L'épreuve du pouvoir suprême par le président Macky Sall révèle une méthode qui, faute de n’être encore suffisamment affûtée dans la perspective de 2017 ou de 2019, a le mérite d’être innovante : elle procède d’un exercice froid de l’action politique, sans grandiloquence et qui, de Khalifa Sall à Idrissa Sek, inspire nos actuels hommes politiques de premier plan. Nul doute que la jeune génération y trouvera de quoi s’instruire.
Mais qu’est-ce que la « Macky Méthode » au juste ? Trois séries de caractéristiques : (i) sobriété et mesure, (ii) tempérament « NiangallSall » et(iii) une conception relativement méritocratique de l’ascension républicaine.
1. Une éthique personnelle de sobriété et de mesure tout d’abord :
À peine élu, on s’en souvient, le Président Sall affirmait vouloir organiser sa cérémonie d’investiture dans « le strict cadre de la solennité républicaine et la sobriété requise par la situation du pays » : le ton du quinquennat ou du septennat était déjà donné.
A cette parole répondent des actes, à l’image de déplacements en vol commercial pour une réunion du G20 en Australie en novembre dernier (déplacement officiel) ou aux Etats-Unis plus récemment encore (déplacement privé), plutôt que de mobiliser la Pointe Sarène, aux frais du contribuable sénégalais : à la sobriété budgétaire du premier cas s’ajoute donc la nette distinction des affaires publiques et privées, rompant avec les pratiques de notre Gorgui national et continental que nous avons chacun en mémoire.
S’agit-il d’une éthique personnelle, fruit d’une éducation du modeste enfant de Fatick par un père successivement manœuvre dans la fonction publique et gardien, et d’une mère vendeuse de « thiaffff »? Ou s’agit-il plutôt d’un calcul clientéliste, à l’origine des remous qu’a connu le pays sur le plan de la gestion des biens public ? Il est bien entendu encore trop tôt pour en tirer des conclusions tangibles. Toujours est-il qu’il n’est pas anodin de constater que ces qualités rejaillissent politiquement, sur le plan :
- de nos deniers publics : l’orthodoxie budgétaire qui règne grâce à l’excellent Ministre Amadou BA, est à porter au crédit de la « MackyMethode ». Il en est d’ailleurs fait un usage qui paraît protéger les intérêts du contribuable sénégalais, comme en témoignent par exemple la réhabilitation de la CREI, ou la création de l’OFNAC ;
- judiciaire : la mesure du Président Sall semble trouver une expression dans la retenue dont il fait preuve s’agissant des affaires judiciaires. Les affaires dites Karim Wade et Cheikh Béthio Thioune sont chacune assez éloquentes de ce point de vue, établissant à suffisance que ce n’est ni par la pression de certains ni par les invectives d’autres qu’ils parviendront à avoir raison du silence bienvenu du chef de l’Etat. Ainsi, pour ce dernier, la séparation des pouvoirs exécutifs et judiciaires ne semble pas bafouée.
En somme, que ce soit par calcul ou par conviction, la « Macky Méthode », c’est l’anti-bling-bling et un certain respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire.
2. « NiangallSall » ensuite : le KGB, en plus froid, ou la politique politicienne de l’intimidation.
Sur la forme, le Président MackySall est à la politique sénégalaise ce qu’un NikolayDavydenko est au tennis : un monstre désincarné. Au point de se demander s’il n’est tout simplement pas apathique ou dénuéd’humanité, en tout cas de compassion. Faut-il aller chercher dans ses fréquentations lénino-marxistes d’hier ses sources d’inspirations d’aujourd’hui ?
Cette quasi-ataraxie a en tout état de cause le double mérite de nous arracher à la fascination du bruyant cortège du show politicien, et de révélerune aversion élevée à l’esprit de système qui régnait autrefois.
Plus exactement, la « Macky Méthode » consiste de ce point de vue à observer une situation, comme le crocodile observe immobile sa proie, le temps d’identifier l’instant de réaction le plus opportun : à cet égard, l’actuel chef de l’Etat brille par sa capacité à exécuter froidement et incognito son plan d’attaque. Il n’y a alors plus qu’à en constater les effets : rappelez-vous des vagues de ralliement de certains pontes du PDS ou du Rewmi, ou encore certains succès retentissants, à la manière d’un Sopi réélu en 2007.La complémentarité WADE / SALL d’hier rend plus criant l’écart d’aujourd’hui : là où le premier attaquait à visage découvert, le second est publiquement insondable : pour l’opinion, il conserve le visage de ce « Niangall Sall ». Il en résulte quoiqu’on en dise une vie publique représentée comme étant moralisée.
Le rouleau compresseur que constitue la « Macky Méthode » laisse peu de place à celles et ceux qui cherchent à se faire remarquer. Cela explique pourquoi l’entourage même proche du chef de l’Etat est condamné à crier à tort et à travers. Des bénis oui-oui à outrance qui ne craignent pas le ridicule de la contradiction quasi-permanente.
