Ramadan rimerait-il avec stress chez la femme sénégalaise? En tout cas tout porte à le croire, tellement le phénomène du «Soukerou koor», qui ne se limite plus au simple don de sucre, a pris des proportions telles, qu’il est aujourd’hui dans les belles-familles, un élément de mesure des qualités d’une épouse. Et gare à celles qui ne se plieraient pas à la règle. Eh oui ! Pendant le ramadan, elles sont «obligées» de donner des cadeaux à tout le monde et pas n’importe quel cadeau. Ça va des paniers remplis de denrées, aux sommes d’argent faramineuses, en passant par les riches boubous «thioup» et autres.
«Je trouve injuste que l’on mesure la bonté et l’abnégation d’une femme par rapport à la valeur de son Soukerou koor…Je gagne bien ma vie, mais c’est une question de principe ; je ne jouerai pas à l’hypocrite»
Madame Dieng, jeune dame d’une trentaine d’années, pointe un doigt accusateur vers la société, qui pour elle, a conduit la femme mariée dans cette impasse.
«Quand on vit dans une société comme la nôtre, on finit souvent par se mouvoir en parfait robot qui suit aveuglement les consignes. Personnellement, je trouve injuste que l’on mesure la bonté et l’abnégation d’une femme par rapport à la valeur de son Soukerou koor. Le fait qu’une femme soit dans les dispositions de donner un valeureux boubou à sa belle-mère ne prouve en rien qu’elle soit dévouée envers son mari. Et pour moi, le salut d’une femme mariée se trouve dans l’appréciation de son mari qui est après tout le principal concerné», explique-t-elle. Poursuivant, Madame Dieng soutient connaître beaucoup de problèmes au sein de sa belle-famille à cause de son refus d’adhérer à ces pratiques qu’elle juge «inopportunes» avec la crise économique qui sévit partout. «Mes belles sœurs, sous la commande de ma belle-mère ne ratent jamais l’occasion de me traiter de pingre, même durant les cérémonies familiales. Quand on ne veut plus rencontrer sa belle-famille de peur d’être vexée par leurs préjugés qui n’ont aucun fondement, c’est alarmant. Je gagne bien ma vie, mais c’est une question de principe ; je ne jouerai pas à l’hypocrite», martèle-t-elle.
«J’ai contracté une dette de près de 200 000 francs Cfa, rien que pour bénéficier des éloges de ma belle-famille. Je n’ai récolté que des injures, de l’humiliation et un ménage fragilisé…»
Abondant dans le même sens, Madame Cissé soutient que c’est à cause du Soukerou koor qu’elle ne va plus à la maison familiale de son mari.
«Durant ma première année de mariage, j’ai tenu à faire comme tout le monde en demandant à mon mari de me donner 250.000 francs Cfa à remettre en guise de Soukerou koor à sa famille. Il m’a tout de suite dit qu’il ne croyait pas à ses sottises et qu’il voudrait que je me conforme à sa conception du phénomène. Naïve que j’étais, j’ai passé outre sa mise en garde en contractant une dette de près de 200.000 francs Cfa, rien que pour bénéficier des éloges de sa famille. Savez-vous ce que j’y ai gagné ? Des insultes, de l’humiliation et un ménage plus que fragile. Mes cadeaux étaient insignifiants aux yeux de ma belle-famille et mon mari qui a vu son autorité bafouée, s’est renfermé sur lui pendant longtemps. J’ai vécu l’enfer durant ce mois de ramadan ; et depuis lors je ne vais plus dans la maison familiale de mon mari, parce que je n’arrive toujours pas à leur pardonner cette humiliation», raconte-t-elle.
«Tout acte, comme donner le Soukerou koor, allant dans le sens de raffermir les liens avec sa belle-famille est louable»
La soixantaine dépassée, Madame Thiaw prend le contre-pied de nos jeunes mariées car selon elle, donner le Soukerou koor est plus que naturel. Elle va jusqu’à l’assimiler à un devoir. En tout cas, elle en faire un sacerdoce.
