Fait rare en Afrique ! Sur le chemin de la succession à son père, les augures politiques annoncent d’ores et déjà le nom de Franck Biya comme le successeur de son père. Alors que les portes du palais présidentiel semblent lui être ouvertes, le dauphin adoubé ne semble guère optimiste à cette idée au point d’être surnommé « l’homme qui ne veut pas être président ». Est-ce pour autant qu’il faut gommer les ambitions politiques du fils qui porte un patronyme auréolé ? Voici quelques éléments de réponses.
En 2018, Paul Biya, en fin de mandat après ses 32 ans passés sur le fauteuil du Palais d'Etoudi prendra-t-il sa retraite ? « L'élection présidentielle camerounaise de 2018 est certaine, mais encore lointaine. Nous avons le temps de réfléchir et, le moment venu, les Camerounais comme tout le monde sauront si je suis candidat ou si je prends ma retraite », répondait Paul Biya en juillet 2015 lors de la visite de François Hollande.
Sous les lambris dorés du Palais du peuple, cette botte en touche présidentielle, de Paul Biya qui fêtera ses 84 ans à la veille de la Saint-Valentin, est désormais entourée d'un faisceau de spéculations et de théories qui ajoutent du suspense à la guerre de succession annoncée. Dans les couloirs du Palais de l'Unité, les murs bruissent l'écho du nom de Franck Biya comme futur « dauphin » de son père.
Presqu'une règle de succession en Afrique centrale, l'idée du remplacement du père par son fils ne paraît pas si saugrenue que cela. Ali Bongo au Gabon, Joseph Kabila en RDC, sont tous des fils de présidents, devenus chef à la place du père après avoir été associés au plus près de la gestion étatique. D'autres sont sur le même chemin comme Teodorin Obiang Nguema, bombardé vice-président de Guinée-Equatoriale avec rang de chef d'Etat, Zacharia et Mahamat Deby au Tchad, ou encore Denis Christel Sassou Nguesso au Congo. Tous sont plus ou moins avancés sur la voie de perpétuation de cette règle salique de dévolution du fauteuil du patriarche à son fils.
Faisant exception à la règle, à 47 ans, Franck Emmanuel Olivier Biya, le fils aîné du président camerounais, ne semble pas séduit à l'idée de succéder à son père à la tête du pays. Là où les fils de présidents se servent du cric paternel pour gravir les échelons dans la gestion des affaires, le premier fils de Paul Biya ne semble pas tenté par le pouvoir. Il fuit l'échiquier politique, ses combines, ses coups bas et ses jeux d'alliances. Plus encore, il n'a ni fonction ministérielle officielle, ni mandat électif et n'est membre reconnu d'aucune section du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC, au pouvoir).
D'un autre côté, le père qui cultive un mutisme flegmatique face aux rumeurs et une discrétion presque maladive, a dû déteindre sur son fils. Là où les fils de chefs d'Etat aiment se farder de la lumière des projecteurs, Franck fuit les micros et les caméras des journalistes. Autant d'indices qui écartent au Cameroun la succession de Paul Biya par son Franck.
« A un moment, certains caciques du régime ont voulu avec insistance faire prospérer cette idée auprès de Paul Biya, vu que c'était la règle chez ses pairs d'Afrique centrale », confie à La Tribune Afrique, Magnus Biaga Chienku, journaliste-écrivain.
Le fondateur du quotidien camerounais l'Emergence est conforté dans sa certitude. « Si Franck Biya était intéressé par le pouvoir suprême, il ne serait pas en train de vivre très loin du pouvoir. Il serait à l'école du pouvoir, comme les autres fils de chefs d'Etat, qui occupent des postes clés », ajoute cet observateur averti de la scène politique camerounaise. Les indices pour le moment n'accréditent pas l'hypothèse du dauphinat destiné au fils. Mais, on ne peut pas totalement écarter le fait que Franck Biya n'y ait pas pensé au moins une fois en se rasant le matin.
