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Entretien avec le Président Macky Sall: "Mon plan contre le chômage"


Rédigé le Mercredi 8 Juillet 2015 à 17:26 | Lu 106 fois | 0 commentaire(s)



Après avoir pris part aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence où se croisent le gratin industriel français, les intellectuels, universitaires, hommes de médias, le Président Macky Sall n'avait pas le cœur à aborder avec nous les questions politiques. "On va parler de choses sérieuses. Parlons d'Economie !", propose-t-il avec fermeté, malgré les apparences. Regrettant au passage que les questions politiques, voire…politiciennes prennent le dessus sur l'Economie. Bien calfeutré dans sa cabine, parapheur sous la main, la mine du reste travaillée par la fatigue et la faim, le Président Macky Sall, dont l'avion, la Pointe de Sarène a décollé depuis deux heures, refuse dans un premier temps de se soumettre au rituel des questions/réponses, mais accepte, après forte insistance de notre part. Le chemin est ainsi bien balisé, avec comme fil d'Ariane, les questions économiques…


Entretien avec le Président Macky Sall: "Mon plan contre le chômage"
Quel est l'intérêt pour le Sénégal de ces Rencontres économiques tenues à Aix-En-Provence, du 3 au 5 juillet ? 

D'abord, je voudrais remercier le cercle des économistes de France qui a bien voulu m'inviter à la cérémonie inaugurale des journées de rencontres économiques d'Aix-En-Provence. C'était la 15ème édition. Et la particularité de cette édition, c'est que les économistes devaient réfléchir sur la problématique de l'emploi. La question a été formulée de la façon suivante : "Et si l'emploi était la solution ?" L'emploi dans toute sa dimension. J'ai essayé dans mon adresse de partir un peu de la définition philosophique et de faire un rappel historique sur la problématique de l'emploi, sa compréhension à la fois philosophique et idéologique. Rappelez-vous du Capital, du Travail, des relations quasiment conflictuelles entre groupes, la lutte des classes pendant la société industrielle etc. 

Mais je suis allé plus loin pour rappeler aux Européens que l'esclavage a été une forme de travail forcé ou de servage avec des gens se faisant passer pour des "seigneurs" pour faire travailler des hommes simplement sur la base d'une domination. Le travail, c'est aussi l'aspect religieux. Car, il y a une compréhension religieuse du travail. Et là, on fait un rappel de ce que Saint Benoît, qui est le père fondateur des Bénédictins, considérait, pour les moines, au-delà du travail théologique, qu'ils s'adonnent à un travail manuel pour vraiment répondre aux besoins et à la définition du moine. Donc, il fallait qu'ils travaillent la terre. Et également une référence au niveau des musulmans avec une parole prophétique, celle du prophète Mouhamed (PSL) qui a estimé que la meilleure nourriture que l'on pourrait avoir est celle qu'on avait acquise ou préparée avec ses propres mains. Que ce soit des fruits ou des produits de son agriculture etc. 

Aujourd'hui, le travail ou le non-travail, le chômage donc, se posent dans nos sociétés avec les mutations industrielles très fortes. Le développement des machines, des ordinateurs fait que beaucoup d'emplois sont supprimés du fait de la productivité des machines, à cause aussi des gains qui sont recherchés. Vous voyez, on est devant une situation mondialisée très complexe, qui n'est pas spécifique à tel ou tel pays. Alors, par rapport à toutes ces situations, quelles doivent être aujourd'hui les tendances et que devons-nous faire pour que le machinisme, la modernité, la productivité ne prennent le dessus sur l'emploi ? Car, l'emploi doit assurer le bien-être. L'emploi doit assurer la dignité de la personne, l'épanouissement dans la construction de la nation et des États.

Tous les rapports ont montré que l'Afrique perd beaucoup d'argent. On parle même de 60 milliards de dollars en termes de flux de capitaux, d'impôts que certaines sociétés ne paient pas au juste prix. Est-ce qu'aujourd'hui vous allez mener le combat pour que ces entreprises paient correctement leurs impôts pour impacter sur les économies en Afrique ? 

J'ai effectivement dit que si le Nord nous aidait à créer davantage d'emplois, compte tenu des liens historiques, nous pourrions retenir le maximum de jeunes chez nous. Puisque nous avons dans le domaine des technologies nouvelles, notamment dans le domaine du numérique, une bonne marge à prendre. Nous n'avons pas besoin de rattraper un gros retard dans ce domaine-là. Dans la révolution industrielle, nous avons eu un retard énorme. Mais pour la connaissance dans l'économie numérique, dans les TIC, l'Afrique peut très vite se rattraper. D'ailleurs l'Afrique est sur les mêmes starting blocks que les autres. Alors, il nous faut investir dans l'éducation, dans la formation. Investir dans une éducation orientée vers ces nouvelles technologies. C'est la raison pour laquelle je crois que les start-up, les incubateurs et aussi l'agriculture modernisée et mécanisée telle que nous la faisons aujourd'hui à travers les domaines communautaires mais aussi à travers nos politiques de renforcement de la productivité agricole doivent nous permettre, entre autres domaines, en plus de l'habitat, d'être des moteurs de création d'emplois et de croissance. 

