"Vous savez si je peux aller sur le continent par moi-même ou si je vais bientôt être transféré par les autorités ?", "Vous savez si je peux prendre un billet d’avion et aller à l’aéroport tout seul ?", "Vous savez si je dois rester ici en attendant que mon dossier d’asile soit traité ?"
Amadou* et ses trois amis enchaînent les questions, et veulent des réponses rapides. "On est un peu pressés, car on doit rentrer à l’hôtel pour dîner", explique timidement ces Maliens, rencontrés en début de soirée sur la plage de Puerto Rico, au sud de Grande Canarie, petit territoire espagnol de 1 500 km2 perdu dans l’océan Atlantique. Les quatre compères sont arrivés quelques semaines plus tôt aux Canaries et semblent complètement perdus. "On n’a aucune information sur ce qu’il va se passer", explique Amadou qui a déposé une demande d’asile sur l'île.
Des transferts vers le continent quasi inexistants
Comme eux, des milliers de migrants ne savent pas ce qu’ils vont devenir. Les Canaries sont devenues une prison à ciel ouvert.
"Environ 5 000 personnes sont logées dans des complexes touristiques de l’île, certains depuis plusieurs mois. C’est le meilleur accueil qui soit en Europe mais ça ne peut pas continuer ainsi. À un moment ou un autre, on va devoir les évacuer. Pourtant, rien n’est prévu. Qu’est-ce qu’on va faire d’eux ?", s’interroge Txema Santana, porte-parole de la Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR), rencontré devant les locaux de son ONG.
Les transferts officiels vers le continent sont rares et ne concernent en théorie que les personnes dites vulnérables (femmes, enfants, malades…). Quelques personnes ont bien été transférées mais le chiffre reste confidentiel. Selon Txema Santana, l’Espagne refuse de donner plus d’informations car un accord avec l’Union européenne prévoit de maintenir les migrants sur les îles et éviter ainsi qu’ils rejoignent d’autres pays d’Europe.
Assis face à la mer, Sadio désespère. Tous ses amis, arrivés à Grande Canarie en même temps que lui, ont été transférés vers la péninsule espagnole. "Je ne comprends pas pourquoi tout le monde a été envoyé en Espagne sauf moi", souffle le Malien de 19 ans, hébergé depuis deux mois dans un hôtel de Puerto Rico. Le jeune homme demande tous les jours des informations à la Croix-Rouge - qui gère l’accueil dans les hôtels – mais la réponse est toujours la même : "Ils me disent qu’ils ne savent pas et qu’il faut que j’arrête de leur poser ces questions".
Les quelques transferts vers le continent sont en fait aléatoires, signalent les ONG. Certains migrants y sont envoyés et d’autres non, sans explication apparente.
Des expulsions impossibles
Lassées d’attendre, plusieurs personnes ont pris les choses en main et ont rejoint la péninsule ibérique par leurs propres moyens. "Comment ont-ils fait ? Je n’en ai aucune idée, c’est un mystère", dit Txema Santana.
Environ 17 000 migrants sont arrivés aux Canaries depuis le début de l'année.
La volonté du gouvernement espagnol est en réalité d’expulser une majorité des migrants débarqués aux Canaries cette année, selon les ONG. Mais la fermeture des frontières due à la pandémie de coronavirus complique les choses et empêche tout renvoi. D’après les chiffres officiels, sur les 16 000 arrivées dans l’archipel depuis janvier, seules 182 personnes ont été expulsées, principalement des Sénégalais. La situation est telle aujourd’hui que de toute façon, il paraît impossible d’expulser les milliers de migrants arrivés aux Canaries ces derniers mois.
Résultat : Grande Canarie se retrouve coincée avec ces migrants dont personne ne veut. Et un sentiment de frustration est en train de naître chez les exilés bloqués sur l’île, qui ne comprennent pas pourquoi on les empêche de rejoindre le continent.
Txema Santana observe la situation et ne décolère pas. "On ne peut pas jouer le rôle de gendarme de l’Europe. Nous ne pouvons pas être un mur entre l’Europe et l’Afrique. Nous faisons partie de l’Union européenne, nous ne sommes pas juste des îles en face des côtes africaines."
