Saint-Louis du Sénégal se souvient le 5 Septembre de chaque année du départ en exil de Cheikh Ahmadou,
celui que Walzi, commandant du cercle de Louga, considéra comme « le plus grand chef spirituel des
musulmans du Sénégal ». Cet exil de 7 ans au Gabon, qui dura de Septembre 1895 à Novembre 1902, est
l’événement le plus déterminant dans la vie spirituelle du fondateur du mouridisme.
L’événement a suscité une abondante littérature populaire où le réel se mêle à l’imaginaire, la vérité Ã
la l’affabulation, l’historique au légendaire. Aussi est-il nécessaire et urgent de partir à la quête de la vérité
des faits en recourant aux sources premières et authentiques des choses, à savoir les écrits de Cheikh
Ahmadou Bamba lui-même.
Cela est d’autant plus pertinent que l’événement de l’exil constitue le thème le plus redondant et le plus central
de l’œuvre de Cheikh al -Khadim. En effet, l’an 1313h/1895 J.C, est pour le Cheikh, la date la plus
capitale dans son cheminement spirituel, son enseignement doctrinal et sa production intellectuelle. A preuve,
il écrit à la postface de ses écrits ultimes, en date de 1342(1924), ces mots graves et éloquents relatifs à l’an 1895,
à son œuvre et à son exil. Après avoir prononcé le nom d’Allah et prié sur le Prophète Mouhammed, il dit à Dieu :
« Et efface tout ce que j’ai écrit avant l’an 1895 et donne- moi le pouvoir de le renouveler à partir de cette
année 1924, au nom de Ton noble visage, ô Toi, qui m’a fait sortir en 1895 et qui a fait qu e tout ce que
j’ai écrit à partir de cette date, t’es, exception faite du Coran et des Hadiths, plus aimable que tout autre
écrit.»
Dans le même texte, il ajoute en guise de notation et de précepte ( ta lîm), ces mots d’une valeur
épistémologique et doctrinale capitale :
« Que sache, quiconque s’attache à moi, que je me suis orienté vers Allah Très-Haut par la composition
d’ouvrages où il y a utilités pour les musulmans et les musulmanes, ici-bas et dans l’au-delà , et que
tout ce que j’ai écrit dans mon exil marin est mis au service du Messager d’Allah le très Haut, paix et salut
sur lui, qu’il est du Rappel (zikr) et du Jihad, et rien d’autre. Voilà pourquoi j’ai interdit son
recopiage et je l’ai protégé »( ).
Quant aux écrits qui l’ont précédé, rien n’y est agréé, et quiconque veut tirer profit, qu’il étudie ce que j’ai écrit
dans le reste de ma vie, à partir de l’année de ce témoignage ; et ces écrits surpassent absolument, exception
faite du Coran et des Hadiths, tout écrit et ont une baraka suprême qu’on ne trouve dans aucune autre
composition ».(Diwân non coranique, postface).
C’est conformément à cette prescription péremptoire que nous nous référons à deux des six recueils constitutifs
de cette œuvre ultime pour mener une étude sommaire de la présentation de l’exil par Cheikh Ahmadou
Bamba lui-même. Il s’agit du premier dîwan , poèmes en acrostiche composés à partir des versets du Coran et que nous baptisons. Le Dîwan Coranique et du troisième composé en dehors des versets coraniques et que nous
nommons Le Dîwan non Coranique.
Ce corpus, certes limité par rapport à la masse de l’œuvre totale, est suffisamment représentatif et pertinemment
pour avoir une vision juste du thème de l’exil dans le qasida du Cheikh. Ces deux recueils ,dont les
références se correspondent dans une savante et sublime unité, sont constitués de plus de 1100 pages de poèmes
écrits tous à partir de l’année de l’exil et que l’auteur a composés pour servir de témoignage, de bilan et de somme.