Autre mesure qu’il convient de mettre, selon le point de vue, à l’actif ou au passif de la « Macky Méthode » : la domestication de la presse par le Palais. On ne sait par quel génie, mais le Président Sall a à ses côtés presque tous les journalistes et patrons de presse du Sénégal, ce dont il résulte des attaques quasi-inaudibles contre son régime, et une kyrielle de répliques de ses partisans qui trouvent dans cette presse une impressionnante caisse de résonance. Pour réduire au silence certaines autorités, surtout celles du régime Wade, la « Macky Méthode » opère une chasse aux sorcières qui ne dit pas son nom contre d’éventuels challengers, tous interdits de sortie du territoire, broyés par la machine de la CREI.
Les seuls survivants provisoires : Khalifa Sall ou Idriss Sek. Mais loin du « père » Wade d’hier, ils ont compris que la « Macky Méthode » s’imposait à eux et qu’il leur fallait mieux en maîtriser les codes plutôt que de recourir aux méthodes usées.
3. Une conception relativement méritocratique de l’ascension républicaine enfin.
La « Macky Methode » n’est pas clanique. Ainsi la circonstance tenant à la proximité de certaines autorités à l’ancien régime d’Abdoulaye Wade n’a pas été un obstacle à leurs nominations par Macky Sall à des fonctions très prisées, et il faut en donner acte à la « Macky Methode ». Cette capacité à faire abstraction d’un mode de pensée sectaire est particulièrement louable et en phase avec l’état d’esprit qu’il convient d’adopter pour mettre toutes les chances du côté du Plan Sénégal Emergent. NosJambarsn’ont-ils pas récemment vu leur rémunération valorisée ?Quid du fichier des bourses d’étudiants qui a pourtant révélé que plus de la moitié des boursiers n’étaient pas des ayants droit ?
Une nouvelle ère politique est née, et l’obligation pour le Benno BokkYakkarde suivre urbi et orbi le Président Sall n’en est qu’un symptôme. Bien sûr, elle est encore en construction. Une simple lecture des publications du Président sur son fil Twitter révèle à cet égard une propension assez effrayante à user du premier pronom personnel dans un contexte de chômage endémique : « J’AI inauguré le centre de santé », « J’AI reçu la plus haute distinction de l’Arabie Saoudite », « J’AI mis à profit le trajet Pointe-à -Pitre/Dakar», etc., comme s’il devait encore, trois ans après son élection, se prouver à lui-même qu’il est bien le Chef de l’Etat.
Mais tout en ayant devant elle-même du chemin à parcourir notamment dans la perspective si convoitée de 2017 (ou 2019), la « Macky Méthode »peut compter sur des disciples de plus en plus nombreux et, surtout, de plus en plus jeunes : la génération politique de demain a-t-elle trouvé son école de formation ?
Abdourahmane BALDÉ
Titulaire de Master FSJP/UCAD
Contact : baldesh12@gmail.com
Mais qu’est-ce que la « Macky Méthode » au juste ? Trois séries de caractéristiques : (i) sobriété et mesure, (ii) tempérament « NiangallSall » et(iii) une conception relativement méritocratique de l’ascension républicaine.
1. Une éthique personnelle de sobriété et de mesure tout d’abord :
À peine élu, on s’en souvient, le Président Sall affirmait vouloir organiser sa cérémonie d’investiture dans « le strict cadre de la solennité républicaine et la sobriété requise par la situation du pays » : le ton du quinquennat ou du septennat était déjà donné.
A cette parole répondent des actes, à l’image de déplacements en vol commercial pour une réunion du G20 en Australie en novembre dernier (déplacement officiel) ou aux Etats-Unis plus récemment encore (déplacement privé), plutôt que de mobiliser la Pointe Sarène, aux frais du contribuable sénégalais : à la sobriété budgétaire du premier cas s’ajoute donc la nette distinction des affaires publiques et privées, rompant avec les pratiques de notre Gorgui national et continental que nous avons chacun en mémoire.
S’agit-il d’une éthique personnelle, fruit d’une éducation du modeste enfant de Fatick par un père successivement manœuvre dans la fonction publique et gardien, et d’une mère vendeuse de « thiaffff »? Ou s’agit-il plutôt d’un calcul clientéliste, à l’origine des remous qu’a connu le pays sur le plan de la gestion des biens public ? Il est bien entendu encore trop tôt pour en tirer des conclusions tangibles. Toujours est-il qu’il n’est pas anodin de constater que ces qualités rejaillissent politiquement, sur le plan :
- de nos deniers publics : l’orthodoxie budgétaire qui règne grâce à l’excellent Ministre Amadou BA, est à porter au crédit de la « MackyMethode ». Il en est d’ailleurs fait un usage qui paraît protéger les intérêts du contribuable sénégalais, comme en témoignent par exemple la réhabilitation de la CREI, ou la création de l’OFNAC ;
- judiciaire : la mesure du Président Sall semble trouver une expression dans la retenue dont il fait preuve s’agissant des affaires judiciaires. Les affaires dites Karim Wade et Cheikh Béthio Thioune sont chacune assez éloquentes de ce point de vue, établissant à suffisance que ce n’est ni par la pression de certains ni par les invectives d’autres qu’ils parviendront à avoir raison du silence bienvenu du chef de l’Etat. Ainsi, pour ce dernier, la séparation des pouvoirs exécutifs et judiciaires ne semble pas bafouée.