*Le prénom a été modifié
Par Infomigrants.com
Amadou* et ses trois amis enchaînent les questions, et veulent des réponses rapides. "On est un peu pressés, car on doit rentrer à l’hôtel pour dîner", explique timidement ces Maliens, rencontrés en début de soirée sur la plage de Puerto Rico, au sud de Grande Canarie, petit territoire espagnol de 1 500 km2 perdu dans l’océan Atlantique. Les quatre compères sont arrivés quelques semaines plus tôt aux Canaries et semblent complètement perdus. "On n’a aucune information sur ce qu’il va se passer", explique Amadou qui a déposé une demande d’asile sur l'île.
Des transferts vers le continent quasi inexistants
Comme eux, des milliers de migrants ne savent pas ce qu’ils vont devenir. Les Canaries sont devenues une prison à ciel ouvert.
"Environ 5 000 personnes sont logées dans des complexes touristiques de l’île, certains depuis plusieurs mois. C’est le meilleur accueil qui soit en Europe mais ça ne peut pas continuer ainsi. À un moment ou un autre, on va devoir les évacuer. Pourtant, rien n’est prévu. Qu’est-ce qu’on va faire d’eux ?", s’interroge Txema Santana, porte-parole de la Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR), rencontré devant les locaux de son ONG.
Les transferts officiels vers le continent sont rares et ne concernent en théorie que les personnes dites vulnérables (femmes, enfants, malades…). Quelques personnes ont bien été transférées mais le chiffre reste confidentiel. Selon Txema Santana, l’Espagne refuse de donner plus d’informations car un accord avec l’Union européenne prévoit de maintenir les migrants sur les îles et éviter ainsi qu’ils rejoignent d’autres pays d’Europe.
Assis face à la mer, Sadio désespère. Tous ses amis, arrivés à Grande Canarie en même temps que lui, ont été transférés vers la péninsule espagnole. "Je ne comprends pas pourquoi tout le monde a été envoyé en Espagne sauf moi", souffle le Malien de 19 ans, hébergé depuis deux mois dans un hôtel de Puerto Rico. Le jeune homme demande tous les jours des informations à la Croix-Rouge - qui gère l’accueil dans les hôtels – mais la réponse est toujours la même : "Ils me disent qu’ils ne savent pas et qu’il faut que j’arrête de leur poser ces questions".
Les quelques transferts vers le continent sont en fait aléatoires, signalent les ONG. Certains migrants y sont envoyés et d’autres non, sans explication apparente.
Des expulsions impossibles
Lassées d’attendre, plusieurs personnes ont pris les choses en main et ont rejoint la péninsule ibérique par leurs propres moyens. "Comment ont-ils fait ? Je n’en ai aucune idée, c’est un mystère", dit Txema Santana.
Environ 17 000 migrants sont arrivés aux Canaries depuis le début de l'année.
La volonté du gouvernement espagnol est en réalité d’expulser une majorité des migrants débarqués aux Canaries cette année, selon les ONG. Mais la fermeture des frontières due à la pandémie de coronavirus complique les choses et empêche tout renvoi. D’après les chiffres officiels, sur les 16 000 arrivées dans l’archipel depuis janvier, seules 182 personnes ont été expulsées, principalement des Sénégalais. La situation est telle aujourd’hui que de toute façon, il paraît impossible d’expulser les milliers de migrants arrivés aux Canaries ces derniers mois.
Résultat : Grande Canarie se retrouve coincée avec ces migrants dont personne ne veut. Et un sentiment de frustration est en train de naître chez les exilés bloqués sur l’île, qui ne comprennent pas pourquoi on les empêche de rejoindre le continent.
Txema Santana observe la situation et ne décolère pas. "On ne peut pas jouer le rôle de gendarme de l’Europe. Nous ne pouvons pas être un mur entre l’Europe et l’Afrique. Nous faisons partie de l’Union européenne, nous ne sommes pas juste des îles en face des côtes africaines."
*Le prénom a été modifié
Par Infomigrants.com