Au sortir de notre plongée dans cet océan vaste et profond des ses dîwans où nous avons failli nous noyer, nous
avons retenu deux dimensions dans la représentation de l’exil par Cheikh Ahmadou Bamba : la dimension
spatiale qui évoque les lieux de l’exil ; la dimension temporelle qui représente la durée de l’exil. Tels sont les
deux volets de cette étude sommaire sur une question si vaste et si grave traitée par un Cheikh hors du commun.
celui que Walzi, commandant du cercle de Louga, considéra comme « le plus grand chef spirituel des
musulmans du Sénégal ». Cet exil de 7 ans au Gabon, qui dura de Septembre 1895 à Novembre 1902, est
l’événement le plus déterminant dans la vie spirituelle du fondateur du mouridisme.
L’événement a suscité une abondante littérature populaire où le réel se mêle à l’imaginaire, la vérité Ã
la l’affabulation, l’historique au légendaire. Aussi est-il nécessaire et urgent de partir à la quête de la vérité
des faits en recourant aux sources premières et authentiques des choses, à savoir les écrits de Cheikh
Ahmadou Bamba lui-même.
Cela est d’autant plus pertinent que l’événement de l’exil constitue le thème le plus redondant et le plus central
de l’œuvre de Cheikh al -Khadim. En effet, l’an 1313h/1895 J.C, est pour le Cheikh, la date la plus
capitale dans son cheminement spirituel, son enseignement doctrinal et sa production intellectuelle. A preuve,
il écrit à la postface de ses écrits ultimes, en date de 1342(1924), ces mots graves et éloquents relatifs à l’an 1895,
à son œuvre et à son exil. Après avoir prononcé le nom d’Allah et prié sur le Prophète Mouhammed, il dit à Dieu :
« Et efface tout ce que j’ai écrit avant l’an 1895 et donne- moi le pouvoir de le renouveler à partir de cette
année 1924, au nom de Ton noble visage, ô Toi, qui m’a fait sortir en 1895 et qui a fait qu e tout ce que
j’ai écrit à partir de cette date, t’es, exception faite du Coran et des Hadiths, plus aimable que tout autre
écrit.»
Dans le même texte, il ajoute en guise de notation et de précepte ( ta lîm), ces mots d’une valeur
épistémologique et doctrinale capitale :
« Que sache, quiconque s’attache à moi, que je me suis orienté vers Allah Très-Haut par la composition
d’ouvrages où il y a utilités pour les musulmans et les musulmanes, ici-bas et dans l’au-delà , et que
tout ce que j’ai écrit dans mon exil marin est mis au service du Messager d’Allah le très Haut, paix et salut
sur lui, qu’il est du Rappel (zikr) et du Jihad, et rien d’autre. Voilà pourquoi j’ai interdit son
recopiage et je l’ai protégé »( ).
Quant aux écrits qui l’ont précédé, rien n’y est agréé, et quiconque veut tirer profit, qu’il étudie ce que j’ai écrit
dans le reste de ma vie, à partir de l’année de ce témoignage ; et ces écrits surpassent absolument, exception
faite du Coran et des Hadiths, tout écrit et ont une baraka suprême qu’on ne trouve dans aucune autre
composition ».(Diwân non coranique, postface).
C’est conformément à cette prescription péremptoire que nous nous référons à deux des six recueils constitutifs
de cette œuvre ultime pour mener une étude sommaire de la présentation de l’exil par Cheikh Ahmadou
Bamba lui-même. Il s’agit du premier dîwan , poèmes en acrostiche composés à partir des versets du Coran et que nous baptisons. Le Dîwan Coranique et du troisième composé en dehors des versets coraniques et que nous
nommons Le Dîwan non Coranique.
Ce corpus, certes limité par rapport à la masse de l’œuvre totale, est suffisamment représentatif et pertinemment
pour avoir une vision juste du thème de l’exil dans le qasida du Cheikh. Ces deux recueils ,dont les
références se correspondent dans une savante et sublime unité, sont constitués de plus de 1100 pages de poèmes
écrits tous à partir de l’année de l’exil et que l’auteur a composés pour servir de témoignage, de bilan et de somme.