«Quand une femme doit rejoindre le domicile conjugal, les aînés lui demandent de s’armer d’abnégation et de patience. Donc tout acte, comme donner le Soukerou koor, allant dans le sens de raffermir les liens avec sa belle-famille est louable», affirme-t-elle d’emblée. Soulignant qu’une épouse doit savoir se faire apprécier par sa belle-famille, elle ajoute avec beaucoup de fierté : «Contrairement à ce que pensent les jeunes mariées, le mariage ne se limite pas à son mari simplement. C’est beaucoup plus compliqué que ça, puisque c’est un contrat incluant toute la famille de l’homme. Personnellement, même si je n’ai pas les moyens, je trouve toujours un moyen de donner à chaque mois de ramadan, un riche boubou thioup à ma belle-mère, une importante somme d’argent à mon beau père et aux belles sœurs, j’achète soit des paniers de denrées ou des wax à chacune d’elles».
«Je ne suis pas encore mariée mais je soulèverai monts et montagnes pour donner un valeureux Soukerou koor à ma belle-famille à chaque ramadan»
Ngom, demoiselle de son état, partage le raisonnement de Madame Thiaw. Pour la fille qui n’est pas encore dans les liens du mariage, le Soukerou koor existe pour une bonne raison, car il raffermit les liens et chaque femme voudrait avoir une bonne entente avec sa belle-famille.
«Je condamne ces femmes, qui même avec une situation aisée, refusent de donner le Soukerou koor à leur belle-famille. Il faut être vraiment avare pour prendre les quelques cadeaux qu’on peut donner à la famille de son mari comme une compromission. La femme de mon frère qui a essayé de jouer à la maligne avec nous en a fait les frais. J’appartiens à une famille qui accorde beaucoup d’importance au Soukerou koor. Je ne suis pas encore mariée mais je soulèverai monts et montagnes pour donner un valeureux Soukerou koor à ma belle-famille à chaque ramadan», lance-t-elle avec un grand sourire.
C’est dire que le débat est loin d’être tranché. Si certaines femmes mettent en avant leurs principes ou une mauvaise expérience pour bannir le Soukerou koor de leur programme, d’autres croient mordicus que c’est le prix à payer pour être en bon terme avec sa belle-famille.
NDEYE KHADY D. FALL (jotay.net)
«Je trouve injuste que l’on mesure la bonté et l’abnégation d’une femme par rapport à la valeur de son Soukerou koor…Je gagne bien ma vie, mais c’est une question de principe ; je ne jouerai pas à l’hypocrite»
Madame Dieng, jeune dame d’une trentaine d’années, pointe un doigt accusateur vers la société, qui pour elle, a conduit la femme mariée dans cette impasse.
«Quand on vit dans une société comme la nôtre, on finit souvent par se mouvoir en parfait robot qui suit aveuglement les consignes. Personnellement, je trouve injuste que l’on mesure la bonté et l’abnégation d’une femme par rapport à la valeur de son Soukerou koor. Le fait qu’une femme soit dans les dispositions de donner un valeureux boubou à sa belle-mère ne prouve en rien qu’elle soit dévouée envers son mari. Et pour moi, le salut d’une femme mariée se trouve dans l’appréciation de son mari qui est après tout le principal concerné», explique-t-elle. Poursuivant, Madame Dieng soutient connaître beaucoup de problèmes au sein de sa belle-famille à cause de son refus d’adhérer à ces pratiques qu’elle juge «inopportunes» avec la crise économique qui sévit partout. «Mes belles sœurs, sous la commande de ma belle-mère ne ratent jamais l’occasion de me traiter de pingre, même durant les cérémonies familiales. Quand on ne veut plus rencontrer sa belle-famille de peur d’être vexée par leurs préjugés qui n’ont aucun fondement, c’est alarmant. Je gagne bien ma vie, mais c’est une question de principe ; je ne jouerai pas à l’hypocrite», martèle-t-elle.
