Elles ont été nombreuses à célébrer, avant- hier, la Journée internationale des droits de la femme, parfois dans des hôtels huppés, financés à coups de millions F CFA. Pendant ce temps, d’autres, nombreuses, étaient recluses dans leur foyer, le cœur lourd de chagrin. Parmi elles, les femmes réfugiées établies au Sénégal, oubliées, pour la plupart, par les différents organismes spécialisés des Nations Unies.
La trentaine, tout en larmes, Tata Sow, réfugiée mauritanienne, ne décolère pas contre ce système. Entre sanglots, elle balbutie : “On n’a pas le cœur à célébrer quoi que ce soit. Ce qui nous taraude, ce sont nos enfants. Imaginez un chef de famille qui sort de sa maison et qui ne laisse à ses enfants ni à manger ni à boire. Son problème, c’est s’ils ont mangé, s’ils ont de quoi boire, s'ils ont dormi ?”
Venue de la Mauritanie en 1989, à la suite de l’éclatement du conflit sénégalo-mauritanien, après avoir échappé à une exécution, Tata Sow mène, depuis l’enfance, une vie rythmée d’humiliations. D’abord, à cause de la couleur de sa peau dans son pays natal (Mauritanie) quand elle n’avait que 7 ans. Ensuite, à cause de son statut de réfugiée depuis qu’elle est arrivée au Sénégal. Pourtant, elle a avec son pays d’accueil des liens tout particuliers.
Tata ne comprend pas l’insensibilité des autorités locales et onusiennes par rapport à leur situation.
“Ce qui nous fait le plus mal, rumine-t-elle, c’est que les Haïtiens nous ont trouvés ici, en train de galérer. Nous nous réjouissons du traitement dont ils ont bénéficié de la part du président Abdoulaye Wade à l’époque. On les avait mis dans d’excellentes conditions. Mais nous ne pouvions nous empêcher de demander pourquoi nous, qui sommes culturellement et historiquement liés à ce pays, ne pouvons jusqu’à présent pas bénéficier des mêmes privilèges. Ils n’ont rien fait pour nous. Nous sommes condamnés à être d’éternels locataires. On nous expulse de gauche à droite, nos enfants entre nos bras. C’est un cauchemar que nous vivons en permanence.”
Le casse-tête d’un logement décent et d’un travail
Divorcée, elle a en charge cinq enfants, dont les quatre lui ont été laissées par sa sœur décédée, abandonnés qu’ils sont par leur père qui a décidé de refaire sa vie loin d’eux, avec une autre femme. En sus de nourrir toutes ces bouches, de les loger et de les soigner, elle doit également faire face à un cancer qui la ronge à petit feu. “Le médecin me demande souvent de ne pas faire trop d’efforts, parce que cela affecte mes nerfs, mais je ne peux pas rester les bras croisés. En fait, quand on était au camp des réfugiés à Dagana, j’ai été victime d’un traumatisme et on m’avait diagnostiqué une tumeur du cerveau. Jusqu’à présent, je suis mon traitement à l’hôpital Fann, avec des médicaments excessivement chers. C’est très difficile”, a déclaré la bonne dame, qui reconnait toutefois avoir eu à bénéficier d’une assistance du HCR à son arrivée, avec notamment des formations dans différents métiers, dont la couture.
Avoir une qualification est une chose, mais trouver de l’emploi en est une autre. Cette assertion est encore plus vraie pour les populations de réfugiées, qui subissent une discrimination sans fin. Elles et leurs familles. Réfugiée congolaise établie au Sénégal depuis plus d’une décennie, Miryam Bangoela est au bord de l’implosion, à cause de ce manque de perspectives.
Elle témoigne : “Nous sommes vraiment fatigués. Le HCR ne veut pas nous porter assistance et ils refusent de nous donner nos papiers. On ne sait pas s’ils ont perdu les papiers ou s’ils les ont vendus à d’autres. Et sans papiers, on ne peut rien faire. Nous souffrons vraiment au Sénégal. On a eu pas mal d’opportunités de regagner d’autres pays, notamment occidentaux, mais ils ne veulent pas nous donner nos papiers. Pourquoi ? Le HCR n’a qu’à nous donner nos dossiers.’’