Au sortir de notre plongée dans cet océan vaste et profond des ses dîwans où nous avons failli nous noyer, nous
avons retenu deux dimensions dans la représentation de l’exil par Cheikh Ahmadou Bamba : la dimension
spatiale qui évoque les lieux de l’exil ; la dimension temporelle qui représente la durée de l’exil. Tels sont les
deux volets de cette étude sommaire sur une question si vaste et si grave traitée par un Cheikh hors du commun.
- L’évocation des lieux de l’exil
Dès les premières pages du Dîwan Coranique, le Cheikh évoque, avec une précision étonnante, les principales
étapes de son exil, depuis sa rencontre avec les Nassaras à Djewal, jusqu’à son séjour à Galoa, en passant par
Ndar, Dakar,le navire, Conakry, Grand-Bassam, Dahomey, Libreville, Baffal et Cap Lopez. Nous allons citer ce
texte qu’aucune traduction en français n’est capable de rendre :
« Par Allah, je me suis séparé des Nassaras à Djéwal
Et ailleurs, définitivement et sans concession,
Au Prophète je me suis tourné à Ndar
Ce qui m’a mis à l’abri de l’hostilité et du trouble,
Vers Mountaqâ je me suis tourné à Dakar
Souvenir qui a culbuté les comploteurs,
Vers Moujtaba je me suis tourné dans le Navire
Avant un hymne éternel dans la cité,
J’ai consacré mon service à hauteur de Conakry
A Moustapha, le Mahhî, sans désaveu,
Ont fuit loin de moi à Grand-Bassam
Les geôliers qui assuraient ma garde,
Le Seigneur m’a renforcé à Dahomey
D’un pouvoir qui m’a mis à l’abri de toute tractation avec les ennemis,
Le Bienfaiteur m’a gratifié à Libreville
D’un bienfait que m’envie tout Wâli,
Vers le Prophète je me suis tourné à Baffal
Et alors s’est illuminé tout mon cercle,
Vers Mountaqa je me suis tourné à Cap Lopez,
Ce qui m’a préservé des ennemis qui m’ont emprisonné,
A fait enrager Satan à hauteur de Galoa
Mon service à celui qui m’a sauvé de l’affliction.
Allah conduit vers autre que moi et pour toujours
Tout mal et je dis : « Il n’y a d’autre Dieu que Dieu »
Dîwan Coranique, (page15-16)
D’après ce passage, non seulement toutes les étapes du périple marin sont mentionnées, mais l’attitude du Cheikh
tout au long de l’exil est décrite : rupture définitive et sans concession avec les Nassaras de l’ordre colonial
dès le début à Djéwal par une volte-face vers le Prophète, vers qui il se tourne également à Saint-Louis et à Dakar ;
qu’il chante et louange dans le bateau, au service de qui il se met exclusivement à Conakry, ce qui lui a permis de
se libérer de l’incarcération à Grand-Bassam où ses geôliers terrorisés par son état ont déserté, lui donnant ainsi la
liberté sans négociation ; cela débouche sur l’acquisition d’un immense profit mystique et spirituel à Libreville
qui provoque l’illumination de son entourage à la neuvième étape, celle de Baffal, et de sa libération de toute
incarcération à Cap Lopez ; enfin la défaite de Satan à l’ultime étape de Galoa, où l’Ange rebelle et maudit a été
blessé, brisé et désespéré par la fidélité absolue du Cheikh à l’égard du Prophète Mouhammed.
Il s’agit d’entendre par là que ni l’inconnu de la mer, ni la cellule de la prison dans le navire, ni les
intimidations et les humiliations des sbires n’ont entamé ni la foi du Cheikh , ni sa fidélité au prophète qu’il n’a
cessé d’évoquer et de chanter tout le long de cet exil marin.
