Jusqu’en 1840, l’année de sa destruction par Limamou Laye que suivaient ses premiers disciples, le nord ouest du pays avait pour centre religieux la bourgade de Mpal( originellement Palene). C’était la Mecque du fétichisme sénégalais autour de la pierre dite de Mame Kantar. En outre, la plus ancienne mosquée( Djouma) est celle de Saint Louis(Ndar) construite par le colonisateur français d’aprés le plan d’une église, avec un clocher. D’ailleurs, son pendant, l’église de Saint Louis, a eu à influencer l’Islam sénégalais naissant.
C’est ainsi que la nuit de la Nativité est encore célébrée. On garde toujours le nom de diangue( chant ou chorale) dérivé de diangou( église ou temple( endroit où on lit les textes sacrés)). Les personnes qui procédaient à la sanctification (bénédiction) sont des sangues( noms souvent donnés à des marabouts). Ce qui rappelle le sangue qui donnait le baptême par l’eau( Jean le Baptiste).
A la différence de l’Islam standard où les prières sont faites à titre individuel, l’imam sénégalais mime l’évêque. Il bénit les foules, fait réciter des psaumes ou donne à réciter des passages, voire, des chapitres du Coran. Ces citations ou récitations (dogues) suscitent les amen de ses ouailles. Certains, les écrans de télé le montrent souvent, donnent la bénédiction comme s’ils faisaient le signe de croix avec les deux mains.
Sans oublier que les sujets évoqués lors de ces diangues (veillée de la Nativité du Prophète (psl) sont souvent apocryphes. C’est-à -dire exagérant à l’excès le caractère surhumain du Prophète (psl). Le baptême du nouveau né, la célébration des mariages au sein des mosquées ne sont pas en reste. Sans oublier les confessions. On peut dire, sans exagérer, que le marabout est un imam-prêtre.
En quelques sortes, l’Islam sénégalais a ses paroissiens, ses évêques et ses imams-archevêques. Et, même, ses villes saintes, ses familles saintes, pour ne pas dire ses saintes familles. En réalité certains de ces saints ne le sont que de nom.
Par ailleurs, l’Islam sénégalais en encore très dominé par le paganisme et le fétichisme. La superstition et les pratiques apparentées à la magie noire sont la religion des sénégalais au quotidien. Sacrifices humains( Albinos), profanation des tombes, usage des racines des plantes et des arbres. Le tout couronné par un mamisme où la sanctification s’opère par l’accession au titre de mame. Nul ne saurait accéder à la sainteté si son nom n’est pas précédé par le titre de mame. Les mosquées ne deviennent cathédrales(Diouma) qu’avec l’existence de la pierre tombale d’un ancêtre.
L’une des caractéristiques de l’Islam sénégalais est le mamisme( culte des ancêtres cher aux Africains). La qualité de religieux étant héréditaire. De père en fils ou entre les membres d’une fratrie par classe d’âge et non par degré d’élévation par rapport au savoir islamique.
INFLUENCES DU PAGANISME
L’un des évènements phares de l’Islam sénégalais est la journée des rassemblements des confréries et sous confréries dans le cadre de ce qu’on appelle au Sénégal les familles religieuses. Ces rassemblements dont certains, très impressionnants, sont composés de centaines de milliers ou des millions de personnes qu’on appelle pompeusement des pèlerins. Ce les gamous, ziaar et autres. Le clou étant une ou plusieurs veillées nocturnes. Occasions par excellence des rendez-vous galants et des festins. Le nombre de bêtes égorgées en ces occasions est souvent très faramineux. Vu de plus prés il ne s’agit que de la continuation des nuits orgiaques ou gamous thiédos jadis l’apanage des rois et roitelets des différentes contrées du pays qui contribuaient en bœufs et denrées alimentaires.
Aujourd’hui sous la république laïque le Commissariat à la Sécurité Alimentaire consacre une partie de son stock à la perpétuation de cette vieille habitude des gouvernants.
Deux remarques s’imposent.
Aux deux anciens royaumes du Cayor( Mboul) et du Baol( Lambaye) se sont succédé deux Cités-Etats religieux que sont Tivaoune( Cayor) et Touba( Baol). Les deux khalifes exerçant, en plus de leur autorité religieuse et par défaut, celle des Damels- Teignes. L’administration de ces Etats(Les Beuk Neegs) gère la gouvernance de ces cités religieuses. Dans les autres contrées du pays où l’autorité des anciens royaumes était plus symbolique cet apanage n’existe pas.
Aujourd’hui la fiscalité religieuse est prélevée par le truchement des Dahiras( de l’Arabe Cercle). Elle est estimée, par mois, à 300 milliards. Soit prés de 10% du budget de l’Etat. Le tiers de cette somme est absorbée par les chantiers confrériques (Mosquées, Résidences maraboutiques, Ecoles coraniques, Travaux champêtres).
