: Khady Mbaye peut-être pour les très proches. Fleur pour le grand public. C’est le nom qu’on lui connaît sur les podiums de défilé au Sénégal. Depuis 2008, elle fait son bonhomme de chemin. Son crâne rasé est l’un de ses signes distinctifs. La langue de bois Fleur ne connaît pas. Elle dit tout. Tout haut. Fleur parle de son métier, des médias, de sa famille, de ses projets. Un projet qui lui tient à cœur, le téléfilm Chez Fleur. La série a pris le dessus sur le mannequinat mais Fleur ne délaisse pas pour autant les podiums. Elle attend juste les grands défilés. Entretien
Times24: Qui est Fleur et d’où vient ce nom ?
Fleur - Je suis plus connue sous le nom de Fleur Mbaye mais je m’appelle Khady Mbaye. Je suis mannequin et actrice internationale. Le nom de Fleur c’est une longue histoire. C’est un surnom que j’ai depuis le lycée. Il y avait un jeu qui réunissait toutes les classes et qui s’appelait Ami invisible. Il fallait choisir un surnom et je mettais donner le nom de Reine Fabiola, puis j’ai changé pour m’appeler Fleur. C’est un nom qui restait secret comme les surnoms des autres élèves. Seul l’intermédiaire, chargé de remettre les cadeaux qu’on s’offrait entre nous savait qui était qui. Le jour de la découverte, tout le monde a su que Fleur, c’était moi et ils ont continué à m’appeler ainsi. Quand j’ai commencé le mannequinat au début, on donnait des fiches à remplir et on nous demandait de mettre le nom de jeune fille ou le surnom. A chaque fois, je mettais Fleur. Et maintenant, tout le monde m’appelle Fleur.
Times24: Pourquoi êtes-vous devenue mannequin ?
Fleur - Je n’ai pas choisi d’être mannequin. Je ne suis pas de Dakar. Je suis de Mbacké. Je suis venue dans la capitale pour poursuivre mes études et faire du sport en même temps. Ce sont deux amis, Julo, mannequin et Papino, styliste, qui m’ont poussée à faire ce métier. Ils m’avaient dit que j’avais le visage expressif. Je n’avais pas la taille d’un mannequin parce que j’étais corpulente. J’ai donc commencé à faire un régime pour avoir cette ligne qu’on me connaît. C’est comme ça que j’ai commencé ce métier et c’était juste par passion. J’ai été choisie lors de mon premier casting. C’était pour le Sira Vision (un défilé organisé par la styliste sénégalaise Collé Ardo Sow) en 2008. Après il y a eu le Fashion week dans la même année. D’ailleurs, c’est avec leFashion Week ( un défilé organisé par la styliste Adama Paris) que j’ai fais véritablement un régime pour être fine parce que quand je défilais au Sira Vision, j’avais un peu de rondeur. Et je ne regrette pas ce physique que j’ai perdu. Je suis quelqu’un(e) qui ne regrette jamais. Je ne n’aime pas dire que je regrette. Et tout ce que je fais dans la vie, je le fais parce que je le veux. Personne ne me pousse à faire quoi que ce soit. Quand ça va bien j’assume. Quand ça va mal, j’assume. A moi de payer les pots cassés.
Times24: Comment se porte le mannequinat au Sénégal ?
