Qu’êtes-vous devenu après la Francophonie ?
Après la Francophonie, je retrouve mes fonctions de conseiller du chef de l’Etat et je m’acquitte de mes tâches de la manière la plus naturelle. La fonction de président du comité scientifique du 15ème sommet de la Francophonie était une fonction ad hoc, très passagère. J’en ai tiré une expérience très exaltante, mais aussi une satisfaction parce que, de l’avis de tous, ledit sommet a été un succès total.
Il faut en rendre hommage au président de la République qui avait soumis toutes les équipes à une pression extraordinaire tout en laissant à chacun le champ de l’initiative. Mais globalement, c’est cette pression qui a permis la clarté des objectifs et la maîtrise de la méthode de travail.
Vous dites un «succès total», mais il n’y a pas encore de bilan ?
De toutes les façons, un bilan sera tiré de la manière la plus claire. Mais en attendant, j’insiste sur ce succès total de notre pays au plan diplomatique et politique.
Ce n’est pas un peu lent que plus de 6 mois après qu’il n’y ait pas de bilan ?
Je ne sais pas ce que vous appelez bilan. Le seul bilan officiel, c’est le rapport des corps de contrôle sur la régularité des comptes et la conformité éventuellement des chantiers initiés dans ce cadre-là .
Est-ce qu’il est prévu une sorte d’audit comme il y en a eu dans le passé avec l’Anoci par exemple ?
Je crois que ce sont les fonctions tout à fait banales des corps de contrôle.
Certains disent que le régime actuel n’a qu’un seul bilan : le Centre de Conférence Abdou Diouf de Diamniadio. Que répondez-vous à cela ?
Je pense qu’il faut, à mon avis, dans toute chose, savoir raison garder. La démocratie est un système qui impose la liberté d’expression, mais qui ne donne pas droit forcément à la désinformation. Dire que c’est le seul bilan du régime est tout à fait exagéré. Il ne faudrait pas oublier que ce régime a deux ans et demi, voire trois ans.
Il serait donc démagogique et tout à fait irréaliste de dire qu’on peut changer radicalement les choses. Nous avons trouvé une situation très difficile pour le pays, tant du point de vue des finances publiques que sur le plan du comportement.
Tout le monde parlait d’un pays à l’envers qu’il fallait remettre à l’endroit. En deux ou trois ans, nous avons fait beaucoup de choses. Le Président a engagé un immense chantier social. On ne peut pas dire que la maîtrise de l’inflation est une chimère d’autant plus que de 2012 jusqu’à aujourd’hui, les prix à la consommation ont été maîtrisés globalement.
On ne peut pas dire que la baisse des impôts sur les salaires est une chimère parce que les travailleurs, dans tous les secteurs, l’ont vécue dans leurs bulletins de salaire. On ne peut pas dire que les premières initiatives avec la couverture maladie universelle sont des chimères.
Aujourd’hui les enfants de 0 à 5 ans se soignent gratuitement partout à travers le pays. On ne peut pas également dire que la politique des logements sociaux est une chimère parce que nous avons fait en 3 ans ce que l’ancien régime a fait pendant 12 ans, etc.
Donc, il faut qu’on sache raison garder. Main tenant, il y a des chantiers qui vont sortir de terre. C’est la deuxième Université de Dakar, l’Université du Sine Saloum de Kaolack, l’autoroute Ila Touba qui va commencer très bientôt, les financements étant bouclés et les accords signés avec les Chinois.
Ce bilan que vous faites suffira-t-il pour réélire Macky Sall en 2017 ?
Je ne suis pas en train de faire le bilan, mais le constat. Il y a toutes les initiatives qui sont en train d’être entreprises dans le domaine agricole, dans le secteur des infrastructures, de l’énergie et d’autres chantiers. Mais il faut reconnaître que nous faisons face à trois défis majeurs.
Le premier est qu’il faut prendre en charge l’héritage parce qu’il y a la continuité de l’Etat ; et cet héritage-là est lourd parce que c’est toute une culture qu’il faut remettre en cause. Ce qui est difficile, car il y a beaucoup de résistances, ne serait-ce que dans le champ de la bonne gouvernance, la sécurisation des ressources publiques.