Ce qui est significatif dans cette évocation du voyage, c’est l’absence d’indices temporels, comme si le voyageur
prolongé dans la prière, l’invocation et la louange, n’a pas éprouvé la durée de sa longue pérégrination
maritime. Il serait intéressant de confronter les allusions du Cheikh relatives à son voyage avec le carnet
de bord du commandant du navire ou d’un de ces gardiens. En tout cas, son retour, sain et sauf à son pays
natal, après sept ans d’exil, dans la même attitude de défiance à l’égard de l’autorité coloniale, atteste de la
véracité de ses témoignages.
D’ailleurs, aux pages 44 et 45 du Dîwan Coranique, le Cheikh explique les raisons profondes de son retour
triomphal de l’exil. C’est que son abandon total au décret divin et sa fidélité absolue au Prophète lui ont conféré
une immunité (‘Asma ) et une invulnérabilité contre tout ennemi injuste :
« Tout mon être fut immunisé dans les îles
A l’heure de mon combat dans les îles
Le Noble Seigneur m’a honoré à l’heure des angoisses
En me protégeant contre toutes les infidélités
Ne m’a effleuré une seule fois au milieu des gouffres marins
Rien qui me fasse désirer la rencontre des infidèles.
Il a rejeté loin de moi le péril des naufrages
Et loin de moi tout commerce avec les infidèles.
Il m’a préservé à bord du navire lourd.
Il m’a protégé des choses frivoles et des vilenies
Ne m’a effleuré à l’heure de l’entrée dans le navire
Le recours à un médecin pour qu’il me soigne,
J’ai rompu avec les ennemis de la droiture et de religion,
Par la volonté de celui qui me mène vers son agrément »
Cette protection de Dieu pour ceux qui lui ont consacré un culte pur et absolu est un principe permanent de
l’ordre divin: « Il nous incombe le secours des hommes de foi », postule Dieu. Et c’est ce principe qui sauva
Ibrahima du bûcher, Loth de la perversité tyrannique de ses concitoyens, Moïse de l’orgueil impitoyable
de Pharaon, Mouhammed de la violence aveugle des Mecquois, Khadimou Rassoul de l’injustice révoltante de
l’ordre colonial français.
C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre son retour triomphal de cet exil de 7 ans, confirmant le mot
de Dieu : « Si Allah vous secourt, personne ne peut vous vaincre ».
Autant les références spatiales sont abondantes et significatives, autant les repères temporels sont redondants et
édifiants dans la représentation de l’exil par le Cheikh.
- Les jalons temporels de l’exil
Si la durée du voyage n’a pas été mesurée, le temps de l’exil a été marqué par des repères temporels précis et
aux fonctions déterminantes. C’est au Dîwan non Coranique que nous nous référons dans ce second volet
pour étudier la dimension temporelle de l’exil de Cheikh Ahmadou Bamba, telle que conçue par l’auteur
lui-même. On aura rarement vu autant d’indices temporels dans un texte poétique. Ce qui lui a permis cet usage
abondant des nombres, c’est la valeur numérique des lettres de l’alphabet arabe Ce procédé lui permet
de préserver l’homogénéité de la graphie et les exigences prosodiques de la qasida arabe.
D’abord, il importe de noter que, d’après les éléments de notre corpus, trois dates constituent les repères
marquants de cette temporalité : (1342/1924), (1313/1895), (1342/1924). Aux pages 270, 271 et 272
du Dîwan non coranique, le Cheikh, dans un passage en prose qui sert d’incipit, expose les dates les plus
fondamentales dans cette tranche de vie qui s’étale de 1885 à 1924, et au cœur de la laquelle les années d’exil
marin occupent une place centrale.
Ainsi le mois de Muharram de l’an 1301 (1895) marque le point de départ de sa marche vers Allah; vient ensuite le
deuxième repère, à savoir le Samedi 1er du mois de Ramadan de l’an 1313 (1895) qu’il considère comme la
grande fitna par laquelle Dieu l’a éprouvé par ses ennemis « jusqu’à ce qu’ils me fassent sortir de
ma demeure injustement.