Vous avez été élu sur l'emploi au Sénégal, du moins cela ferait partie des motivations des électeurs. Que faites-vous pour trouver de l'emploi aux jeunes du Sénégal ? 

Dire que j'ai été élu pour l'emploi, je réponds non. Je ne crois pas que ça soit seulement pour l'emploi, même si c'est un problème important. Mais je pense que tous les jours, le plus dur de mon temps est consacré à la création de richesses et à la création d'emplois. Cela veut dire que nous créons les conditions du développement de l'investissement à la fois public et privé. L'investissement public, en améliorant le cadre de gestion budgétaire, en mettant plus de ressources sur l'investissement qui génère plus d'emplois. Mais aussi en améliorant le climat des affaires et attirer davantage d'investissements privés. C'est par l'entreprise que l'on crée l'emploi. Donc ça, c'est mon obsession. 

Mais aujourd'hui, cette obsession commence à donner les fruits puisque nous avons vu l'évolution des emplois tant publics que privés. Rien que sur le public, nous avons créé sur ces trois dernières années près de 60 mille emplois officiels. Cela veut dire que tout ce qui n'est pas signalé n'en fait pas partie. Et bien sûr l'emploi agricole n'est pas comptabilisé parce que nous n'avons pas des statistiques de ce point de vue. Donc, il faudra vraiment tout faire pour doper la part d'investissements et augmenter ainsi l'emploi des jeunes. Je suis optimiste quand on voit les projets qui sont aujourd'hui lancés et ceux qui vont démarrer incessamment. 

Mardi, dans deux jours, je vais lancer le Programme d'urgence de développement communautaire. C'est un projet de plus de 100 milliards entièrement financé par l'État que le PNUD va réaliser et qui va satisfaire un peu les demandes du monde rural. Et c'est autant d'emplois locaux qui vont être créés. Nous avons aussi les grands chantiers. "Ila Touba" va démarrer. C'est quand même 120 kilomètres d'autoroute et une grande niche d'emplois. Nous avons tous les programmes de voiries, etc. Je ne vais pas y revenir dans les détails. Mais tout le monde peut comprendre que le PSE est aussi la réponse à l'emploi et surtout à l'emploi des jeunes. C'est aussi une réponse à l'auto-emploi qui est une dimension essentielle. L'engagement que j'ai pris et que je renouvelle, c'est que nous ferons le maximum possible pour qu'il y ait davantage d'emplois pour la jeunesse de notre pays. 

La Chine, l'Allemagne, etc., ces grands pays qui tiennent l'économie mondiale ont misé sur le TPER, les PMI et les PME. Est-ce que dans votre politique, il est prévu d'encourager les PME et les PMI pour permettre de créer des emplois ? 

Vous avez raison de dire que la force du tissu économique allemand, c'est les PME-PMI. En Allemagne, vous avez très peu de grandes compagnies, de grandes firmes. Il y en a mais c'est moins de 4% à 6% du patronat allemand. Donc nous ne devons pas négliger les petits entrepreneurs ou les entrepreneurs moyens. C'est ce que vous faites en tant que directeurs de journaux ou éditeurs de presse. Vous avez des entreprises de presse avec 10, 15, 20 emplois. Imaginez si on avait 100 mille Sénégalais comme ça. Ce qui n'est pas énorme. Si chacun prenait 10 emplois ou 20 emplois, c'est un million d'emplois. 

Donc ce n'est pas dans des méga projets avec des milliards d'investissements qu'on va régler la question de l'emploi. Il faut faciliter l'épanouissement des PME, PMI. C'est la raison pour laquelle nous avons mis des instruments comme le FONGIP qui est un fonds de garantie qui intervient aujourd'hui dans beaucoup de secteurs, l'habitat, la microfinance, le financement de projets pour aider les micro-entrepreneurs à accéder aux crédits et à faire leurs activités. Dans le tourisme, vous avez également beaucoup de jeunes entrepreneurs ou des entrepreneurs moyens qui, avec des cabanons ou de petits hôtels ou de campements, peuvent également répondre aux besoins du tourisme mais aussi créer de l'emploi. Donc, c'est cette vision qu'il faut avoir. Ce n'est pas l'État qui va créer les emplois. L'État a quelques emplois de souveraineté, l'éducation, la santé, l'armée. 

