tour. L'avenir leur appartient – et il est prometteur.
Alassane Ouattara, président de la République de Côte d'Ivoire.
© Project Syndicate 1995–2021
Source : https://www.lejecos.com/La-democratie-de-la-Cote-d...