« Pour ma part, je ne pense pas vraiment qu'il soit dépourvu d'ambitions. Franck Biya a des ambitions politiques mais il sait les masquer derrière la timidité et la discrétion qu'on lui prête », évalue Mathias Owona Nguini, analyste politique à la Fondation Paul Ango Ela de géopolitique en Afrique centrale, basé à Yaoundé.
Mais le jeune Franck, qui a passé une partie de sa jeunesse en Europe et aux Etats-Unis en est revenu novice en politique dont il préfère tirer les ficelles plutôt que d'en être acteur au risque de prêter le flanc aux critiques. Il laisse l'occupation de l'espace public à ses cousins, les neveux du président dont le plus en vue est Bonaventure Mvondo Assam, le ténébreux député du RDPC mais aussi au tout puissant Edgar Alain Mébé Ngo'o, actuel ministre des Transports et fils adoptif de Paul Biya (fils de son frère), surnommé "Vice-président"
Pour jouer sur deux tableaux, Franck Biya a compensé son inexpérience politique par son penchant pour les affaires depuis l'interruption dans les années 1990 de ses études aux Etats-Unis pour se lancer au pays dans l'exploitation forestière. Hors des forêts camerounaises, Franck Biya est un promoteur économique à la tête d'Afrione Cameroun et de SFA Ingénierie. Difficile pourtant de connaître « avec exactitude les différents secteurs dans lesquels Franck Biya investit, ni l'étendue de son réseau ».
« Son père compte beaucoup sur ses conseils, convaincu que son fils ne peut lui mentir. Une des faiblesses de son père durant son magistère aura été le mauvais casting. Il ne connaît pas grand monde dû à la distance qu'il entretient avec son peuple », souffle en off une source bien informée.
« Il est important de noter qu'en affaires, il agit ici avec beaucoup de discrétion. Dans ce domaine, il a une force de frappe non-négligeable puisqu'il conseille son père, fait nommer des ministres, directeurs généraux... Et dans ces positionnements, il tire beaucoup de bénéfices, dans une discrétion légendaire », affirme Magnus Biaga. Ces bénéfices ont fait le lit d'accusations de délit d'initié notamment dans l'affaire des bons d'obligations du Trésor à coupons zéro. Cette affaire avait donné lieu à une passe d'armes judiciaire entre le sommet de l'Etat camerounais et des ONG de la diaspora.
Outre ce point sombre dans le parcours du fils prodigue, Franck Biya a pu côtoyer les hommes et les femmes les plus puissants de la République. Au point de se constituer un puissant réseau qui lui ouvrirait sans peine les portes du Palais d'Etoudi. Toutefois s'il franchit le pas, Franck Biya devra passer par la voie des urnes.
« Le Cameroun n'est pas une monarchie, c'est une république. Si Franck Biya veut en devenir le président, ce sera par la voie des urnes. En ce moment-là , il a parfaitement le droit de se présenter puisque c'est un citoyen de ce pays », explique Mathias Owona Nguini avant d'étayer « Ce qu'il faudra observer, c'est sur quelles organisations politiques, quels soutiens, quels réseaux, il compte s'appuyer pour y parvenir ».
Des réseaux et des soutiens, Franck Biya, souvent présenté comme l'officieux qui murmure à l'oreille du président, a dû en cultiver beaucoup dans ses partenaires d'affaires mais aussi à travers les grands chantiers pour lesquels il conseille son père. Dans les couloirs du Palais de l'Unité, il a aussi dû se faire des ennemis déclarés ou tapis dans l'ombre notamment parmi les présidentiables qui ont cru à leur chance de devenir le remplaçant de Paul Biya.
En plus, de ses rivaux, il devrait aussi hériter des ennemis de son père. Un lourd héritage sur le chemin du pouvoir qui pousse peut-être Franck Emmanuel Olivier Biya à se conforter dans le rôle de l'homme qui ne veut pas être président à la place de son père. Mais en politique, rien n'est impossible !
