Ce n’est pas un simple hasard de calendrier si vingt-quatre heures seulement, séparent la nomination, le 31 mai, d’Abba Mahamadou Issoufou, fils du président nigérien Mahamadou Issoufou, comme conseiller principal en communication de son père, de la promotion inattendue d’Isabel dos Santos, fille du président angolais José Eduardo dos Santos, aux commandes de la Compagnie nationale des hydrocarbures (Sonangol), véritable Etat dans l’Etat. Ces deux nominations s’inscrivent, en réalité, dans une dynamique qui semble désormais s’établir sur le continent : celle de voir un président de la République appeler à son côté, l’un de ses enfants.
Avant MM. Issoufou et Dos Santos, leur homologue tchadien Idriss Déby Itno a fait de son fils Zakaria Déby Itno, le directeur adjoint de son cabinet civil. Chez le Congolais Denis Sassou-Nguesso, qui cumule plus de trente-deux années au pouvoir, la nomination des enfants à des postes clés de l’Etat, n’a jamais posé le moindre problème. Ainsi le député Denis Christel Sassou-Nguesso, l’un des fils du président congolais, officie comme administrateur général de la raffinerie nationale de pétrole Coraf, alors que sa sœur Claudia veille sur la communication de papa. Pour sa part, Judith Cendrine Sassou-Nguesso garde la haute main sur la direction de l’Agence pour la promotion des investissements.
Mais, dans ce registre, c’est l’Equato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema, au pouvoir depuis 1979, qui a fait le plus fort : il vient de désigner, sans aucune hésitation, son fils Teodorin comme premier vice-président de la République chargé de la défense et de la sécurité. Un poste qui le consacre numéro deux de l’Etat et, de fait, le successeur possible de son père.
Paul Biya, à contre-courant
A regarder de près, même les « camarades présidents » n’ont pas résisté à la tentation à la mode sur le continent, de donner un coup de piston au fiston pour le placer au cœur de la nomenklatura.
Bien qu’il s’en soit toujours défendu avec vigueur, Karim Keita, fils du président malien Ibrahim Boubacar Keita (IBK), doit forcément à son patronyme, son élection au poste de député puis sa désignation comme président de la commission défense de l’Assemblée nationale.
Le Guinéen Alpha Condé, autre « camarade » socialiste, n’a pas non plus hésité à désigner, peu après son installation en 2010, au palais présidentiel de Sékhoutouréya, son fils Mohamed Alpha Condé à ses côtés avec le titre de conseiller, chargé de missions.
En revanche, le Camerounais Paul Biya a choisi le chemin inverse, en éloignant son fils aîné Franck Emmanuel Biya, né de son premier mariage, du palais d’Etoudi à Yaoundé pour lui laisser le temps de prospérer dans le business de l’exploitation forestière, des télécommunications et de la mobilisation des investisseurs.
A défaut du fils, le frère
Dans d’autres palais présidentiels, lorsque le président n’a pas de fils majeur qu’il peut appeler à son côté, le frère comble le vide. C’est le cas en Côte d’Ivoire, où Téné Birahima Ouattara, jeune frère du président Alassane Ouattara, est l’une des pièces maîtresses du pouvoir en sa qualité de ministre chargé des affaires présidentielles. Il en va de même au Sénégal avec Aliou Sall, frère du président Macky Sall et accessoirement, maire de Guédiawaye et président de l’Association des maires du Sénégal (AMS).
A quelques exceptions près, les fils appelés au côté de leur père président sont nommés à des postes avec des intitulés suffisamment vagues, pour leur permettre de s’occuper de tout à la fois. Mais, très souvent, ils sont préposés à la gestion de la fortune du clan, aux missions délicates, lorsqu’ils ne veillent pas sur l’agenda de papa. Ils deviennent ainsi le meilleur canal pour obtenir une oreille attentive auprès du « patron », pour les collaborateurs du président, y compris ses ministres.
Il arrive également que la sécurité personnelle de « papa » soit de leur ressort. On en a la preuve avec l’Ougandais Museveni, qui a confié le commandement des forces spéciales, ce qui inclut la garde prétorienne, à son fils Muhoozi Kainerugaba Museveni. Son homologue tchadien Idriss Déby Itno a fait autant, en plaçant son fils Mahamat Déby Itno au poste stratégique de commandant à la Direction générale de la sécurité des services de l’Etat (DGSSE), chargée de la sécurité rapprochée du président.