Ayant vécu près d’un an dans la rue, elle a pu, avec son époux, avoir un toit, grâce à des samaritains. Ce qui les soulage seulement de temps à autre. “Ce qui fait le plus mal, c’est que c’est le HCR qui nous devait protection qui ne cesse de nous torturer. En sus de refuser de nous donner nos documents, ils nous ont trainé dans la boue, devant la justice, partout. Parce que nous sommes sans défense. Mais nous n’allons pas lâcher, nous allons continuer de nous battre. Parce que ce sont nos documents. Il faut que justice se fasse”, dénonce la jeune Congolaise malade, qui a perdu tous ses parents lors de la crise au Congo, et qui a été contrainte de fuir d’abord vers la Guinée-Bissau, avant de s’établir au Sénégal.
L’avenir menacé des enfants
Chez les Diomandé, la situation est presque identique. Suite au massacre de leurs parents, le couple Diomandé avait fui la Côte d’Ivoire pour s’établir dans un premier temps en Gambie où ils avaient un statut en bonne et due forme. Par la suite, traqués avec d’autres réfugiés par le régime dictatorial de Yaya Jammeh, suite à des mouvements d’humeur, ils ont été contraints de fuir en catastrophe et de venir s’implanter au Sénégal pour sauver leur peau. Hélas, le bureau local du HCR leur refusa le statut qu’ils avaient dans un autre pays.
Pour Mme Diomandé, 38 ans, mère de deux filles, ce 8 Mars ressemble plutôt à tous les autres jours. Elle déclare : “Je ne parle pas du 8 Mars, mais depuis que nous sommes là au Sénégal, nous sommes sans soutien. Nous n’avons personne. C’est comme ça que j’ai perdu un enfant. S’il avait vécu, il allait avoir 8 ans cette année. Durant la grossesse, nous avons essayé de saisir le HCR pour nous aider, mais ils n’avaient pas accepté. Quand j’étais à terme, avec toutes mes douleurs, j’ai appelé mon mari qui les avait à nouveau saisis, ils avaient encore refusé sous le prétexte que nous ne sommes pas reconnus.
C’était un dimanche. J’ai souffert jusqu’au mercredi. L’enfant est finalement décédé dans le ventre. Le lendemain, grâce à la Caritas, j’ai pu faire une césarienne pour l’enlever. Alors, ne me parlez pas de 8 Mars. Je ne l’ai jamais connu depuis que je suis au Sénégal.”
Désœuvrée, Mme Diomandé remercie tout de même la Caritas qui a souvent été là pour donner un coup de pouce. Surtout pour sa fille ainée, très brave, qui, grâce des cours d’alphabétisation que lui payait l’organisme humanitaire, a pu aller jusqu’en classe de 3e. Avec une maman obligée très souvent de se rendre à l’université pour trouver de la nourriture à la famille, un papa qui a du mal à trouver un emploi faute de papiers, la jeune fille a été première de sa classe au premier semestre.
“Elle est très intelligente, mais elle n’a pas d’aide. Moi, ma plus grande préoccupation, c’est l’avenir de mes enfants. Les conditions très précaires ne l’aident vraiment pas. Souvent, on est expulsé de nos maisons et on se retrouve avec les enfants dans la rue, avec tous les risques qui vont avec. Nous avons eu à passer presque une année dans la rue. Actuellement, là où nous logeons, c’est grâce à un prêtre qui s’est engagé à payer pendant six mois. Cela nous permet quand même de respirer un peu. Vous nous permettez d’ailleurs de remercier l’Église catholique pour tout ce qu’elle a fait pour nous.”
Aujourd’hui, Mme Diomande est prise au piège au Sénégal. Ayant perdu ses parents très jeunes, elle n’a plus aucune attache dans son pays natal ; ce qui rend le retour difficile, d’autant plus que les bourreaux de sa belle-famille sont encore en place. En cette journée de la femme, elle lance son plaidoyer :
“Je demande vraiment à la communauté internationale de penser à tous ces gens qui sont dans des pays où ils ne peuvent ni travailler ni envoyer leurs enfants à l’école. C’est vraiment traumatisant. Parfois, on se pose pas mal de questions. Si ce n’était les enfants, je ne vois pas l’importance de cette vie. En tant que maman, il n’y a que les enfants qui me donnent le courage.