Par Ibrahima Bayo Jr.
En 2018, Paul Biya, en fin de mandat après ses 32 ans passés sur le fauteuil du Palais d'Etoudi prendra-t-il sa retraite ? « L'élection présidentielle camerounaise de 2018 est certaine, mais encore lointaine. Nous avons le temps de réfléchir et, le moment venu, les Camerounais comme tout le monde sauront si je suis candidat ou si je prends ma retraite », répondait Paul Biya en juillet 2015 lors de la visite de François Hollande.
Loin de lumière des projecteurs
Sous les lambris dorés du Palais du peuple, cette botte en touche présidentielle, de Paul Biya qui fêtera ses 84 ans à la veille de la Saint-Valentin, est désormais entourée d'un faisceau de spéculations et de théories qui ajoutent du suspense à la guerre de succession annoncée. Dans les couloirs du Palais de l'Unité, les murs bruissent l'écho du nom de Franck Biya comme futur « dauphin » de son père.
Presqu'une règle de succession en Afrique centrale, l'idée du remplacement du père par son fils ne paraît pas si saugrenue que cela. Ali Bongo au Gabon, Joseph Kabila en RDC, sont tous des fils de présidents, devenus chef à la place du père après avoir été associés au plus près de la gestion étatique. D'autres sont sur le même chemin comme Teodorin Obiang Nguema, bombardé vice-président de Guinée-Equatoriale avec rang de chef d'Etat, Zacharia et Mahamat Deby au Tchad, ou encore Denis Christel Sassou Nguesso au Congo. Tous sont plus ou moins avancés sur la voie de perpétuation de cette règle salique de dévolution du fauteuil du patriarche à son fils.
Faisant exception à la règle, à 47 ans, Franck Emmanuel Olivier Biya, le fils aîné du président camerounais, ne semble pas séduit à l'idée de succéder à son père à la tête du pays. Là où les fils de présidents se servent du cric paternel pour gravir les échelons dans la gestion des affaires, le premier fils de Paul Biya ne semble pas tenté par le pouvoir. Il fuit l'échiquier politique, ses combines, ses coups bas et ses jeux d'alliances. Plus encore, il n'a ni fonction ministérielle officielle, ni mandat électif et n'est membre reconnu d'aucune section du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC, au pouvoir).
La discrétion pour masquer les ambitions ?
D'un autre côté, le père qui cultive un mutisme flegmatique face aux rumeurs et une discrétion presque maladive, a dû déteindre sur son fils. Là où les fils de chefs d'Etat aiment se farder de la lumière des projecteurs, Franck fuit les micros et les caméras des journalistes. Autant d'indices qui écartent au Cameroun la succession de Paul Biya par son Franck.
« A un moment, certains caciques du régime ont voulu avec insistance faire prospérer cette idée auprès de Paul Biya, vu que c'était la règle chez ses pairs d'Afrique centrale », confie à La Tribune Afrique, Magnus Biaga Chienku, journaliste-écrivain.
Le fondateur du quotidien camerounais l'Emergence est conforté dans sa certitude. « Si Franck Biya était intéressé par le pouvoir suprême, il ne serait pas en train de vivre très loin du pouvoir. Il serait à l'école du pouvoir, comme les autres fils de chefs d'Etat, qui occupent des postes clés », ajoute cet observateur averti de la scène politique camerounaise. Les indices pour le moment n'accréditent pas l'hypothèse du dauphinat destiné au fils. Mais, on ne peut pas totalement écarter le fait que Franck Biya n'y ait pas pensé au moins une fois en se rasant le matin.
« Pour ma part, je ne pense pas vraiment qu'il soit dépourvu d'ambitions. Franck Biya a des ambitions politiques mais il sait les masquer derrière la timidité et la discrétion qu'on lui prête », évalue Mathias Owona Nguini, analyste politique à la Fondation Paul Ango Ela de géopolitique en Afrique centrale, basé à Yaoundé.