Fleur - Mal. Très mal même. Quand j’ai débuté ça allait mieux mais maintenant le milieu est saturé. Il y a moins de défilés. Il y a trop de mannequins ou de filles qui se disent mannequins alors qu’elles ne le sont pas. Le mannequinat ne marche pas parce qu’il y a beaucoup d’amateurisme. Tout le monde peut avoir la taille d’un mannequin. On est fine et belle et on dit qu’on est mannequin. Mais pour moi, il y a des qualités requises pour être mannequin. Et ce qui est grave c’est qu’elles ne sont pas reconnues. On n’a pas de statut. On nous reconnaît seulement à la télé ou dans la rue. C’est facile d’être mannequin parce qu’on t’a juste vue à la télé. Je conseille aux jeunes filles qui viennent de débuter d’aller suivre une formation dans une agence reconnue. Après la formation, il y a le diplôme et la carte professionnelle qui permettent de dire qu’elles sont mannequins. Il y a des filles qui défilent dans des boites de nuit et qui se disent mannequins. Elles font desShooting avec n’importe quel photographe et postent les photos sur les réseaux sociaux. Il faut qu’on arrête l’amateurisme. Il faut que le milieu soit professionnalisé. Malheureusement, je ne suis jamais passée dans une agence. Je n’ai jamais appris à marcher. Je n’ai jamais appris à être mannequin. Je me suis formée toute seule. Personne ne m’a aidée. Je suis mannequin professionnel. Je ne défile pas pour n’importe qui, ni n’importe où, encore moins pour n’importe quel cachet. Les stylistes le savent. S’ils ne me payent pas un bon cachet, je ne défile pas. S’ils me font traîner j’arrête. On me présente un contrat avec des clauses très claires. Je n’ai plus besoin d’être connue. Je suis connue par le biais du mannequinat mais il y a des choses que je n’accepte pas. Ça me désole que les autres filles acceptent tout. Elles doivent savoir ce qu’elles veulent et ce qu’elles valent. Je leur conseille de poursuivre leurs études. «Soit belle et tais-toi» c’est juste un slogan. Je ne suis pas belle et je ne me tairais jamais. Le mannequinat est un métier éphémère. Mieux vaut avoir un autre métier stable.
Times24: Est-ce facile de décrocher un contrat ?
Fleur - Ce n’est pas du tout facile surtout dans l’international. S’il n’y a pas un styliste qui t’amène à l’étranger, tu ne pourras pas avoir des contrats. Sauf si, tu y vas avec tes propres moyens pour tenter ta chance. C’est chacun pour soi, Dieu pour tous. Les stylistes veulent gagner de l’argent, les mannequins pareils. Personne n’aide personne. Je n’ai jamais fait de défilés sur le plan international à part quelques-uns que j’ai faits dans la sous-région. Je ne vois pas une agence qui gère l’image d’un mannequin à Dakar. Et les agences basées en Europe ne travaillent pas à distance. Il faut être sur place pour qu’elles puissent trouver des contrats.
Times24: Il y a aussi tout ce qu’on dit sur les mannequins et surtout dans les médias. Comment gérez-vous cela?
Fleur – Je n’ai pas le temps de m’attarder sur ce qu’on dit ou écrit sur moi. Je n’ai pas le temps de dire du mal des gens ou de me focaliser sur les choses négatives. Je suis une personne positive. Grâce à Dieu, je suis célèbre et je n’ai jamais pensé à la célébrité. Je viens d’une famille nombreuse et modeste. Si les gens écrivent du mal sur Fleur, c’est leur problème. Je suis désolée, mais ces médias ne sont pas professionnels. Si un journaliste écrit ou dit du mal de moi, je lui crache cela sur la figure dès que je le vois. Je n’ai peur de personne. Même mes parents le savent. Je ne parle jamais sur le dos des gens. Ils ont écrit que, j’ai bénéficié de la promotion canapé pour avoir le Buzz. Si j’avais bénéficié de la promotion canapé, je ne serais pas au Sénégal actuellement. J’aurais eu des boutiques, voitures, maisons, comptes bancaires etc. Qu’on me laisse tranquille. Ceux qui me connaissent savent quel genre de personne je suis. Je viens d’une très bonne famille et je suis une très bonne personne. Dans ma famille tout le monde me respecte. Je ne peux pas rester toute une journée sans recevoir une insulte. Je ne demande pas à être aimée. Je ne peux pas être aimée de tout le monde. Je ne peux pas passer tout mon temps à contredire ceux qui racontent des choses fausses sur moi. Ma vie, c’est ma vie. Je l’a vie comme je l’entends. Je suis quitte avec ma conscience.