EnQuete
La trentaine, tout en larmes, Tata Sow, réfugiée mauritanienne, ne décolère pas contre ce système. Entre sanglots, elle balbutie : “On n’a pas le cœur à célébrer quoi que ce soit. Ce qui nous taraude, ce sont nos enfants. Imaginez un chef de famille qui sort de sa maison et qui ne laisse à ses enfants ni à manger ni à boire. Son problème, c’est s’ils ont mangé, s’ils ont de quoi boire, s'ils ont dormi ?”
Venue de la Mauritanie en 1989, à la suite de l’éclatement du conflit sénégalo-mauritanien, après avoir échappé à une exécution, Tata Sow mène, depuis l’enfance, une vie rythmée d’humiliations. D’abord, à cause de la couleur de sa peau dans son pays natal (Mauritanie) quand elle n’avait que 7 ans. Ensuite, à cause de son statut de réfugiée depuis qu’elle est arrivée au Sénégal. Pourtant, elle a avec son pays d’accueil des liens tout particuliers.
Tata ne comprend pas l’insensibilité des autorités locales et onusiennes par rapport à leur situation.
“Ce qui nous fait le plus mal, rumine-t-elle, c’est que les Haïtiens nous ont trouvés ici, en train de galérer. Nous nous réjouissons du traitement dont ils ont bénéficié de la part du président Abdoulaye Wade à l’époque. On les avait mis dans d’excellentes conditions. Mais nous ne pouvions nous empêcher de demander pourquoi nous, qui sommes culturellement et historiquement liés à ce pays, ne pouvons jusqu’à présent pas bénéficier des mêmes privilèges. Ils n’ont rien fait pour nous. Nous sommes condamnés à être d’éternels locataires. On nous expulse de gauche à droite, nos enfants entre nos bras. C’est un cauchemar que nous vivons en permanence.”
Le casse-tête d’un logement décent et d’un travail
Divorcée, elle a en charge cinq enfants, dont les quatre lui ont été laissées par sa sœur décédée, abandonnés qu’ils sont par leur père qui a décidé de refaire sa vie loin d’eux, avec une autre femme. En sus de nourrir toutes ces bouches, de les loger et de les soigner, elle doit également faire face à un cancer qui la ronge à petit feu. “Le médecin me demande souvent de ne pas faire trop d’efforts, parce que cela affecte mes nerfs, mais je ne peux pas rester les bras croisés. En fait, quand on était au camp des réfugiés à Dagana, j’ai été victime d’un traumatisme et on m’avait diagnostiqué une tumeur du cerveau. Jusqu’à présent, je suis mon traitement à l’hôpital Fann, avec des médicaments excessivement chers. C’est très difficile”, a déclaré la bonne dame, qui reconnait toutefois avoir eu à bénéficier d’une assistance du HCR à son arrivée, avec notamment des formations dans différents métiers, dont la couture.
Avoir une qualification est une chose, mais trouver de l’emploi en est une autre. Cette assertion est encore plus vraie pour les populations de réfugiées, qui subissent une discrimination sans fin. Elles et leurs familles. Réfugiée congolaise établie au Sénégal depuis plus d’une décennie, Miryam Bangoela est au bord de l’implosion, à cause de ce manque de perspectives.
Elle témoigne : “Nous sommes vraiment fatigués. Le HCR ne veut pas nous porter assistance et ils refusent de nous donner nos papiers. On ne sait pas s’ils ont perdu les papiers ou s’ils les ont vendus à d’autres. Et sans papiers, on ne peut rien faire. Nous souffrons vraiment au Sénégal. On a eu pas mal d’opportunités de regagner d’autres pays, notamment occidentaux, mais ils ne veulent pas nous donner nos papiers. Pourquoi ? Le HCR n’a qu’à nous donner nos dossiers.’’
