En visite de travail au Burkina dans le cadre d'une mini-tournée qu'elle effectue du 1er au 3 mai en Afrique de l'Ouest, Angela Merkel a été l'invité spécial d'un sommet extraordinaire des chefs d'Etat du G5 Sahel qui s'est tenu mercredi à Ouagadougou. Un sommet auquel ont pris part les présidents des 5 pays membres de l'organisation, le Burkinabé Marc Roch Chritian Kaboré, le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Malien Ibrahim Boubacar Keita (IBK), le Tchadien Idriss Déby Itno et le Mauritanien Mohamed Abdelaziz.
Lors du sommet ainsi que du huis clos entre les chefs d'Etat, les échanges ont porté sur la lutte contre le terrorisme, le suivi des engagements pris par les partenaires au profit du G5 Sahel et la situation des différentes crises en Libye, en Algérie et au Soudan. «Nous avons pensé qu'il était important qu'elle use de son leadership aussi bien en Europe que dans les autres institutions, pour faire un plaidoyer en faveur du G5 Sahel, sur l'ensemble de ces questions qui sont des préoccupations majeures», a expliqué le président Kaboré sur la présence d'Angela Merkel au sommet.
A l'issue de la séance de travail, le président en exercice du G5 Sahel, Roch Kaboré, et la chancelière allemande ont indiqué à la presse «avoir passer en revue l'ensemble des questions qui concernent aussi bien l'opérationnalisation de la force conjointe du G5 Sahel, notamment dans sa phase de montée en puissance, que les engagements pris par les partenaires». Selon un communiqué de la présidence burkinabè, il a été également question des procédures de décaissement et de passation de marchés «qui entachent la réalisation d'un certain nombre d'objectifs».
En plus des questions militaires, celles liées au développement étaient également au menu des échanges entre les présidents du G5 Sahel la chancelière allemande. Selon le président Kaboré, après cinq années de l'existence de cette institution, «il est important que tant sur le terrain de la sécurisation que celui du développement économique, les peuples du Sahel sentent une amélioration de leur condition de vie».
La Libye au centre des préoccupations du G5 Sahel
Si l'opérationnalisation de la Force militaire conjointe (FC G5 Sahel) a été l'un des principaux points de l'ordre du jour du sommet, la situation qui prévaut en Libye avec les risques de son aggravation ont été la principale préoccupation des chefs d'Etat de l'organisation. Selon le président, la stabilité dans les pays sahéliens est tributaire du retour de la paix en Libye qui a demandé aux pays européens d'assumer leurs responsabilités pour éviter au pays un chaos généralisé.
«Nous nous sommes engagés, chacun dans la recherche de solutions pour la lutte contre le terrorisme. Des propositions ont été faites et nécessitent d'être rediscutées, préparées avant d'être annoncées», a affirmé le président du Faso avant de remercier la chancelière allemande pour sa disponibilité. Sur la situation en Libye, il a implicitement accusé la France et l'Italie d'en être responsables et a invité les puissances occidentales à assurer «le service après-vente» afin d'endiguer toutes les menaces.
«Nous avons demandé aux grandes puissances, puisque ce sont elles qui ont déstabilisé la région, de prendre leur responsabilité et de régler la question...», a fait savoir le président Roch Kaboré du Burkina, après un entretien avec Angela Merkel.
Le président burkinabé a indiqué que la stabilisation de la région passe d'abord par celle de la Libye où «la recherche d'une solution politique est primordiale». A ce sujet, les chefs d'État du G5 Sahel ont sollicité d'Angela Merkel un plaidoyer auprès de ses pairs de l'Union européenne afin qu'une issue soit trouvée à ces différentes crises. Dans sa déclaration, la chancelière allemande a rappelé que la lutte contre le terrorisme n'est pas uniquement la responsabilité des cinq Etats, mais aussi celle de l'Europe.
«Nous avons parlé de la situation sécuritaire qui se dégrade, ce qui fait qu'il y a souvent des conflits, voir en ce qui concerne la situation en Libye c'est difficile», a confié Angela Merkel pour qui les pays européens doivent «être plus réactifs et agir plus rapidement».
Le mea-culpa de Merkel
Face à la presse, la chancelière allemande a reconnu que beaucoup reste à faire pour lutter contre le terrorisme et les trafics afin que les pays de la sous-région puissent s'engager dans la voie du développement. «La Libye est un terreau de nouvelles menaces. J'ai donc beaucoup de missions lorsque je rentre en Europe», a confié encore Angela Merkel qui a reconnu la responsabilité des pays européens dans la situation qui prévaut dans ce pays aujourd'hui pratiquement livré à lui-même.
«Les terroristes agissent rapidement, c'est pourquoi nous devons agir davantage rapidement pour ne pas être vaincus et j'y souscris, a-t-elle déclaré. Si le chaos prend le dessus, ce que nous tenons à éviter, cela aura un impact dans d'autres domaines. Il est primordial qu'on trouve une solution politique au problème libyen, car la Libye reste toujours le terreau de nouvelles menaces terroristes», a reconnu Angela Merkel.
La chancelière allemande a promis que l'Allemagne va renforcer ses multiples soutiens en faveur des pays du G5 Sahel en particulier la Force militaire conjointe pour qu'elle soit pleinement opérationnelle. Elle a confirmé que l'Allemagne a déjà décaissé les 60 millions d'euros promis et a annoncé une nouvelle enveloppe de plus de 100 millions dont 60 millions pour le Burkina et 46 millions pour le G5 Sahel. D'autres annonces de financement interviendront prochainement, notamment en faveur de l'Autorité du Bassin du Niger (ABN), a annoncé la chancelière allemande qui a également appelé la communauté internationale à soutenir le G5 Sahel en matière de sécurité et de développement. Elle a fait remarquer que les Etats investissent beaucoup dans la défense, ce qui impacte les investissements pour le développement.
La chancelière allemande poursuivra son périple au Mali puis au Niger où elle s'entretiendra avec ses homologues, les présidents IBK et Issoufou, avant de visiter quelques projets de développement financés par l'Allemagne, ainsi que des campements de soldats de la «Bundeswehr» stationnés à Bamako et à Niamey dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Comme à Ouagadougou ce jeudi 2 mai dans la matinée, il est également prévu qu'elle échange avec des étudiants et des représentants de la société civile.