Il s’agit évidemment de l’exil qu’il qualifie par un concept mystique, l’Irtihâl qui signifie à la fois émigration et mort en
Dieu. Aussi le Cheikh considère-t-il ce départ pour l’exil comme son voyage de Dieu à Dieu ( minka ilayka),
mieux comme l’année de sa mort symbolique puisqu’il s’ y est départi de tous les vices externes et internes de son
Moi.
A partir de cette date majeure et pendant toute la durée de l’exil, chaque année constitue un événement
capital dans son expérience mystique :
aux fonctions déterminantes. C’est au Dîwan non Coranique que nous nous référons dans ce second volet
pour étudier la dimension temporelle de l’exil de Cheikh Ahmadou Bamba, telle que conçue par l’auteur
lui-même. On aura rarement vu autant d’indices temporels dans un texte poétique. Ce qui lui a permis cet usage
abondant des nombres, c’est la valeur numérique des lettres de l’alphabet arabe Ce procédé lui permet
de préserver l’homogénéité de la graphie et les exigences prosodiques de la qasida arabe.
D’abord, il importe de noter que, d’après les éléments de notre corpus, trois dates constituent les repères
marquants de cette temporalité : (1342/1924), (1313/1895), (1342/1924). Aux pages 270, 271 et 272
du Dîwan non coranique, le Cheikh, dans un passage en prose qui sert d’incipit, expose les dates les plus
fondamentales dans cette tranche de vie qui s’étale de 1885 à 1924, et au cœur de la laquelle les années d’exil
marin occupent une place centrale.
Ainsi le mois de Muharram de l’an 1301 (1895) marque le point de départ de sa marche vers Allah; vient ensuite le
deuxième repère, à savoir le Samedi 1er du mois de Ramadan de l’an 1313 (1895) qu’il considère comme la
grande fitna par laquelle Dieu l’a éprouvé par ses ennemis « jusqu’à ce qu’ils me fassent sortir de
ma demeure injustement.
Il s’agit évidemment de l’exil qu’il qualifie par un concept mystique, l’Irtihâl qui signifie à la fois émigration et mort en
Dieu. Aussi le Cheikh considère-t-il ce départ pour l’exil comme son voyage de Dieu à Dieu ( minka ilayka),
mieux comme l’année de sa mort symbolique puisqu’il s’ y est départi de tous les vices externes et internes de son
Moi.
A partir de cette date majeure et pendant toute la durée de l’exil, chaque année constitue un événement
capital dans son expérience mystique :
- 1314 (1896) :le mercredi, 1er du mois de Ramadan de cette année-là , il se soumet Ã
la loi du repentir , fait don de son âme et de ses biens pour Dieu(acte d’allégeance) engage le grand combat
contre son Moi et ses ennemis et ennemis d’Allah en secret et ouvertement ».
contre son Moi et ses ennemis et ennemis d’Allah en secret et ouvertement ».
- 1315 (1897) : Jour de Dimanche, 1er du mois de Ramadan, c’est le point de départ de
la khidma, ce statut de serviteur et valet du Prophète qui est sa voie d’accès à Dieu (wassila), par la prière sur
lui et l’éloge. C’est à cette date donc que remonte son titre de Khadimou Rassoul, le serviteur dévoué
du Prophète Mouhammed, avec la même aspiration fervente que celle qui anima les premiers compagnons,
émigrants mecquois et hôtes médinois.
lui et l’éloge. C’est à cette date donc que remonte son titre de Khadimou Rassoul, le serviteur dévoué
du Prophète Mouhammed, avec la même aspiration fervente que celle qui anima les premiers compagnons,
émigrants mecquois et hôtes médinois.