Ensuite, il faut faire face aux défis ponctuels, aux urgences qui se traduisent par une sorte d’impatience populaire. Et je pense que les mesures d’ordre social que le Président a prises entrent dans ce cadre-là .
Il faut aussi relever le troisième défi en posant les jalons d’une transformation structurelle, les bases de l’économie sénégalaise dans le cadre du Plan Sénégal émergent qui est sur une génération, c’est-à -dire sur les 20 prochaines années évidemment.
Justement, ce rythme du Pse n’est-il pas lent ?
Le président de la République, lui-même, a dit que c’est lent parce que c’est la conjugaison de ces trois défis. Nous Sénégalais aussi, nous devons choisir entre la méthode révolutionnaire classique qui consiste à taper dur, à imposer immédiatement des réformes. Il y a des pays qui ont procédé ainsi.
Mais au bout du compte, c’est la démocratie qui a été remise en cause, même s’il y a des progrès économiques et sociaux. Seulement, ces progrès sont précaires parce qu’ils ne sont pas faits dans une dynamique de construction durable. Il faut faire attention.
L’autre méthode est de se dire qu’il faut passer par les réformes graduelles, mais qui permettent de remettre le pays à l’endroit, de reconstruire petit à petit sans remettre en cause les libertés individuelles, la démocratie, la liberté d’expression...
A votre avis quelle est la meilleure méthode ?
Moi je suis quand même un ancien Marxiste, mais pour autant je ne suis pas pour les méthodes violentes de résolution de contradictions. Je suis parfaitement en phase avec la méthode du Président qui consiste à faire des réformes graduelles, mais en profondeur, afin que toute la culture de gestion des affaires du pays change parce que c’est cela l’enjeu.
Et comme vous le savez, le changement d’une culture est assez lent parce que touchant à des fondamentaux, à des comportements, à des attitudes, à des aptitudes et à des habitudes ; donc à un ensemble de facteurs sociologiques et psychosociologiques.
Quand le Président prône une gestion vertueuse c’est pour que cela soit ancré dans la réalité sénégalaise au point qu’un autre régime ne vienne pas le remettre en cause. Regardez aux Etats-Unis, en France, ou ailleurs, il y a des fondamentaux que personne ne peut remettre en cause.
Sauf qu’il y a des lobbies qui font entrave à certaines réformes
Mais tout à fait. C’est pourquoi j’ai dit que le chemin de la réforme est très difficile parce que faisant face à des résistances. Alors le Président est en train de mettre en place des institutions de financement de notre économie pour ne pas reposer uniquement sur des ressources externes. Il s’agit de la Bnde, la réorientation de la Caisse de dépôt et de consignation qui répondent à l’investissement structurel de notre économie.
Mais est-ce que ce n’est pas décourageant quand Amath Dansokho dit que notre pays est en danger ?
Je pense que le débat s’est clarifié de lui-même. Je ne crois pas que le pays soit en danger et je ne crois pas non plus que Amath Danskho l’ait dit au sens où le Sénégal serait menacé à l’interne et à l’externe.
Il l’a quand même dit dans L’Observateur...
Oui, je vous rappelle que je suis journaliste. Donc je connais les petites phrases qu’on tire de leur contexte et qu’on met en épingle.
Dansokho estime que Benno bokk yaakaar n’a pas atteint ses objectifs...
Mais nous-mêmes nous n’avons pas encore atteint nos objectifs. N’oubliez pas que l’objectif stratégique de Macky Sall, c’est l’émergence du Sénégal.
Voulez-vous dire que ce que Dansokho a dit n’est pas méchant ?
Non, ce n’est pas méchant. Objectivement, les Socialistes ont fait 40 ans au pouvoir sans atteindre leurs objectifs, les Libéraux 12 ans au pouvoir sans y arriver. Et on veut que nous atteignions nos objectifs en deux ans.
Comment expliquez-vous alors les réactions de l’Apr contre Dansokho ?
Mais non, ça c’est le champ politique.
Cette sortie de Dansokho perturbe quand même la solidarité gouvernementale, non ?