Quand vous finissez ces secteurs, le reste, c'est vraiment marginal. Parce que les administrations utilisent très peu d'agents. Par conséquent, c'est vraiment l'auto-emploi, l'entrepreneuriat qu'il faut promouvoir. Je suis d'ailleurs heureux de saluer la dernière fois M. Tony Elumelu, grand homme du privé nigérian qui, à travers sa fondation, a mis 100 millions de dollars pour appuyer les jeunes entrepreneurs débutants. Récemment, il a sélectionné cinq Sénégalais, des jeunes qui ont des idées à qui la fondation donne 10 000 dollars, soit 5 à 6 millions, pour se lancer. Donc, on n'a pas besoin de gros capitaux pour débuter dans les affaires. 

Si l'on regarde le parcours de tous les milliardaires du monde, on se rend compte que la plupart sont partis de rien. Ce n'est pas le volume des capitaux qui est important pour réussir mais la pertinence du projet et la volonté j'allais dire le volontarisme du porteur de projet. En ce qui concerne le cadre environnemental qui l'accompagne, l'État est tout à fait disposé, à travers le Conseil Présidentiel de l'Investissement, à travailler pour voir comment contourner les obstacles qui peuvent se dresser sur le chemin des start-up. Nous sommes déjà en train de nous pencher sur la dématérialisation, de lutter contre les tracasseries administratives et de faciliter les financements des activités économiques… Travaillons d'arrache-pied pour le développement des PME et PMI. 

L'émergence, monsieur le Président, c'est également l'énergie, un secteur fondamental au développement de l'Afrique. Nous avons récemment vu monsieur Jean-Louis Borloo en parler un peu partout dans la presse et lors de rencontres de haut niveau… Qu'est-ce qu'on est aujourd'hui en droit d'attendre pour régler cette question essentielle ? 

La question énergétique a aujourd'hui le vent en poupe car, pour la première fois, il y a un consensus mondial. Il nous faut Å“uvrer pour le développement du secteur énergétique et cela, tout particulièrement sur le continent africain car, il n'est pas normal que l'Afrique soit le continent où l'énergie est la plus chère au monde en plus d'être la plus difficile d'accès parce que, jusque-là, les solutions mises en place ne sont pas des solutions d'échelle. Le problème, c'est que chacun des 54 États que compte le continent essaye aujourd'hui d'avoir ses solutions propres pour générer de l'énergie… Donc, certains usent de gasoil, d'autres de kérosène, d'autres encore de fuel… 

C'est rarement des barrages qui alimentent les centrales. Idem pour le gaz, qui est très peu utilisé… Il est temps que cela change et le G7 l'a compris car nous y avons porté ce combat. Aujourd'hui, nous allons vers la conférence de Paris sur le climat. Jean Louis Borloo est un homme très engagé qui pense qu'il est temps que nous saisissions l'opportunité de la Cap 21 pour crée, au niveau africain en tout cas, une institution ou une agence, peu importe, qui sera africaine, dirigée par les Africains et soit le réceptacle de ces ressources qui seront payées par les pays à la plus grosse empreinte en carbone. On estime que nous pourrons espérer capter en moyenne cinq milliards de dollars par an, une somme qui sera exclusivement consacrée à l'électrification du continent avec des énergies renouvelables. Ce projet, nous l'avons soutenu et l'Union africaine l'a endossé. 

Ne serait-ce pas un projet utopique ? 

Non, pas du tout. Nous sommes dans un monde globalisé où il y a des pollueurs qui sont les pays développés et, parmi eux, plus gros pollueurs encore : c'est la Chine, les USA et, plus généralement, les pays industrialisés. Ces derniers doivent, par solidarité, payer cette taxe sur le carbone en vertu du principe du pollueur-payeur car d'autres subissent les conséquences de leur pollution alors qu'ils ne polluent même pas du fait, parfois, de leur niveau de développement ou d'industrialisation qui ne le permet pas. Donc l'Afrique subit très concrètement les effets du changement climatique : du point de vue de l'environnement, il y a détérioration de nos écosystèmes. Nous le voyons avec la désertification des terres ou encore les inondations qui alternent avec des périodes de sécheresse… 

Et cela alors que l'Afrique ne pollue pas ! Il est donc logique que nous bénéficiions de ce fonds d'adaptation qui nous permettra, au moins, de régler les questions de l'énergie et de l'éclairage. Je pense, enfin, qu'au delà de la conférence sur le climat, il y a d'autres initiatives dont on peut tirer parti. Nous avons, par exemple, celle de Power Africa, soutenue par le Président Obama qui veut injecter 26 milliards de dollars sur le continent… Et nous lui avons suggéré de faire converger cela en un seul et même projet global pour l'électrification de l'Afrique. On négocie également avec d'autres partenaires. Disons que ce qu'il reste à faire, c'est harmoniser tout ça et le mettre directement en chantier, ce que nous essayons de concrétiser via le NEPAD et l'Union africaine. 

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