Le deuxième tiers est absorbée par le transport allers et retours vers les centres maraboutiques. Ainsi que par les cérémonies y afférentes.
Le troisième tiers va dans les poches des marabouts dont l’appétit en la matière est insatiable.
L’Etat contribue pour 10% du montant global. Soit prés de 30 milliards, directement des Fonds Politiques de la Présidence de la République et indirectement des sociétés d’Etat et autres démembrements.
Parmi les chapitres d’approvisionnement de la trésorerie maraboutique il y a aussi celui de l’exorcisme, le commerce de l’eau bénite et autres libations. Sans oublier le commerce mortuaire et post mortuaire, la célébration des mariages et autres baptêmes.
Voilà une esquisse des piliers de l’Islam sénégalais tel qu’il est vécu à nos jours.
EFFONDREMENT
Deux données relativement nouvelles jouent dans le sens de l’effondrement du système.
Le premier est le Wahhabisme Sunnite et extrémiste qui joue le rôle de prédateur. Soutenu par les pétrodollars des monarchies du Golfe. L’autre étant le Shiisme duodécimaine financé par l’Iran. Avec une doctrine réductrice par rapport à la position maraboutique.
De nouvelles générations de Sénégalaises et de Sénégalais qui vivent à l’Occidental, laissant une part de plus en plus réduite à l’espace religieux, sont également des éléments qui participent de l’effondrement.
REFORME
Ce diagnostic qui se voudrait non complaisant impose une réflexion vers une réforme qui passe par une solidarité inter confrériques basée sur la complémentarité. Plutôt que de s’annihiler mutuellement comme c’est le cas aujourd’hui.
L’autre élément de la réforme est de relever le niveau de formation par rapport au savoir islamique. Substituer progressivement le niveau du savoir au droit d’ainesse. Passer à une gestion collégiale dans les confréries et sous confréries. Procéder à l’installation d’un exécutif collégial qui permettrait à des compétences confrériques d’exercer la réalité du pouvoir. Rendre le caractère dynastique de plus en plus honorifique. Et, surtout, revenir aux pratiques soufies qui n’existent plus que de nom, à l’exception de quelques individualités.
Le plus important étant d’exercer un pouvoir politique direct ou indirect par rapport aux pouvoirs Exécutif, Législatif et, même, militaire.
Pour l’Islam sénégalais il est évident que les signaux de l’effondrement se multiplient, accentués par la poussée démographique dans les familles maraboutiques. Il est urgent de revenir à l’esprit de la Conférence Inter confrériques tenue à Darou Salam(Touba) en 1958.
La religion, elle aussi, a besoin de son propre salut.
Ahmed Khalifa Niasse
C’est ainsi que la nuit de la Nativité est encore célébrée. On garde toujours le nom de diangue( chant ou chorale) dérivé de diangou( église ou temple( endroit où on lit les textes sacrés)). Les personnes qui procédaient à la sanctification (bénédiction) sont des sangues( noms souvent donnés à des marabouts). Ce qui rappelle le sangue qui donnait le baptême par l’eau( Jean le Baptiste).
A la différence de l’Islam standard où les prières sont faites à titre individuel, l’imam sénégalais mime l’évêque. Il bénit les foules, fait réciter des psaumes ou donne à réciter des passages, voire, des chapitres du Coran. Ces citations ou récitations (dogues) suscitent les amen de ses ouailles. Certains, les écrans de télé le montrent souvent, donnent la bénédiction comme s’ils faisaient le signe de croix avec les deux mains.
Sans oublier que les sujets évoqués lors de ces diangues (veillée de la Nativité du Prophète (psl) sont souvent apocryphes. C’est-à -dire exagérant à l’excès le caractère surhumain du Prophète (psl). Le baptême du nouveau né, la célébration des mariages au sein des mosquées ne sont pas en reste. Sans oublier les confessions. On peut dire, sans exagérer, que le marabout est un imam-prêtre.
En quelques sortes, l’Islam sénégalais a ses paroissiens, ses évêques et ses imams-archevêques. Et, même, ses villes saintes, ses familles saintes, pour ne pas dire ses saintes familles. En réalité certains de ces saints ne le sont que de nom.
Par ailleurs, l’Islam sénégalais en encore très dominé par le paganisme et le fétichisme. La superstition et les pratiques apparentées à la magie noire sont la religion des sénégalais au quotidien. Sacrifices humains( Albinos), profanation des tombes, usage des racines des plantes et des arbres. Le tout couronné par un mamisme où la sanctification s’opère par l’accession au titre de mame. Nul ne saurait accéder à la sainteté si son nom n’est pas précédé par le titre de mame. Les mosquées ne deviennent cathédrales(Diouma) qu’avec l’existence de la pierre tombale d’un ancêtre.