Oui, ça arrive. Mais pour moi ce n’est pas un point décisif. Aujourd’hui toutes les composantes de Benno bokk yaakaar sans exclusive doivent s’unir et aller dans le même sens pour remettre ce pays à l’endroit et créer les conditions de son émergence. De ce point de vue, toutes les logiques d’intérêts partisans doivent être tempérées au profit de l’intérêt général.
Est-ce possible alors qu’il y ait des ambitions qui se dégagent dans certains partis comme le Parti socialiste ?
Mais attention, les ambitions, si tant est que nous sommes tous des patriotes et des démocrates, n’ont de sens que si elles sont pour le développement du pays. La seule ambition qui m’importe, c’est celle de l’émergence et de la lutte contre les inégalités et les injustices sociales.
Je me rappelle bien, quand il y a l’alternance, certains de nos camarades ont confectionné des listes pour un gouvernement et il n’y avait pratiquement que des gens de l’Apr. C’est le Président qui a tapé sur la table pour leur rappeler que le pays ne leur appartient pas.
Ça c’était un contexte qui le dictait, mais aujourd’hui nous allons vers une élection et il y a des partis qui veulent diriger le pays aussi...
Si je me fie au projet politique du Président, c’est une option stratégique que de gérer le pouvoir avec un ensemble de partis représentatifs des forces vives de la Nation. Les gouvernements d’union nationale du Président Diouf n’ont duré que quelques mois, le temps qu’un parti sorte pour préparer une élection, et avec Wade c’est un an seulement.
Mais ici, nous sommes ensemble depuis trois ans. Qu’est-ce qui se passait avant ? Quelqu’un critique et on le limoge du gouvernement.
Et là aussi, c’est une option stratégique pour le Président de ne pas «victimiser» ses alliés qui le critiquent...
Pas du tout ! C’est encore une fois une option stratégique du Président de gouverner ensemble...
Face à une réalité politique aussi...
Pas forcément la réalité politique. Nous pouvions former un gouvernement Apr.
L’Apr n’était pas encore un grand parti...
Ah si, l’Apr avait grandi. La preuve c’est qu’après le parti au pouvoir, le Pds, nous étions le premier.
Mais c’était avec une coalition, Macky2012...
Evidemment. Tous les autres aussi, c’était avec des coalitions y compris le parti au pouvoir.
Quelle analyse faites-vous des rapports entre l’Apr et ses alliés ?
C’est une alliance qui repose sur une option stratégique du président de la République. Ce n’est pas conjoncturel ; c’est un choix. La preuve, c’est que notre parti s’appelle Alliance pour la République.
Nous sommes dans le cadre d’une coalition primaire, c’est-à -dire Macky 2012, et dans le cadre de Benno bokk yaakaar qui a une longévité qui étonne, surprend. Donc, il y a beaucoup d’adversaires aujourd’hui qui pensent qu’il faut détruire cette coalition.
Une coalition qui est en train de prendre un sacré coup avec un Parti socialiste qui dit qu’il aura un candidat...
Mais, non ! A ma connaissance, le Ps n’a pas encore dit : «Voici mon candidat.»
Il aura un candidat...
Il aura un candidat. Et je souhaite que ce candidat soit le Président Macky Sall.
N’est-ce pas un rêve ?
Non, ce n’est pas un rêve et je peux le justifier politiquement.
Comment ?
Premièrement, je pense qu’aujourd’hui le Sénégal est dans une étape cruciale de son évolution. Un seul parti ou même une seule coalition de partis ne peut pas régler les problèmes de ce pays. Deuxièmement, le Sénégal, comme la plupart de nos pays en Afrique, est encore confronté à des questions de base : l’eau potable, l’électricité, des routes à l’intérieur du pays, des transports décents, un système de santé accessible qui soit également de qualité, etc.
Et vous n’avez pas entendu une seule fois ces problèmes-là posés en France ou aux Etats-Unis, c’est dépassé. C’est dire que les Socialistes sénégalais étaient confrontés aux fondamentaux pendant 40 ans, de même que les Libéraux pendant 12 ans.
