Melania Trump, «good cop» face à la politique de son mari
La polémique enfle autour de la séparation des parents et enfants sans-papiers. D’un côté, l’administration Trump applique strictement la loi. De l’autre, Melania Trump a appelé son pays à gouverner avec le «cœur» ce dimanche.
Elle nous avait habitués à garder le silence, à rester dans l’ombre d’un président américain omniprésent. Lorsque l’affaire Stormy Daniels a éclaté, la première dame a soigneusement évité tout commentaire sur cette ex-actrice qui aurait été payée pour taire son aventure avec son mari. Ses absences au G7 et au sommet Kim-Trump de Singapour ont elles aussi été remarquées et commentées par les médias. Mais avec le tollé provoqué par la décision de séparer les enfants des parents parmi les familles qui franchissent illégalement la frontière des Etats-Unis, la First Lady est sortie de sa réserve habituelle et s’est exprimée par la voix de sa directrice de communication, Stephanie Grisham, interrogée dimanche sur CNN. «Elle pense que nous devons être un pays qui respecte toutes les lois mais aussi un pays qui gouverne avec le cœur.»
Melania Trump a ajouté «détester voir des enfants séparés de leur famille et espérer que les deux camps du Congrès pourront enfin tomber d’accord pour faire aboutir une réforme réussie de l’immigration.» Une déclaration qui va à l’encontre de la politique mise en œuvre par son époux : celle la «tolérance zéro» initiée depuis le mois d’avril par le sulfureux ministre de la Justice Jeff Sessions, défenseur d’une ligne particulièrement dure sur l’immigration.
L’administration américaine a révélé vendredi que ces nouvelles dispositions avaient conduit depuis mi-avril 2 000 enfants à être séparés de leurs parents, arrêtés pour être entrés clandestinement sur le sol américain. Face aux réactions indignées qui s’accumulent et au malaise provoqué par la mise en place d’une telle mesure, le président Trump n’a pas hésité à rejeter la responsabilité sur le dos des démocrates. Dans un tweet publié samedi, il a déclaré que «les démocrates peuvent apporter une solution à la séparation forcée des familles à la frontière en travaillant avec les républicains à une nouvelle loi, pour une fois».
Réforme migratoire
Comme une tentative de justification de sa «tolérance zéro», le président a rappelé qu’il refusait que son pays connaisse le même sort que l’Europe en matière d’immigration et a évoqué «l’augmentation du crime en Allemagne» lié, selon lui, à l’accueil des réfugiés. En échange de la fin de cette mesure de séparation, Donald Trump réclame à ses opposants le vote de sa réforme migratoire qui s’enlise depuis des semaines au Congrès.
Chantage présidentiel ? Kellyanne Conway, conseillère en communication du président américain, a rejeté l’hypothèse sur NBC dimanche soir. «En tant que mère, en tant que catholique, en tant que personne avec une conscience, je vous assure que personne n’aime cette politique. Vous avez vu le président à la télévision, il veut que cela se termine», a-t-elle osé. Elle a enfin ajouté que «personne n’aime voir des bébés arrachés des mains de leur mère».
«Des enfants en cage»
L’ancienne première dame républicaine, Laura Bush, est elle aussi montée au créneau au sujet des mesures radicales prônées par l’exécutif américain. Dans une tribune publiée par le Washington Post, elle attaque la «tolérance zéro» et l’administration Trump. «Je vis dans un Etat frontalier [le Texas, ndlr]. Je suis sensible à la nécessité de faire respecter et de protéger nos frontières, mais cette politique […] est cruelle. Elle est immorale. Et elle me brise le cœur.» Laura Bush n’hésite pas à faire un parallèle avec «les camps d’internement d’Américains d’origine japonaise durant la Seconde Guerre mondiale […] que nous considérons désormais comme l’un des épisodes les plus honteux de l’histoire américaine.»
Les récits d’enfants séparés de leurs parents s’accumulent dans les médias en même temps que le scandale gonfle. Les centres de rétention sont débordés. Dimanche, un groupe de membres du Congrès s’est rendu à Brownsville au Texas, dans un ancien supermarché Walmart qui accueille 1 500 garçons. Sur place, le démocrate Peter Welch a dénoncé les conditions de détention des mineurs : «Nous avons vu des enfants enfermés dans des cages. Seuls. Pas un parent en vue. C’est honteux.»
Les républicains devraient présenter deux propositions de loi la semaine prochaine. Une qui irait dans le sens de la frange la plus dure en matière d’immigration, tandis que l’autre va tenter de réconcilier républicains et démocrates en incluant les demandes récentes de Donald Trump.
L’indignation n’a pas de frontière. Au moment d’ouvrir une session du Conseil des droits de l’homme lundi, Zeid Ra’ad Al Hussein, le haut-commissaire de l’ONU s’est indigné de la politique américaine. «Penser qu’un Etat puisse chercher à dissuader des parents en infligeant de tels abus sur des enfants est inadmissible», a-t-il déclaré. Hasard du calendrier, alors qu’une session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a démarré, une source diplomatique a annoncé que les Etats-Unis pourraient renoncer à y siéger. Le retrait américain semble «imminent», d’après un membre de l’administration Trump interrogé par Reuters et ayant demandé à conserver son anonymat.