Ayant vécu près d’un an dans la rue, elle a pu, avec son époux, avoir un toit, grâce à des samaritains. Ce qui les soulage seulement de temps à autre. “Ce qui fait le plus mal, c’est que c’est le HCR qui nous devait protection qui ne cesse de nous torturer. En sus de refuser de nous donner nos documents, ils nous ont trainé dans la boue, devant la justice, partout. Parce que nous sommes sans défense. Mais nous n’allons pas lâcher, nous allons continuer de nous battre. Parce que ce sont nos documents. Il faut que justice se fasse”, dénonce la jeune Congolaise malade, qui a perdu tous ses parents lors de la crise au Congo, et qui a été contrainte de fuir d’abord vers la Guinée-Bissau, avant de s’établir au Sénégal.
L’avenir menacé des enfants
Chez les Diomandé, la situation est presque identique. Suite au massacre de leurs parents, le couple Diomandé avait fui la Côte d’Ivoire pour s’établir dans un premier temps en Gambie où ils avaient un statut en bonne et due forme. Par la suite, traqués avec d’autres réfugiés par le régime dictatorial de Yaya Jammeh, suite à des mouvements d’humeur, ils ont été contraints de fuir en catastrophe et de venir s’implanter au Sénégal pour sauver leur peau. Hélas, le bureau local du HCR leur refusa le statut qu’ils avaient dans un autre pays.
Pour Mme Diomandé, 38 ans, mère de deux filles, ce 8 Mars ressemble plutôt à tous les autres jours. Elle déclare : “Je ne parle pas du 8 Mars, mais depuis que nous sommes là au Sénégal, nous sommes sans soutien. Nous n’avons personne. C’est comme ça que j’ai perdu un enfant. S’il avait vécu, il allait avoir 8 ans cette année. Durant la grossesse, nous avons essayé de saisir le HCR pour nous aider, mais ils n’avaient pas accepté. Quand j’étais à terme, avec toutes mes douleurs, j’ai appelé mon mari qui les avait à nouveau saisis, ils avaient encore refusé sous le prétexte que nous ne sommes pas reconnus.
C’était un dimanche. J’ai souffert jusqu’au mercredi. L’enfant est finalement décédé dans le ventre. Le lendemain, grâce à la Caritas, j’ai pu faire une césarienne pour l’enlever. Alors, ne me parlez pas de 8 Mars. Je ne l’ai jamais connu depuis que je suis au Sénégal.”
Désœuvrée, Mme Diomandé remercie tout de même la Caritas qui a souvent été là pour donner un coup de pouce. Surtout pour sa fille ainée, très brave, qui, grâce des cours d’alphabétisation que lui payait l’organisme humanitaire, a pu aller jusqu’en classe de 3e. Avec une maman obligée très souvent de se rendre à l’université pour trouver de la nourriture à la famille, un papa qui a du mal à trouver un emploi faute de papiers, la jeune fille a été première de sa classe au premier semestre.
“Elle est très intelligente, mais elle n’a pas d’aide. Moi, ma plus grande préoccupation, c’est l’avenir de mes enfants. Les conditions très précaires ne l’aident vraiment pas. Souvent, on est expulsé de nos maisons et on se retrouve avec les enfants dans la rue, avec tous les risques qui vont avec. Nous avons eu à passer presque une année dans la rue. Actuellement, là où nous logeons, c’est grâce à un prêtre qui s’est engagé à payer pendant six mois. Cela nous permet quand même de respirer un peu. Vous nous permettez d’ailleurs de remercier l’Église catholique pour tout ce qu’elle a fait pour nous.”
Aujourd’hui, Mme Diomande est prise au piège au Sénégal. Ayant perdu ses parents très jeunes, elle n’a plus aucune attache dans son pays natal ; ce qui rend le retour difficile, d’autant plus que les bourreaux de sa belle-famille sont encore en place. En cette journée de la femme, elle lance son plaidoyer :
“Je demande vraiment à la communauté internationale de penser à tous ces gens qui sont dans des pays où ils ne peuvent ni travailler ni envoyer leurs enfants à l’école. C’est vraiment traumatisant. Parfois, on se pose pas mal de questions. Si ce n’était les enfants, je ne vois pas l’importance de cette vie. En tant que maman, il n’y a que les enfants qui me donnent le courage.
EnQuete