En somme, que ce soit par calcul ou par conviction, la « Macky Méthode », c’est l’anti-bling-bling et un certain respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire.
2. « NiangallSall » ensuite : le KGB, en plus froid, ou la politique politicienne de l’intimidation.
Sur la forme, le Président MackySall est à la politique sénégalaise ce qu’un NikolayDavydenko est au tennis : un monstre désincarné. Au point de se demander s’il n’est tout simplement pas apathique ou dénuéd’humanité, en tout cas de compassion. Faut-il aller chercher dans ses fréquentations lénino-marxistes d’hier ses sources d’inspirations d’aujourd’hui ?
Cette quasi-ataraxie a en tout état de cause le double mérite de nous arracher à la fascination du bruyant cortège du show politicien, et de révélerune aversion élevée à l’esprit de système qui régnait autrefois.
Plus exactement, la « Macky Méthode » consiste de ce point de vue à observer une situation, comme le crocodile observe immobile sa proie, le temps d’identifier l’instant de réaction le plus opportun : à cet égard, l’actuel chef de l’Etat brille par sa capacité à exécuter froidement et incognito son plan d’attaque. Il n’y a alors plus qu’à en constater les effets : rappelez-vous des vagues de ralliement de certains pontes du PDS ou du Rewmi, ou encore certains succès retentissants, à la manière d’un Sopi réélu en 2007.La complémentarité WADE / SALL d’hier rend plus criant l’écart d’aujourd’hui : là où le premier attaquait à visage découvert, le second est publiquement insondable : pour l’opinion, il conserve le visage de ce « Niangall Sall ». Il en résulte quoiqu’on en dise une vie publique représentée comme étant moralisée.
Le rouleau compresseur que constitue la « Macky Méthode » laisse peu de place à celles et ceux qui cherchent à se faire remarquer. Cela explique pourquoi l’entourage même proche du chef de l’Etat est condamné à crier à tort et à travers. Des bénis oui-oui à outrance qui ne craignent pas le ridicule de la contradiction quasi-permanente.
Autre mesure qu’il convient de mettre, selon le point de vue, à l’actif ou au passif de la « Macky Méthode » : la domestication de la presse par le Palais. On ne sait par quel génie, mais le Président Sall a à ses côtés presque tous les journalistes et patrons de presse du Sénégal, ce dont il résulte des attaques quasi-inaudibles contre son régime, et une kyrielle de répliques de ses partisans qui trouvent dans cette presse une impressionnante caisse de résonance. Pour réduire au silence certaines autorités, surtout celles du régime Wade, la « Macky Méthode » opère une chasse aux sorcières qui ne dit pas son nom contre d’éventuels challengers, tous interdits de sortie du territoire, broyés par la machine de la CREI.
Les seuls survivants provisoires : Khalifa Sall ou Idriss Sek. Mais loin du « père » Wade d’hier, ils ont compris que la « Macky Méthode » s’imposait à eux et qu’il leur fallait mieux en maîtriser les codes plutôt que de recourir aux méthodes usées.
3. Une conception relativement méritocratique de l’ascension républicaine enfin.
La « Macky Methode » n’est pas clanique. Ainsi la circonstance tenant à la proximité de certaines autorités à l’ancien régime d’Abdoulaye Wade n’a pas été un obstacle à leurs nominations par Macky Sall à des fonctions très prisées, et il faut en donner acte à la « Macky Methode ». Cette capacité à faire abstraction d’un mode de pensée sectaire est particulièrement louable et en phase avec l’état d’esprit qu’il convient d’adopter pour mettre toutes les chances du côté du Plan Sénégal Emergent. NosJambarsn’ont-ils pas récemment vu leur rémunération valorisée ?Quid du fichier des bourses d’étudiants qui a pourtant révélé que plus de la moitié des boursiers n’étaient pas des ayants droit ?
Une nouvelle ère politique est née, et l’obligation pour le Benno BokkYakkarde suivre urbi et orbi le Président Sall n’en est qu’un symptôme. Bien sûr, elle est encore en construction. Une simple lecture des publications du Président sur son fil Twitter révèle à cet égard une propension assez effrayante à user du premier pronom personnel dans un contexte de chômage endémique : « J’AI inauguré le centre de santé », « J’AI reçu la plus haute distinction de l’Arabie Saoudite », « J’AI mis à profit le trajet Pointe-à -Pitre/Dakar», etc., comme s’il devait encore, trois ans après son élection, se prouver à lui-même qu’il est bien le Chef de l’Etat.
Mais tout en ayant devant elle-même du chemin à parcourir notamment dans la perspective si convoitée de 2017 (ou 2019), la « Macky Méthode »peut compter sur des disciples de plus en plus nombreux et, surtout, de plus en plus jeunes : la génération politique de demain a-t-elle trouvé son école de formation ?
Abdourahmane BALDÉ
Titulaire de Master FSJP/UCAD
Contact : baldesh12@gmail.com