Aujourd’hui, c’est nous qui sommes confrontés aux mêmes problèmes. Donc, que ce soient les Socialistes, les Communistes, les Libéraux, les Républicains..., ils seront confrontés à ces questions. Donc, il est nécessaire qu’on s’unisse pour régler ces problèmes-là .
Et comme nous avons la chance d’avoir une coalition qui a autant duré, autant continuer à se battre pour qu’elle survive, pour que les efforts et les réalisations du Président Macky Sall soient renforcés. Et cela, à mon avis, aurait justifié qu’on aille encore ensemble beaucoup plus loin.
Macky Sall ne fera au maximum que deux mandats. Donc, dans un régime ou le mandat est limité, si nous sommes d’accord sur les fondamentaux, une orientation stratégique, nous pouvons aller ensemble. Et moi, je crédite les Socialistes de ne pas être dans la précipitation.
Est-ce le cas ?
Je crois que jusqu’ici, ils ont dit qu’ils auront un candidat. Mais ils n’ont pas précisé que ce sera à l’intérieur ou à l’extérieur du Ps. Donc, créditons le Ps de sa longue expérience !
Ce qui est clair, c’est qu’ils auront un candidat face à Macky Sall.
Vous l’avez entendu ?
C’est bien cela. Certains Socialistes l’ont dit.
Ils ont dit : «Nous aurons un candidat.» Maintenant, si des structures marginales qui sont à l’extérieur des structures officielles du Ps le disent, mais ça les engage. En tout cas, Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Wilane, Khalifa Sall, Barthélemy Dias, etc., n’ont pas encore affirmé qu’ils auront un candidat face à Macky Sall.
Justement, vous avez été un homme de la Gauche. Quelle lecture faites-vous d’une éventuelle alliance entre les Socialises et les forces de la Gauche traditionnelle ?
C’est de bonne guerre que le Ps fasse appel à tout le monde. Mais aujourd’hui encore, personne d’entre eux n’a dit à cette Confédération de gauche de soutenir leur candidat ou d’être dans une coalition électorale. Et cette Confédération de gauche est composée de diverses sensibilités.
C’est vrai qu’ils incarnent ce que j’appelle «la gauche historique», mais aujourd’hui, objectivement, son allié stratégique, c’est le Président Macky Sall. Pourquoi ? Parce que la Gauche est dans une dynamique de lutte contre les inégalités et les injustices sociales avec tout ce que cela implique.
Comme les autres partis aussi, non ?
Pas forcément. La Gauche, dans son inspiration originelle, est dans la dynamique de lutte contre les inégalités et les injustices sociales ; le pôle républicain aussi. Et c’est marqué de la manière la plus explicite dans le Yoonu yokkuté d’alors comme dans le Pse. Tout l’enjeu, c’est la lutte contre les inégalités.
Les inégalités et les injustices sociales sont aussi l’identité des Socialistes...
Justement, raison de plus. C’est vrai qu’il y a eu des clivages réels entre le Socialisme sénégalais et la Gauche historique depuis les années 60. Mais l’un dans l’autre, nous partageons cette orientation stratégique. Donc, je pense que la Gauche historique trouve en nous des alliés stratégiques, de même que les Socialistes. Et même le bastion démocratique du Pds.
Est-ce un clin d’œil que vous faites-là pour des retrouvailles libérales ?
Non, c’est différent du concept de «retrouvailles». Les retrouvailles, ceux qui en ont parlé jusqu’ici, c’est dans une dynamique d’appareil. J’ai dit en septembre 2012 dans un article de contribution intitulé : «Où va Macky Sall ?» ceci : «Compte tenu de la situation du pays, des orientations de la nouvelle alternance politique, il est important que même les bastions démocratiques du Pds viennent dans la dynamique de reconstruction du pays.»
Vous faites allusion à qui ?
Je ne fais pas allusion à des individus quand je parle de bastion démocratique.
A quelle localité alors ?
A toutes les localités du pays. Il y a des bases du Pds les plus larges qui ont une conviction démocratique incontestable, qui avaient un idéal démocratique dans ce parti qui, malheureusement, est aujourd’hui caporalisé par une clique que j’appelle «putschiste, revancharde et affairiste».
Qui ?
Non, regardez la réalité.
Dites-nous.
