Jean Meissa Diop Recadre un animateur sénégalais


Rédigé le Samedi 26 Avril 2014 à 21:02 | Lu 414 fois | 1 commentaire(s)




Dakar, AP- Une affaire très grave que celle qui a fait, ces temps-ci, la une du quotidien Grand-Place : Ahmet Aïdara, de la radio Zik Fm, déclaré – on ne sait par qui et selon quels critères d’études d’opinion ou de baromètre de notoriété – «journaliste le plus écouté du Sénégal» (sic). Sans doute pour son style de présentation théâtralisé, bouffonne de la revue de la presse ou de son émission Teuss.

Aïdara est démasqué par un féticheur malien, Zouma Sidibé (voir Grand-Place n°2184 du lundi 18 mars 2013) qui révèle son goût excessif pour l’argent. «Aïdara aime trop l’argent, je lui ai donné un million cinq cent mille francs». Et le journaliste soudoyé de confirmer en avouant n’avoir accepté «que 65 mille francs» (sic), partagés avec «un caméraman, un chauffeur et le reste a servi à acheter une carte de téléphone» (re-sic). Et on devine bien pourquoi, Aïdara qui se vante de conduire des véhicules que ne peuvent même pas avoir ses patrons, a un besoin frénétique d’argent pour maintenir son nouveau standing auquel ne peut nullement le prédisposer ses niveaux d’instruction et de formation professionnelle.

Compréhensible aussi, que foulant aux pieds une des recommandations de la Charte des devoirs de journalistes professionnels, à savoir qu’«un journaliste digne de ce nom ne signe pas de son nom de la réclame publicitaire». Un journaliste de radio qui prête sa voix à une annonce publicitaire, son confrère de la télévision qui prête son image à un spot, le signent de manière indiscutable. Or, Aïdara est devenu un diseur de pubs. Sa voix est reconnaissable dans beaucoup de spots. Et à mesure que tombe la rémunération de ces prestations, le pouvoir d’achat de belles bagnoles de Aïdara monte au point qu’il raille ainsi les autres journalistes et, pis encore, ses propres chefs. Ces derniers apprécieront d’avoir dans leur équipe un agent qui fait un tel travail au noir qu’il a acquis une position sociale bien meilleure que celle de ses employeurs. «Ne laissons pas nos moyens de vivre l’emporter sur nos raisons de vivre», disait le fondateur du journal français Le Monde, Hubert Beuve-Méry.
 

Aïdara doit être une leçon pour le journalisme sénégalais qui s’est ouvert au tout-venant et est en train de perdre sa crédibilité. Ce tout-venant dont une bonne partie n’a d’autre compréhension ou perception du journalisme que la visibilité qu’il peut leur valoir, la notoriété qu’il peut leur apporter et le plein d’argent qu’ils peuvent gagner en faisant valoir cette qualité.

Tant et si bien que d’aucuns hésitent, se gênent à vouloir se présenter comme exerçant la profession de journaliste – celle qui reste quand on a tout essayé et tout échoué. Je n’exagère point en parlant d’un vendeur de carottes devenu journaliste ; ou de ce rôtisseur reconverti reporter des arènes… De collégien exclu en classe de 4e et star de télé. Il n’y a que dans la presse qu’on retrouve des profils aussi bas. Et il est compréhensible qu’ils s’affirment autrement que par l’argent de la vénalité et l’impossibilité de discerner ce que permet ou déconseille le code d’éthique et de déontologie. On ne peut attendre de ces individus qu’ils conforment leur pratique professionnelle aux recommandations de la Charte des devoirs du journaliste rédigée à Paris en 1918 et révisée et réaffirmée à Munich en 1971.
 

Il est temps que la presse sénégalaise réfléchisse sur elle-même et sur ses animateurs. On ne le dira jamais assez ; on le dira à temps et à contretemps, «opportune, importune», comme diraient les prêtres, dans un bon latin.
Dans ce débat – en sourdine, pour le moment – sur les dérives enregistrées dans la pratique du journalisme au Sénégal, on a beaucoup mis en avant la responsabilité des patrons de presse accusés de n’avoir pas été regardants ni rigoureux sur les profils. Un reproche bien justifié, en grande partie. Il y a de ces individus devenus journalistes par le défaut de vigilance des employeurs. Et tels la créature de Frankenstein, ils ont échappé au contrôle de ceux qui les ont fabriqués de toutes pièces, de bric et de broc. Et ce sont ces parvenus, ces Rastignac qui sont en train de prétendre représenter ce que le journalisme a de plus populaire, de plus représentatif… Il n’est pas journalisme en dehors de la mauvaise image qu’ils en donnent. Voilà le paradoxe que les vrais journalistes, – ceux que j’appelle toujours « les légitimes pratiquants » – doivent redresser.

Jean Meïssa DIOp



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