Times24: Et comment réagit votre famille ?
Fleur - Au début c’était difficile. Ma famille était très affectée par tout ce qu’on dit sur moi. Ils avaient mal autant que moi. Mais, ils ont fini par prendre tout cela avec de la hauteur. Maintenant, quand je les appelle en pleurant c’est eux qui me remontent le moral. Ils ont compris ce que je fais. Les avantages et les inconvénients. Ils me soutiennent et je les remercie. Quand on dit du mal de moi, c’est à eux que je pense d’abord. Je ne veux même pas trop parler de ces médias. C’est eux qui ont le temps de parler de Fleur mais Fleur n’a pas le temps de parler d’eux. On n’est pas une mauvaise personne parce qu’on est mannequin. Dans tous les métiers il y a des brebis galeuses.
Times24: Puisque vous dites que le mannequinat ne marche pas, pensez-vous mener d’autres activités parallèles ?
Fleur - Il y a des gens qui me disent que je dois créer une agence de mannequinat mais est-ce que j’ai les moyens de le faire ? Je pense aussi créer une ligne de vêtements. Mais je ne veux pas me limiter à faire des habits parce que j’adore les sous-vêtements. Je mise plus sur les sous-vêtements et sur la lingerie. En plus je viens de débuter ma carrière d’actrice donc je pense que je vais plus me focaliser sur cela. La carrière d’un mannequin n’est pas très longue contrairement à celle d’une actrice. On peut être vieille et jouer. Ce qui n’est pas possible dans le mannequinat. On ne peut pas avoir 60 ans et être sur les podiums.
Times24: En parlant d’actrice on vous voit jouer dans une série qui s’appelle chez Fleur. Parlez-nous un peu de la série ?
Fleur - L’histoire est simple. Fleur vivait entre Paris et New York. Elle est revenue au Sénégal et a ouvert un salon de coiffure. Elle recrute des jeunes filles pour faire des soins de visages, de la pédicure, de la manucure, etc. L’idée de faire cette série vient d’un ami qui s’appelle Ahmet Niang. On a un label de production, Rootspro. On a constaté ce qui se passe dans les salons de coiffure aux Etats-Unis et au Sénégal. On sait un peu le quotidien des jeunes filles qui travaillent au salon ou qui y vont pour se faire belles. Les hommes qui les draguent. Les magouilles qui se trament là-bas. C’est donc cette vie qu’on veut raconter. Dans l’histoire, il y a aussi une fille avec qui, je partageais un appartement à Paris. On a eu un problème. Je suis rentrée au Sénégal pour faire la série. Comme elle a suivi la série, elle est devenue jalouse. Elle est donc revenue pour me mettre les bâtons dans les roues. Donc ça va être un peu chaud.
Times24: Est-ce facile de passer du métier de mannequin à celui d’actrice ?
Fleur - Ce n’est pas difficile. On peut être actrice et mannequin en même temps. Etre mannequin c’est aussi être acteur. Sur le podium on joue un rôle. Pour moi c’est pareil. On peut être les deux à la fois ou devenir actrice après le mannequinat. Le mannequin peut même être une présentatrice. Du moment qu’elle a le charisme et la prestance. Ce qui n’est pas facile ce sont les tournages. Parfois on se réveille à 6 heures du matin pour commencer le tournage à 8 heures et finir 21 heures. Et quand on est en tournage, parfois on n’a même pas envie de manger. Il y a des dialogues tellement longs et on est obligé de les retenir par cœur. On passe toute la journée à parler de gauche à droite. Une seule séquence on peut l’a tournée 10 à 15 fois. Mais le cinéma est plus fort que le mannequinat. Je veux gagner des Oscars pour le Sénégal. Il y a des gens qui me conseillent et je l’ai écoute. Et quand on exerce un métier qui n’avance pas, il faut taper à d’autres portes pour trouver quelque chose de plus rentable. En plus, je ne pense pas passer plus d’années dans le mannequinant que j’en ai déjà passées. Je vais bientôt raccrocher pour passer à autre chose, parce que j’ai d’autres projets.