Je n’ai pas à nommer qui que ce soit.
Que pensez-vous de ce front de l’opposition qui est en gestation et qui regroupe Idrissa Seck, Decroix, Baldé et autres ?
Est-ce que vous pouvez me dire honnêtement une seule proposition programmatique et relative à la vie des populations que ce front a proposée.
C’est ce qu’il tente de faire en s’alliant éventuellement pour proposer un projet de société...
Ils n’ont qu’à proposer et en ce moment, ce sera très intéressant.
Ce front n’est-il pas une menace pour Macky Sall ?
Non pas du tout !
Ce sont quand même de gros calibres ?
Quels gros calibres ? C’est vrai qu’il y a des leaders locaux qu’il ne faut pas surestimer parce qu’une seule voix peut faire basculer une élection. Nous sommes dans une politique des urnes où la dévolution du pouvoir s’obtient par le vote. Donc tout est important. Maintenant, c’est vrai qu’il y a mon ami Baldé à Ziguinchor, Idrissa Seck à Thiès et on verra la représentativité des uns et des autres.
Les dernières Locales sont déjà un baromètre ?
Oui, c’est un baromètre. Mais à Thiès par exemple, Idrissa Seck a énormément perdu pendant les Locales. En la matière, il y a beaucoup de mobilités et on attend les prochaines élections. Pour le moment, ils n’ont pas encore fait un seul énoncé relatif au vécu des populations. Donc, à mon avis, c’est une stratégie de survie.
Idrissa Seck a qualifié Macky Sall d’«incapable» et ça fait quand même bruit à l’Apr...
Je pense que Idrissa Seck est dans son rôle d’opposant. L’essentiel est que Macky Sall a posé un acte de rupture de fond avec Wade en construisant une nouvelle offre politique. Il a surclassé tout le monde et je le dis en toute courtoisie et si celui-là est incapable, on se demanderait qui est capable.
Nous avons lancé un immense chantier social réel. Si c’est encore cela être incapable, on se demande qui est capable. Un vaste programme d’autosuffisance en riz pour 2017 ; si ça c’est cela être incapable on se demande toujours qui est capable. L’autoroute Ila Touba qui est une véritable infrastructure de production...
Une autoroute dont on a posé la première pierre sans l’effectivité de son financement...
Il est maintenant bouclé et il faut dire qu’il y a des phases à suivre. Dans quelques jours les travaux vont démarrer.
Idrissa Seck vous a provoqué il y a quelques semaines à Matam. Quelle réponse allez-vous lui apporter ?
Nous avons au Sénégal véritablement une Nation, c’est-à -dire ce que Senghor appelait «une volonté commune de vivre ensemble». Nous avons la chance de ne pas avoir des clivages religieux, ethniques, régionaux. C’est dire que les leaders politiques peuvent aller où ils veulent.
Macky Sall n’était pas à l’intérieur du pays seulement pour quelques jours. C’est le seul leader politique à avoir fait au moins cinq fois le tour du Sénégal, systématiquement.
Voulez-vous dire que Idrissa Seck ne fait que suivre les pas de Macky Sall ?
Si c’est le cas, à partir de ce moment, je préfère l’original à la copie. (Rires)
Qui est l’original, qui est la copie ?
(Sourire) A votre avis ? Si Macky Sall est incapable, il ne faudrait pas donc faire comme lui. Vous nous dites que nous sommes incapables et vous faites comme nous.
Il ne peut pas faire ce que Macky Sall a fait ?
Non ! Je suis formel.
C’est quand même une première tournée nationale et il lui reste encore un an et demi...
Mais Macky Sall, même au pouvoir, est toujours à l’intérieur du pays. Il n’y a pas un seul chef d’Etat qui ait fait autant l’intérieur du pays en deux ans de pouvoir depuis Senghor.
On ne vous connaît pas une base politique. Vous militez où ?
Je suis un militant de l’Apr et fais partie de son noyau fondateur.
Oui, mais sans base politique...
Mais non, je n’ai pas cherché à en avoir.
Vous n’en voulez-pas ?