- l1316 ( 1898) : En cette année, il connaît l’expérience de l’élévation, de l’ascension
(tarqiya), événement qui eut lieu pour la première fois le Mercredi 1er de Jumada I et se répéta le Vendredi 1er de
Jumada II, le Samedi 1er du mois de Rajab et le Lundi 1er du mois de Ramadan. Et par cette immense faveur,
Dieu lui a fait dominer ses ennemis jusqu’à ce qu’ils viennent le trouver dans son lieu d’étude. L’événement est si
important que le Cheikh dit à Dieu : « Je ne cesserai jamais de t’en rendre grâce ». La conséquence immédiate de
cette faveur eut lieu l’année suivante.
Jumada II, le Samedi 1er du mois de Rajab et le Lundi 1er du mois de Ramadan. Et par cette immense faveur,
Dieu lui a fait dominer ses ennemis jusqu’à ce qu’ils viennent le trouver dans son lieu d’étude. L’événement est si
important que le Cheikh dit à Dieu : « Je ne cesserai jamais de t’en rendre grâce ». La conséquence immédiate de
cette faveur eut lieu l’année suivante.
- 1317 (1899) : Fort de sa domination sur ses ennemis, il s’apprête à son retour au pays, désirant faire de la
- sortie de ce lieu d’exil un acte d’émigration vers Allah et le Messager, en tant que esclave du Premier et
- serviteur du second (PSL). La décision eut lieu un Vendredi du mois de Rajab où il adressa ces vers à Dieu :
« Tu m’as éprouvé de l’épreuve des devanciers,
Que me vienne de toi et par eux la préséance ;
Tu m’as éprouvé de l’épreuve de ceux qui combattirent,
Que me vienne de toi un honneur éternel ;
Par moi tu as épouvanté le cœur des incroyants
Par moi alors, réjouis le cœur des croyants ;
A toi appartiennent à jamais mon encre et ma plume
Grâce à toi, de moi s’est envolée l’amertume,
Sois témoin que je suis ton esclave dévoué
Au service du plus noble de ceux qu’on sert,
Sur lui ta prière et ta paix éternelle
Et accorde-moi une observance sans fin. »
(Dîwan non Coranique, page.272)
Comme en attestent les éléments qu’ on vient de citer, les années de l’exil au Congo français constituent les
années les plus déterminantes dans le cheminement spirituel de Cheikh Ahmadou Bamba : l’Irtihâl (sa mort en
Dieu) en 1895, son « bay’ nafs » (acte d’allégeance) en 1896, son statut de Khadim Rassoul en 1897,
son ascension mystique (tarqiya) en 1898, son engagement de faire de son retour d’exil un mouvement
d’émigration vers Dieu et son Prophète en 1899.
Dès lors, tout le reste de sa vie ne sera que la mise en œuvre de ces principes, le déroulement
de son projet, l’accomplissement de la mission qu’il s’est assignée au terme de son exil. Aussi
considéra-t-il l’exil mauritanien ,qui eut lieu de 1321 /1903 à 1325/1907, comme une revivification de son acte
d’allégeance de 1896.
En réalité, pour le Cheikh, les années posté rieuses à l’exil ne sont que la consécration de sa victoire :
l’an 1331 (1913) est celui de la grande faveur ; l’an 1340/1922, celui de l’acquisition de l’honneur et de la
noblesse; l’an 1341/1922, celui de l’acquisition du salaire de Dieu et de sa marche jusqu’aux bords
des jardins de délices.
Pour clore cette étude de la dimension temporelle de l’exil, nous allons recourir au programme narratif pour
donner une vision schématisée du cheminement mystique du Cheikh :
Ce schéma actanciel résume admirablement ce parcours initiatique et mystique dans des vers sublimes :
« Je lui ai donné tout mon être de mil trois cent un
Sans m’en écarter une fois jusqu’à l’an mil trois cent quarante ».
« J’ai glorifié le visage d’Allah de l’an mille trois cent un
Et il m’a donné son salaire suprême en l’an mille trois cent quarante ».
