"Le FN est le premier parti de France !" Tout de noir vêtue, Marine Le Pen exulte. Au "Carré", le siège du FN à Nanterre (Hauts-de-Seine), le champagne coule à flots. Dimanche, lors des élections européennes, le FN est arrivé en tête dans les urnes, selon des estimations provisoires, loin devant l'UMP et le PS. Le parti créé par Jean-Marie Le Pen en 1972 devrait décrocher entre 23 et 25 sièges au Parlement européen sur les 74 accordés à la France, un des pays fondateurs de l'Union européenne.
Oppressée par les caméras et les micros des deux cent cinquante journalistes français et étrangers venus assister à son triomphe, Marine Le Pen débite son message retransmis en direct sur toutes les chaînes de télévision : "Le président de la République doit maintenant prendre les dispositions qui s'imposent pour que l'Assemblée devienne nationale, représentative du peuple et à même de mener la politique d'indépendance que le peuple a choisie ce soir." Lors de ce scrutin, le FN fait, de nouveau, exploser tous ses records électoraux. Le dernier remonte à la présidentielle de 2012 lors de laquelle Marine Le Pen avait obtenu 17,9 % des voix. Si l'on s'en tient à un scrutin européen, le FN n'avait jamais été au-delà de 11,7 % des voix, en 1989.
"Un résultat historique"
Après cette déclaration, la députée européenne, réélue ce dimanche (dans la circonscription du Nord-Ouest), souffle un moment dans son bureau et fête la victoire avec ses proches collaborateurs. "C'est un résultat historique dans une élection éminemment politique, aussi politique que la présidentielle, affirme-t-elle à quelques journalistes. Ils ont tellement lié l'avenir de l'UE à l'avenir de la France que ce scrutin est vraiment une élection politique." D'où son exhortation à dissoudre l'Assemblée nationale adressée à François Hollande. Pour la cheftaine frontiste, il est insupportable qu'il n'y ait que deux députés FN au Palais-Bourbon alors que son parti - lors d'une élection au suffrage universel direct - atteint un score de 24 % des voix.
"Tripolisation de la vie politique"
Pourtant, François Hollande n'a pas du tout l'intention de dissoudre l'Assemblée. Et le chef du gouvernement Manuel Valls vient de réagir à la télévision pour affirmer que la France avait "besoin d'une Europe plus forte, plus solidaire, plus juste, plus généreuse" et qu'il "n'y avait plus une seule minute à perdre" pour "réformer" la France". "Le discours de Valls est d'une autre planète ! Le peuple français veut retrouver sa souveraineté", réagit Marine Le Pen en jetant un oeil sur la télévision de son bureau, tout en attrapant une coupe de champagne. Si le chef de l'État persistait à ne pas dissoudre l'Assemblée, Marine Le Pen prévient, un brin menaçante : "Les autres élections seront encore pires pour eux !" Mettant en garde contre les éventuelles "magouilles" de l'UMP ou du PS pour évincer le FN, Marine Le Pen note que "les Français ont imposé une tripolisation de la vie politique et [qu']il faut aller vers ce que le peuple veut !"
Larmes de joie
Cette élection passée, Marine Le Pen prépare déjà la suite. Mardi, elle sera à Bruxelles pour une série de rendez-vous avec ses alliés européens en vue de former un groupe au Parlement. "On aura même un candidat à la présidence du Parlement européen", assure-t-elle. Dans les couloirs du QG du FN, les frontistes jubilent. "C'est mieux que le 21 avril 2002 !" souffle une militante. "Moi, j'ai envie de pleurer", répond son amie.
"FN, premier parti de France" : voilà donc le message que vont marteler les frontistes dans les prochaines semaines. Les affiches avec ce nouveau slogan sont déjà imprimées, avec, en fond, le buste de Marianne. Avec 80 000 adhérents, le FN est tout de même encore loin des 280 000 adhérents de l'UMP. Les stratèges du parti se disent confiants dans de nouvelles victoires aux élections régionales et à la prochaine présidentielle : "Les électeurs savent que le FN est capable de gagner !"
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