L’une des caractéristiques de l’Islam sénégalais est le mamisme( culte des ancêtres cher aux Africains). La qualité de religieux étant héréditaire. De père en fils ou entre les membres d’une fratrie par classe d’âge et non par degré d’élévation par rapport au savoir islamique.
INFLUENCES DU PAGANISME
L’un des évènements phares de l’Islam sénégalais est la journée des rassemblements des confréries et sous confréries dans le cadre de ce qu’on appelle au Sénégal les familles religieuses. Ces rassemblements dont certains, très impressionnants, sont composés de centaines de milliers ou des millions de personnes qu’on appelle pompeusement des pèlerins. Ce les gamous, ziaar et autres. Le clou étant une ou plusieurs veillées nocturnes. Occasions par excellence des rendez-vous galants et des festins. Le nombre de bêtes égorgées en ces occasions est souvent très faramineux. Vu de plus prés il ne s’agit que de la continuation des nuits orgiaques ou gamous thiédos jadis l’apanage des rois et roitelets des différentes contrées du pays qui contribuaient en bœufs et denrées alimentaires.
Aujourd’hui sous la république laïque le Commissariat à la Sécurité Alimentaire consacre une partie de son stock à la perpétuation de cette vieille habitude des gouvernants.
Deux remarques s’imposent.
Aux deux anciens royaumes du Cayor( Mboul) et du Baol( Lambaye) se sont succédé deux Cités-Etats religieux que sont Tivaoune( Cayor) et Touba( Baol). Les deux khalifes exerçant, en plus de leur autorité religieuse et par défaut, celle des Damels- Teignes. L’administration de ces Etats(Les Beuk Neegs) gère la gouvernance de ces cités religieuses. Dans les autres contrées du pays où l’autorité des anciens royaumes était plus symbolique cet apanage n’existe pas.
Aujourd’hui la fiscalité religieuse est prélevée par le truchement des Dahiras( de l’Arabe Cercle). Elle est estimée, par mois, à 300 milliards. Soit prés de 10% du budget de l’Etat. Le tiers de cette somme est absorbée par les chantiers confrériques (Mosquées, Résidences maraboutiques, Ecoles coraniques, Travaux champêtres).
Le deuxième tiers est absorbée par le transport allers et retours vers les centres maraboutiques. Ainsi que par les cérémonies y afférentes.
Le troisième tiers va dans les poches des marabouts dont l’appétit en la matière est insatiable.
L’Etat contribue pour 10% du montant global. Soit prés de 30 milliards, directement des Fonds Politiques de la Présidence de la République et indirectement des sociétés d’Etat et autres démembrements.
Parmi les chapitres d’approvisionnement de la trésorerie maraboutique il y a aussi celui de l’exorcisme, le commerce de l’eau bénite et autres libations. Sans oublier le commerce mortuaire et post mortuaire, la célébration des mariages et autres baptêmes.
Voilà une esquisse des piliers de l’Islam sénégalais tel qu’il est vécu à nos jours.
EFFONDREMENT
Deux données relativement nouvelles jouent dans le sens de l’effondrement du système.
Le premier est le Wahhabisme Sunnite et extrémiste qui joue le rôle de prédateur. Soutenu par les pétrodollars des monarchies du Golfe. L’autre étant le Shiisme duodécimaine financé par l’Iran. Avec une doctrine réductrice par rapport à la position maraboutique.
De nouvelles générations de Sénégalaises et de Sénégalais qui vivent à l’Occidental, laissant une part de plus en plus réduite à l’espace religieux, sont également des éléments qui participent de l’effondrement.
REFORME
Ce diagnostic qui se voudrait non complaisant impose une réflexion vers une réforme qui passe par une solidarité inter confrériques basée sur la complémentarité. Plutôt que de s’annihiler mutuellement comme c’est le cas aujourd’hui.
L’autre élément de la réforme est de relever le niveau de formation par rapport au savoir islamique. Substituer progressivement le niveau du savoir au droit d’ainesse. Passer à une gestion collégiale dans les confréries et sous confréries. Procéder à l’installation d’un exécutif collégial qui permettrait à des compétences confrériques d’exercer la réalité du pouvoir. Rendre le caractère dynastique de plus en plus honorifique. Et, surtout, revenir aux pratiques soufies qui n’existent plus que de nom, à l’exception de quelques individualités.
Le plus important étant d’exercer un pouvoir politique direct ou indirect par rapport aux pouvoirs Exécutif, Législatif et, même, militaire.
Pour l’Islam sénégalais il est évident que les signaux de l’effondrement se multiplient, accentués par la poussée démographique dans les familles maraboutiques. Il est urgent de revenir à l’esprit de la Conférence Inter confrériques tenue à Darou Salam(Touba) en 1958.
La religion, elle aussi, a besoin de son propre salut.
Ahmed Khalifa Niasse