A l’évidence, pour les chefs d’Etat africains, l’enjeu est double : consolider leur pouvoir en plaçant leurs enfants à des positions sensibles et les initier aux arcanes du pouvoir afin qu’ils soient aptes, éventuellement, à récupérer le relais.
Précédents congolais, gabonais et togolais
Même si elle est restée très marginale, la succession dynastique n’est pas un fait politique totalement inédit sur le continent. En effet, de la République démocratique du Congo au Togo, en passant par le Gabon, on a enregistré ces vingt dernières années, trois cas où le fils a pris la place du père dans le fauteuil présidentiel.
A Kinshasa, après l’assassinat de Laurent Désiré Kabila, en janvier 2001, Joseph Kabila, qui n’avait pourtant ni le charisme ni l’aura militante de son père, fut appelé aux commandes de l’Etat. Il y est toujours.
Le scénario fut identique au Togo où, après le décès des suites d’une maladie en février 2005 d’Eyadema Gnassingbé, son fils Faure Gnassingbé, que l’on présentait comme un personnage timide et effacé, fut quand même installé dans le fauteuil présidentiel, occupé durant trente-huit années par son père. Faure Gnassingbé a été réélu en mars 2015 à la tête du Togo, pour un nouveau mandat de cinq ans.
La dernière succession dynastique a eu lieu au Gabon avec la mort naturelle d’Omar Bongo Ondimba en juin 2009, suivie de la désignation au poste de président de la République, en octobre de la même année, de son fils Ali Bongo Ondimba. Après un premier septennat, le président gabonais a rempilé à sa succession lors d’une élection présidentielle du 27 août 2016, fortement contestée.
Rien ne permet toutefois aujourd’hui de soutenir que, demain, Zakaria Idriss Déby Itno succédera à son père au Tchad, que Mohamed Alpha Condé pourra faire autant en Guinée-Conackry, que Denis Sassou-Nguesso passera le témoin à Denis Christel, ni même que Teodorin Obiang, pourtant le plus proche de la dernière marche, sera le prochain président de la Guinée-Equatoriale.
Du rêve de la succession dynastique à sa réalisation, il y a donc l’obstacle des changements politiques et la montée en puissance de la société civile à franchir.
Le Monde
Avant MM. Issoufou et Dos Santos, leur homologue tchadien Idriss Déby Itno a fait de son fils Zakaria Déby Itno, le directeur adjoint de son cabinet civil. Chez le Congolais Denis Sassou-Nguesso, qui cumule plus de trente-deux années au pouvoir, la nomination des enfants à des postes clés de l’Etat, n’a jamais posé le moindre problème. Ainsi le député Denis Christel Sassou-Nguesso, l’un des fils du président congolais, officie comme administrateur général de la raffinerie nationale de pétrole Coraf, alors que sa sœur Claudia veille sur la communication de papa. Pour sa part, Judith Cendrine Sassou-Nguesso garde la haute main sur la direction de l’Agence pour la promotion des investissements.
Mais, dans ce registre, c’est l’Equato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema, au pouvoir depuis 1979, qui a fait le plus fort : il vient de désigner, sans aucune hésitation, son fils Teodorin comme premier vice-président de la République chargé de la défense et de la sécurité. Un poste qui le consacre numéro deux de l’Etat et, de fait, le successeur possible de son père.
Paul Biya, à contre-courant
A regarder de près, même les « camarades présidents » n’ont pas résisté à la tentation à la mode sur le continent, de donner un coup de piston au fiston pour le placer au cœur de la nomenklatura.
Bien qu’il s’en soit toujours défendu avec vigueur, Karim Keita, fils du président malien Ibrahim Boubacar Keita (IBK), doit forcément à son patronyme, son élection au poste de député puis sa désignation comme président de la commission défense de l’Assemblée nationale.
Le Guinéen Alpha Condé, autre « camarade » socialiste, n’a pas non plus hésité à désigner, peu après son installation en 2010, au palais présidentiel de Sékhoutouréya, son fils Mohamed Alpha Condé à ses côtés avec le titre de conseiller, chargé de missions.