Entre ces deux bornes qui marquent le commencement et la fin de cette marche de Dieu à Dieu, il y a, au
centre, les années d’exil que le Cheikh considère comme l’événement le plus déterminant dans son combat
pour Dieu contre les faux pouvoirs et les fausses valeurs incarnées par les Nassaras de l’ordre colonial.
Et ce combat, il l’a mené et gagné par la fidélité absolue à un principe simple que ne peut vaincre aucune
puissance terrestre et qu’il n’a cessé de clamer et de traduire avant, pendant et après son exil :
« Je suis l’esclave de Dieu et je ne reconnais d’autre maître que lui et ne rends hommage qu’à lui »
Les moyens qu’il a déployés pour mener ce combat héroïque sont la soumission totale à Dieu, l’amour infini
du Coran et la fidélité à sa loi, l’éloge du Prophète par l’écriture poétique et le zikr. Ces armes pacifiques sont plus
efficaces que le fer et que le feu parce qu’elles situent le combat au-delà du contingent.
Pour conclure cette étude sommaire sur l’exil tel que représenté dans les écrits de l’auteur, nous nous
contenterons de citer ces vers du Cheikh extrait aux pages 67 à 69 de son Dîwan coranique :
« J’ai démoli la fondation des incroyants dans les mers
Et Dieu m’a octroyé pour cela la dot des houris.
Je remercie mon Seigneur , Mon ami et Mon Amour,
Qui me suffit comme protecteur et comme médecin,
Ne se penche vers moi aucun de leurs docteurs
Et aucun ennemi ne peut m’ébrancher par la peur.
Le Détenteur de l’utile m’a béni dans mon exil
Et m’a comblé de faveur dans mon pays natal
Il conduit vers moi sans fin des foultitudes
Lui qui est à moi, à moi il tend des infinitudes.
En vérité, Allah m’a protégé contre les ennemis perfides
Et raffermi ma vie par le secours des troupes de Badr »
La célébration du départ d’exil, en ce lieu témoin de l’événement historique du 5 septembre 1895, par des
milliers de pèlerins venus de tous les coins de la terre, est le témoignage le plus éloquent de la voie choisie par le
Cheikh dans son Jihad contre les troupes infidèles et les forces d’aliénation. Son attitude doit servir d’exemple Ã
tout homme qui veut préserver son identité religieuse et culturelle, ainsi que sa dignité face à une mondialisation
occidentale aliénante et négatrice de la diversité humaine .
En paraphrasant le Coran, on peut dire qu’ il y a, dans les récits des hommes de Dieu tel que Cheikhoul Khadim,
une édification pour les doués de raison.
Que me vienne de toi et par eux la préséance ;
Tu m’as éprouvé de l’épreuve de ceux qui combattirent,
Que me vienne de toi un honneur éternel ;
Par moi tu as épouvanté le cœur des incroyants
Par moi alors, réjouis le cœur des croyants ;
A toi appartiennent à jamais mon encre et ma plume
Grâce à toi, de moi s’est envolée l’amertume,
Sois témoin que je suis ton esclave dévoué
Au service du plus noble de ceux qu’on sert,
Sur lui ta prière et ta paix éternelle
Et accorde-moi une observance sans fin. »
(Dîwan non Coranique, page.272)
Comme en attestent les éléments qu’ on vient de citer, les années de l’exil au Congo français constituent les
années les plus déterminantes dans le cheminement spirituel de Cheikh Ahmadou Bamba : l’Irtihâl (sa mort en
Dieu) en 1895, son « bay’ nafs » (acte d’allégeance) en 1896, son statut de Khadim Rassoul en 1897,
son ascension mystique (tarqiya) en 1898, son engagement de faire de son retour d’exil un mouvement
d’émigration vers Dieu et son Prophète en 1899.