«J’ai contracté une dette de près de 200 000 francs Cfa, rien que pour bénéficier des éloges de ma belle-famille. Je n’ai récolté que des injures, de l’humiliation et un ménage fragilisé…»
Abondant dans le même sens, Madame Cissé soutient que c’est à cause du Soukerou koor qu’elle ne va plus à la maison familiale de son mari.
«Durant ma première année de mariage, j’ai tenu à faire comme tout le monde en demandant à mon mari de me donner 250.000 francs Cfa à remettre en guise de Soukerou koor à sa famille. Il m’a tout de suite dit qu’il ne croyait pas à ses sottises et qu’il voudrait que je me conforme à sa conception du phénomène. Naïve que j’étais, j’ai passé outre sa mise en garde en contractant une dette de près de 200.000 francs Cfa, rien que pour bénéficier des éloges de sa famille. Savez-vous ce que j’y ai gagné ? Des insultes, de l’humiliation et un ménage plus que fragile. Mes cadeaux étaient insignifiants aux yeux de ma belle-famille et mon mari qui a vu son autorité bafouée, s’est renfermé sur lui pendant longtemps. J’ai vécu l’enfer durant ce mois de ramadan ; et depuis lors je ne vais plus dans la maison familiale de mon mari, parce que je n’arrive toujours pas à leur pardonner cette humiliation», raconte-t-elle.
«Tout acte, comme donner le Soukerou koor, allant dans le sens de raffermir les liens avec sa belle-famille est louable»
La soixantaine dépassée, Madame Thiaw prend le contre-pied de nos jeunes mariées car selon elle, donner le Soukerou koor est plus que naturel. Elle va jusqu’à l’assimiler à un devoir. En tout cas, elle en faire un sacerdoce.
«Quand une femme doit rejoindre le domicile conjugal, les aînés lui demandent de s’armer d’abnégation et de patience. Donc tout acte, comme donner le Soukerou koor, allant dans le sens de raffermir les liens avec sa belle-famille est louable», affirme-t-elle d’emblée. Soulignant qu’une épouse doit savoir se faire apprécier par sa belle-famille, elle ajoute avec beaucoup de fierté : «Contrairement à ce que pensent les jeunes mariées, le mariage ne se limite pas à son mari simplement. C’est beaucoup plus compliqué que ça, puisque c’est un contrat incluant toute la famille de l’homme. Personnellement, même si je n’ai pas les moyens, je trouve toujours un moyen de donner à chaque mois de ramadan, un riche boubou thioup à ma belle-mère, une importante somme d’argent à mon beau père et aux belles sœurs, j’achète soit des paniers de denrées ou des wax à chacune d’elles».
«Je ne suis pas encore mariée mais je soulèverai monts et montagnes pour donner un valeureux Soukerou koor à ma belle-famille à chaque ramadan»
Ngom, demoiselle de son état, partage le raisonnement de Madame Thiaw. Pour la fille qui n’est pas encore dans les liens du mariage, le Soukerou koor existe pour une bonne raison, car il raffermit les liens et chaque femme voudrait avoir une bonne entente avec sa belle-famille.
«Je condamne ces femmes, qui même avec une situation aisée, refusent de donner le Soukerou koor à leur belle-famille. Il faut être vraiment avare pour prendre les quelques cadeaux qu’on peut donner à la famille de son mari comme une compromission. La femme de mon frère qui a essayé de jouer à la maligne avec nous en a fait les frais. J’appartiens à une famille qui accorde beaucoup d’importance au Soukerou koor. Je ne suis pas encore mariée mais je soulèverai monts et montagnes pour donner un valeureux Soukerou koor à ma belle-famille à chaque ramadan», lance-t-elle avec un grand sourire.
C’est dire que le débat est loin d’être tranché. Si certaines femmes mettent en avant leurs principes ou une mauvaise expérience pour bannir le Soukerou koor de leur programme, d’autres croient mordicus que c’est le prix à payer pour être en bon terme avec sa belle-famille.
NDEYE KHADY D. FALL (jotay.net)