Mais le jeune Franck, qui a passé une partie de sa jeunesse en Europe et aux Etats-Unis en est revenu novice en politique dont il préfère tirer les ficelles plutôt que d'en être acteur au risque de prêter le flanc aux critiques. Il laisse l'occupation de l'espace public à ses cousins, les neveux du président dont le plus en vue est Bonaventure Mvondo Assam, le ténébreux député du RDPC mais aussi au tout puissant Edgar Alain Mébé Ngo'o, actuel ministre des Transports et fils adoptif de Paul Biya (fils de son frère), surnommé "Vice-président"
Les affaires pour cultiver les réseaux
Pour jouer sur deux tableaux, Franck Biya a compensé son inexpérience politique par son penchant pour les affaires depuis l'interruption dans les années 1990 de ses études aux Etats-Unis pour se lancer au pays dans l'exploitation forestière. Hors des forêts camerounaises, Franck Biya est un promoteur économique à la tête d'Afrione Cameroun et de SFA Ingénierie. Difficile pourtant de connaître « avec exactitude les différents secteurs dans lesquels Franck Biya investit, ni l'étendue de son réseau ».
« Son père compte beaucoup sur ses conseils, convaincu que son fils ne peut lui mentir. Une des faiblesses de son père durant son magistère aura été le mauvais casting. Il ne connaît pas grand monde dû à la distance qu'il entretient avec son peuple », souffle en off une source bien informée.
« Il est important de noter qu'en affaires, il agit ici avec beaucoup de discrétion. Dans ce domaine, il a une force de frappe non-négligeable puisqu'il conseille son père, fait nommer des ministres, directeurs généraux... Et dans ces positionnements, il tire beaucoup de bénéfices, dans une discrétion légendaire », affirme Magnus Biaga. Ces bénéfices ont fait le lit d'accusations de délit d'initié notamment dans l'affaire des bons d'obligations du Trésor à coupons zéro. Cette affaire avait donné lieu à une passe d'armes judiciaire entre le sommet de l'Etat camerounais et des ONG de la diaspora.
Franck, président, une hypothèse pas impossible
Outre ce point sombre dans le parcours du fils prodigue, Franck Biya a pu côtoyer les hommes et les femmes les plus puissants de la République. Au point de se constituer un puissant réseau qui lui ouvrirait sans peine les portes du Palais d'Etoudi. Toutefois s'il franchit le pas, Franck Biya devra passer par la voie des urnes.
« Le Cameroun n'est pas une monarchie, c'est une république. Si Franck Biya veut en devenir le président, ce sera par la voie des urnes. En ce moment-là , il a parfaitement le droit de se présenter puisque c'est un citoyen de ce pays », explique Mathias Owona Nguini avant d'étayer « Ce qu'il faudra observer, c'est sur quelles organisations politiques, quels soutiens, quels réseaux, il compte s'appuyer pour y parvenir ».
Des réseaux et des soutiens, Franck Biya, souvent présenté comme l'officieux qui murmure à l'oreille du président, a dû en cultiver beaucoup dans ses partenaires d'affaires mais aussi à travers les grands chantiers pour lesquels il conseille son père. Dans les couloirs du Palais de l'Unité, il a aussi dû se faire des ennemis déclarés ou tapis dans l'ombre notamment parmi les présidentiables qui ont cru à leur chance de devenir le remplaçant de Paul Biya.
En plus, de ses rivaux, il devrait aussi hériter des ennemis de son père. Un lourd héritage sur le chemin du pouvoir qui pousse peut-être Franck Emmanuel Olivier Biya à se conforter dans le rôle de l'homme qui ne veut pas être président à la place de son père. Mais en politique, rien n'est impossible !
Par Ibrahima Bayo Jr.