J’ai été à Matam au lendemain de l’alternance du 25 mars 2012 pour voir mes parents. Des militants et responsables du parti m’ont approché. Je leur ai dit que je ne vais pas me disputer le leadership parce que même si je suis membre fondateur, je ne suis jamais descendu sur le terrain. Donc, je ne vais pas attendre qu’on ait le pouvoir pour le faire. Toutefois, je descends de temps en temps à Matam pour encourager les jeunes, prôner l’unité des responsables autour du Président.
Maintenant, je suis responsable d’un groupe politique qui soutient le président de la République. C’est un mouvement national qui s’appelle République et émergence qui va d’ailleurs faire le lancement samedi (Ndlr : aujourd’hui).
Nous avons le soutien du président de la République. J’estime que chacun doit faire ce qu’il peut. Dans un parti politique, il y a des porteurs de voix au niveau local, des porteurs d’idées et des porteurs de capitaux.
Il y en a aussi qui incarnent ces trois profils. Moi, j’essaie de travailler pour que les intellectuels, les femmes et hommes de culture, les cadres de ce pays sachent que nous avons une responsabilité historique d’accompagner le Président dans la transformation des bases structurelles.
Le Quotidien’êtes-vous devenu après la Francophonie ?
Après la Francophonie, je retrouve mes fonctions de conseiller du chef de l’Etat et je m’acquitte de mes tâches de la manière la plus naturelle. La fonction de président du comité scientifique du 15ème sommet de la Francophonie était une fonction ad hoc, très passagère. J’en ai tiré une expérience très exaltante, mais aussi une satisfaction parce que, de l’avis de tous, ledit sommet a été un succès total.
Il faut en rendre hommage au président de la République qui avait soumis toutes les équipes à une pression extraordinaire tout en laissant à chacun le champ de l’initiative. Mais globalement, c’est cette pression qui a permis la clarté des objectifs et la maîtrise de la méthode de travail.
Vous dites un «succès total», mais il n’y a pas encore de bilan ?
De toutes les façons, un bilan sera tiré de la manière la plus claire. Mais en attendant, j’insiste sur ce succès total de notre pays au plan diplomatique et politique.
Ce n’est pas un peu lent que plus de 6 mois après qu’il n’y ait pas de bilan ?
Je ne sais pas ce que vous appelez bilan. Le seul bilan officiel, c’est le rapport des corps de contrôle sur la régularité des comptes et la conformité éventuellement des chantiers initiés dans ce cadre-là .
Est-ce qu’il est prévu une sorte d’audit comme il y en a eu dans le passé avec l’Anoci par exemple ?
Je crois que ce sont les fonctions tout à fait banales des corps de contrôle.
Certains disent que le régime actuel n’a qu’un seul bilan : le Centre de Conférence Abdou Diouf de Diamniadio. Que répondez-vous à cela ?
Je pense qu’il faut, à mon avis, dans toute chose, savoir raison garder. La démocratie est un système qui impose la liberté d’expression, mais qui ne donne pas droit forcément à la désinformation. Dire que c’est le seul bilan du régime est tout à fait exagéré. Il ne faudrait pas oublier que ce régime a deux ans et demi, voire trois ans.
Il serait donc démagogique et tout à fait irréaliste de dire qu’on peut changer radicalement les choses. Nous avons trouvé une situation très difficile pour le pays, tant du point de vue des finances publiques que sur le plan du comportement.
Tout le monde parlait d’un pays à l’envers qu’il fallait remettre à l’endroit. En deux ou trois ans, nous avons fait beaucoup de choses. Le Président a engagé un immense chantier social. On ne peut pas dire que la maîtrise de l’inflation est une chimère d’autant plus que de 2012 jusqu’à aujourd’hui, les prix à la consommation ont été maîtrisés globalement.
On ne peut pas dire que la baisse des impôts sur les salaires est une chimère parce que les travailleurs, dans tous les secteurs, l’ont vécue dans leurs bulletins de salaire. On ne peut pas dire que les premières initiatives avec la couverture maladie universelle sont des chimères.
Aujourd’hui les enfants de 0 à 5 ans se soignent gratuitement partout à travers le pays. On ne peut pas également dire que la politique des logements sociaux est une chimère parce que nous avons fait en 3 ans ce que l’ancien régime a fait pendant 12 ans, etc.