Dès lors, tout le reste de sa vie ne sera que la mise en œuvre de ces principes, le déroulement
de son projet, l’accomplissement de la mission qu’il s’est assignée au terme de son exil. Aussi
considéra-t-il l’exil mauritanien ,qui eut lieu de 1321 /1903 à 1325/1907, comme une revivification de son acte
d’allégeance de 1896.
En réalité, pour le Cheikh, les années posté rieuses à l’exil ne sont que la consécration de sa victoire :
l’an 1331 (1913) est celui de la grande faveur ; l’an 1340/1922, celui de l’acquisition de l’honneur et de la
noblesse; l’an 1341/1922, celui de l’acquisition du salaire de Dieu et de sa marche jusqu’aux bords
des jardins de délices.
Pour clore cette étude de la dimension temporelle de l’exil, nous allons recourir au programme narratif pour
donner une vision schématisée du cheminement mystique du Cheikh :
Ce schéma actanciel résume admirablement ce parcours initiatique et mystique dans des vers sublimes :
« Je lui ai donné tout mon être de mil trois cent un
Sans m’en écarter une fois jusqu’à l’an mil trois cent quarante ».
« J’ai glorifié le visage d’Allah de l’an mille trois cent un
Et il m’a donné son salaire suprême en l’an mille trois cent quarante ».
Entre ces deux bornes qui marquent le commencement et la fin de cette marche de Dieu à Dieu, il y a, au
centre, les années d’exil que le Cheikh considère comme l’événement le plus déterminant dans son combat
pour Dieu contre les faux pouvoirs et les fausses valeurs incarnées par les Nassaras de l’ordre colonial.
Et ce combat, il l’a mené et gagné par la fidélité absolue à un principe simple que ne peut vaincre aucune
puissance terrestre et qu’il n’a cessé de clamer et de traduire avant, pendant et après son exil :
« Je suis l’esclave de Dieu et je ne reconnais d’autre maître que lui et ne rends hommage qu’à lui »
Les moyens qu’il a déployés pour mener ce combat héroïque sont la soumission totale à Dieu, l’amour infini
du Coran et la fidélité à sa loi, l’éloge du Prophète par l’écriture poétique et le zikr. Ces armes pacifiques sont plus
efficaces que le fer et que le feu parce qu’elles situent le combat au-delà du contingent.
Pour conclure cette étude sommaire sur l’exil tel que représenté dans les écrits de l’auteur, nous nous
contenterons de citer ces vers du Cheikh extrait aux pages 67 à 69 de son Dîwan coranique :
« J’ai démoli la fondation des incroyants dans les mers
Et Dieu m’a octroyé pour cela la dot des houris.
Je remercie mon Seigneur , Mon ami et Mon Amour,
Qui me suffit comme protecteur et comme médecin,
Ne se penche vers moi aucun de leurs docteurs
Et aucun ennemi ne peut m’ébrancher par la peur.
Le Détenteur de l’utile m’a béni dans mon exil
Et m’a comblé de faveur dans mon pays natal
Il conduit vers moi sans fin des foultitudes
Lui qui est à moi, à moi il tend des infinitudes.
En vérité, Allah m’a protégé contre les ennemis perfides
Et raffermi ma vie par le secours des troupes de Badr »
La célébration du départ d’exil, en ce lieu témoin de l’événement historique du 5 septembre 1895, par des
milliers de pèlerins venus de tous les coins de la terre, est le témoignage le plus éloquent de la voie choisie par le
Cheikh dans son Jihad contre les troupes infidèles et les forces d’aliénation. Son attitude doit servir d’exemple Ã
tout homme qui veut préserver son identité religieuse et culturelle, ainsi que sa dignité face à une mondialisation
occidentale aliénante et négatrice de la diversité humaine .
En paraphrasant le Coran, on peut dire qu’ il y a, dans les récits des hommes de Dieu tel que Cheikhoul Khadim,
une édification pour les doués de raison.
Par Mouhammed Habib Kébé, Docteur es- lettres, Chercheur en Sciences Islamiques, St-Louis du Sénégal. (email : makebe2001@yahoo.fr