Times24: Quels sont ces projets ?
Fleur - Avant Chez Fleur, j’ai joué dans une autre série qui s’appelle Bégué Time, mais j’ai arrêté. C’est après que j’ai commencé à tourner avec Rootspro pour la série Chez Fleur. On est au dixième épisode de la première saison. On rend grâce à Dieu parce qu’on a de la visibilité. Mais il y a beaucoup de difficultés. On n’a pas encore de sponsors. On tourne avec nos propres moyens. On ne pensait pas avoir le succès qu’on a. On a donc un défi à relever. On est une équipe d’une dizaine de personne. Ce n’est pas facile. Il y a beaucoup de charges : le transport, la nourriture, le matériel, etc. Parfois je pète les plombs. En plus, j’ai de dialogues tellement durs et il m’arrive même de dire que je vais arrêter. Tout ce que je souhaite, c’est que Chez Fleur marche. Actuellement, je me focalise plus sur la série que sur le mannequinat. Mais si, j’ai des défilés, je les ferai. Et, je profite de l’occasion pour remercier toutes les personnes qui me soutiennent, tous les acteurs du film. Le réalisateur, lui, je ne le remercierai jamais assez. Quand il a écrit le film, il a pensé à moi. Des gens ont essayé de le dissuader, lui disant que, je suis impolie et capricieuse et qu’il ne pourrait pas travailler avec moi. C’est pour cela que, je dis qu’on a un défi à relever. On doit réussir et on réussir s’il plaît à Dieu.
Times24: A votre avis pourquoi vous avez cette réputation de fille impolie et capricieuse ?
Fleur - Je ne suis pas capricieuse. Je ne suis pas impolie. Je suis juste directe. Je suis très franche et très honnête. Je regarde les gens les yeux dans les yeux et je leur dis ce que je pense. Ils doivent faire de même avec moi au lieu de parler sur mon dos. Il y en a qui l’on déjà fait et aujourd’hui ils s’agenouillent devant moi. Et puis, je dis que je ne suis pas une star. Je suis comme tout le monde.
Times24: Parlons maintenant de votre look. Pourquoi le crâne rasé ?
Fleur - C’est un look que j’ai adopté parce que j’étais sportive. J’ai fait de l’athlétisme et du handball. Je n’aimais pas avoir les cheveux mouillés avec la sueur qui dégouline donc je me rasais tout le temps. Les gens m’ont dit que ce look me va bien. Je me sens bien aussi comme ça. Il m’arrive quand même de mettre une perruque. Et, devant mon père à Mbacké, je mets le foulard, sinon il me tue. Par rapport à son statut de chef religieux, il n’aime mon métier, mais il me comprend. Il regarde la télé. Il sait ce que je fais. Il voudrait que j’arrête le mannequinat et c’est pour cela que je vais arrêter.
Times24: Et le teint noir, alors beaucoup de femmes pratiquent la dépigmentation ?
Fleur - Chez moi tout le monde est noir. C’est avec ce teint noir qu’on nous connaît. Les femmes qui ont choisi la dépigmentation qu’elles sachent qu’il n’y a que des inconvénients. Il faut rester naturel.
Times24: Voulez-vous avoir une fille mannequin ?
Fleur - Personne n’est maître de son destin. Si Dieu décide qu’elle soit mannequin, elle le sera. Tout ce que je souhaite, c’est qu’elle soit croyante et qu’elle obéisse à ses parents.
Times24: Parlons un peu de politique. Etes-vous pour la parité ?
Fleur - Bien-sûr que je suis pour. Je suis une féministe. Je n’aime pas aussi la polygamie même si je suis née dans une famille polygame. Je souhaite être la seule femme de mon mari.
Propos recueillis par Adji FALL, TIMES24.INFO