Donc, il faut qu’on sache raison garder. Main tenant, il y a des chantiers qui vont sortir de terre. C’est la deuxième Université de Dakar, l’Université du Sine Saloum de Kaolack, l’autoroute Ila Touba qui va commencer très bientôt, les financements étant bouclés et les accords signés avec les Chinois.
Ce bilan que vous faites suffira-t-il pour réélire Macky Sall en 2017 ?
Je ne suis pas en train de faire le bilan, mais le constat. Il y a toutes les initiatives qui sont en train d’être entreprises dans le domaine agricole, dans le secteur des infrastructures, de l’énergie et d’autres chantiers. Mais il faut reconnaître que nous faisons face à trois défis majeurs.
Le premier est qu’il faut prendre en charge l’héritage parce qu’il y a la continuité de l’Etat ; et cet héritage-là est lourd parce que c’est toute une culture qu’il faut remettre en cause. Ce qui est difficile, car il y a beaucoup de résistances, ne serait-ce que dans le champ de la bonne gouvernance, la sécurisation des ressources publiques.
Ensuite, il faut faire face aux défis ponctuels, aux urgences qui se traduisent par une sorte d’impatience populaire. Et je pense que les mesures d’ordre social que le Président a prises entrent dans ce cadre-là .
Il faut aussi relever le troisième défi en posant les jalons d’une transformation structurelle, les bases de l’économie sénégalaise dans le cadre du Plan Sénégal émergent qui est sur une génération, c’est-à -dire sur les 20 prochaines années évidemment.
Justement, ce rythme du Pse n’est-il pas lent ?
Le président de la République, lui-même, a dit que c’est lent parce que c’est la conjugaison de ces trois défis. Nous Sénégalais aussi, nous devons choisir entre la méthode révolutionnaire classique qui consiste à taper dur, à imposer immédiatement des réformes. Il y a des pays qui ont procédé ainsi.
Mais au bout du compte, c’est la démocratie qui a été remise en cause, même s’il y a des progrès économiques et sociaux. Seulement, ces progrès sont précaires parce qu’ils ne sont pas faits dans une dynamique de construction durable. Il faut faire attention.
L’autre méthode est de se dire qu’il faut passer par les réformes graduelles, mais qui permettent de remettre le pays à l’endroit, de reconstruire petit à petit sans remettre en cause les libertés individuelles, la démocratie, la liberté d’expression...
A votre avis quelle est la meilleure méthode ?
Moi je suis quand même un ancien Marxiste, mais pour autant je ne suis pas pour les méthodes violentes de résolution de contradictions. Je suis parfaitement en phase avec la méthode du Président qui consiste à faire des réformes graduelles, mais en profondeur, afin que toute la culture de gestion des affaires du pays change parce que c’est cela l’enjeu.
Et comme vous le savez, le changement d’une culture est assez lent parce que touchant à des fondamentaux, à des comportements, à des attitudes, à des aptitudes et à des habitudes ; donc à un ensemble de facteurs sociologiques et psychosociologiques.
Quand le Président prône une gestion vertueuse c’est pour que cela soit ancré dans la réalité sénégalaise au point qu’un autre régime ne vienne pas le remettre en cause. Regardez aux Etats-Unis, en France, ou ailleurs, il y a des fondamentaux que personne ne peut remettre en cause.
Sauf qu’il y a des lobbies qui font entrave à certaines réformes
Mais tout à fait. C’est pourquoi j’ai dit que le chemin de la réforme est très difficile parce que faisant face à des résistances. Alors le Président est en train de mettre en place des institutions de financement de notre économie pour ne pas reposer uniquement sur des ressources externes. Il s’agit de la Bnde, la réorientation de la Caisse de dépôt et de consignation qui répondent à l’investissement structurel de notre économie.
Mais est-ce que ce n’est pas décourageant quand Amath Dansokho dit que notre pays est en danger ?
Je pense que le débat s’est clarifié de lui-même. Je ne crois pas que le pays soit en danger et je ne crois pas non plus que Amath Danskho l’ait dit au sens où le Sénégal serait menacé à l’interne et à l’externe.