En revanche, le Camerounais Paul Biya a choisi le chemin inverse, en éloignant son fils aîné Franck Emmanuel Biya, né de son premier mariage, du palais d’Etoudi à Yaoundé pour lui laisser le temps de prospérer dans le business de l’exploitation forestière, des télécommunications et de la mobilisation des investisseurs.
A défaut du fils, le frère
Dans d’autres palais présidentiels, lorsque le président n’a pas de fils majeur qu’il peut appeler à son côté, le frère comble le vide. C’est le cas en Côte d’Ivoire, où Téné Birahima Ouattara, jeune frère du président Alassane Ouattara, est l’une des pièces maîtresses du pouvoir en sa qualité de ministre chargé des affaires présidentielles. Il en va de même au Sénégal avec Aliou Sall, frère du président Macky Sall et accessoirement, maire de Guédiawaye et président de l’Association des maires du Sénégal (AMS).
A quelques exceptions près, les fils appelés au côté de leur père président sont nommés à des postes avec des intitulés suffisamment vagues, pour leur permettre de s’occuper de tout à la fois. Mais, très souvent, ils sont préposés à la gestion de la fortune du clan, aux missions délicates, lorsqu’ils ne veillent pas sur l’agenda de papa. Ils deviennent ainsi le meilleur canal pour obtenir une oreille attentive auprès du « patron », pour les collaborateurs du président, y compris ses ministres.
Il arrive également que la sécurité personnelle de « papa » soit de leur ressort. On en a la preuve avec l’Ougandais Museveni, qui a confié le commandement des forces spéciales, ce qui inclut la garde prétorienne, à son fils Muhoozi Kainerugaba Museveni. Son homologue tchadien Idriss Déby Itno a fait autant, en plaçant son fils Mahamat Déby Itno au poste stratégique de commandant à la Direction générale de la sécurité des services de l’Etat (DGSSE), chargée de la sécurité rapprochée du président.
A l’évidence, pour les chefs d’Etat africains, l’enjeu est double : consolider leur pouvoir en plaçant leurs enfants à des positions sensibles et les initier aux arcanes du pouvoir afin qu’ils soient aptes, éventuellement, à récupérer le relais.
Précédents congolais, gabonais et togolais
Même si elle est restée très marginale, la succession dynastique n’est pas un fait politique totalement inédit sur le continent. En effet, de la République démocratique du Congo au Togo, en passant par le Gabon, on a enregistré ces vingt dernières années, trois cas où le fils a pris la place du père dans le fauteuil présidentiel.
A Kinshasa, après l’assassinat de Laurent Désiré Kabila, en janvier 2001, Joseph Kabila, qui n’avait pourtant ni le charisme ni l’aura militante de son père, fut appelé aux commandes de l’Etat. Il y est toujours.
Le scénario fut identique au Togo où, après le décès des suites d’une maladie en février 2005 d’Eyadema Gnassingbé, son fils Faure Gnassingbé, que l’on présentait comme un personnage timide et effacé, fut quand même installé dans le fauteuil présidentiel, occupé durant trente-huit années par son père. Faure Gnassingbé a été réélu en mars 2015 à la tête du Togo, pour un nouveau mandat de cinq ans.
La dernière succession dynastique a eu lieu au Gabon avec la mort naturelle d’Omar Bongo Ondimba en juin 2009, suivie de la désignation au poste de président de la République, en octobre de la même année, de son fils Ali Bongo Ondimba. Après un premier septennat, le président gabonais a rempilé à sa succession lors d’une élection présidentielle du 27 août 2016, fortement contestée.
Rien ne permet toutefois aujourd’hui de soutenir que, demain, Zakaria Idriss Déby Itno succédera à son père au Tchad, que Mohamed Alpha Condé pourra faire autant en Guinée-Conackry, que Denis Sassou-Nguesso passera le témoin à Denis Christel, ni même que Teodorin Obiang, pourtant le plus proche de la dernière marche, sera le prochain président de la Guinée-Equatoriale.
Du rêve de la succession dynastique à sa réalisation, il y a donc l’obstacle des changements politiques et la montée en puissance de la société civile à franchir.
Le Monde