Il l’a quand même dit dans L’Observateur...
Oui, je vous rappelle que je suis journaliste. Donc je connais les petites phrases qu’on tire de leur contexte et qu’on met en épingle.
Dansokho estime que Benno bokk yaakaar n’a pas atteint ses objectifs...
Mais nous-mêmes nous n’avons pas encore atteint nos objectifs. N’oubliez pas que l’objectif stratégique de Macky Sall, c’est l’émergence du Sénégal.
Voulez-vous dire que ce que Dansokho a dit n’est pas méchant ?
Non, ce n’est pas méchant. Objectivement, les Socialistes ont fait 40 ans au pouvoir sans atteindre leurs objectifs, les Libéraux 12 ans au pouvoir sans y arriver. Et on veut que nous atteignions nos objectifs en deux ans.
Comment expliquez-vous alors les réactions de l’Apr contre Dansokho ?
Mais non, ça c’est le champ politique.
Cette sortie de Dansokho perturbe quand même la solidarité gouvernementale, non ?
Oui, ça arrive. Mais pour moi ce n’est pas un point décisif. Aujourd’hui toutes les composantes de Benno bokk yaakaar sans exclusive doivent s’unir et aller dans le même sens pour remettre ce pays à l’endroit et créer les conditions de son émergence. De ce point de vue, toutes les logiques d’intérêts partisans doivent être tempérées au profit de l’intérêt général.
Est-ce possible alors qu’il y ait des ambitions qui se dégagent dans certains partis comme le Parti socialiste ?
Mais attention, les ambitions, si tant est que nous sommes tous des patriotes et des démocrates, n’ont de sens que si elles sont pour le développement du pays. La seule ambition qui m’importe, c’est celle de l’émergence et de la lutte contre les inégalités et les injustices sociales.
Je me rappelle bien, quand il y a l’alternance, certains de nos camarades ont confectionné des listes pour un gouvernement et il n’y avait pratiquement que des gens de l’Apr. C’est le Président qui a tapé sur la table pour leur rappeler que le pays ne leur appartient pas.
Ça c’était un contexte qui le dictait, mais aujourd’hui nous allons vers une élection et il y a des partis qui veulent diriger le pays aussi...
Si je me fie au projet politique du Président, c’est une option stratégique que de gérer le pouvoir avec un ensemble de partis représentatifs des forces vives de la Nation. Les gouvernements d’union nationale du Président Diouf n’ont duré que quelques mois, le temps qu’un parti sorte pour préparer une élection, et avec Wade c’est un an seulement.
Mais ici, nous sommes ensemble depuis trois ans. Qu’est-ce qui se passait avant ? Quelqu’un critique et on le limoge du gouvernement.
Et là aussi, c’est une option stratégique pour le Président de ne pas «victimiser» ses alliés qui le critiquent...
Pas du tout ! C’est encore une fois une option stratégique du Président de gouverner ensemble...
Face à une réalité politique aussi...
Pas forcément la réalité politique. Nous pouvions former un gouvernement Apr.
L’Apr n’était pas encore un grand parti...
Ah si, l’Apr avait grandi. La preuve c’est qu’après le parti au pouvoir, le Pds, nous étions le premier.
Mais c’était avec une coalition, Macky2012...
Evidemment. Tous les autres aussi, c’était avec des coalitions y compris le parti au pouvoir.
Quelle analyse faites-vous des rapports entre l’Apr et ses alliés ?
C’est une alliance qui repose sur une option stratégique du président de la République. Ce n’est pas conjoncturel ; c’est un choix. La preuve, c’est que notre parti s’appelle Alliance pour la République.
Nous sommes dans le cadre d’une coalition primaire, c’est-à -dire Macky 2012, et dans le cadre de Benno bokk yaakaar qui a une longévité qui étonne, surprend. Donc, il y a beaucoup d’adversaires aujourd’hui qui pensent qu’il faut détruire cette coalition.
Une coalition qui est en train de prendre un sacré coup avec un Parti socialiste qui dit qu’il aura un candidat...
Mais, non ! A ma connaissance, le Ps n’a pas encore dit : «Voici mon candidat.»
Il aura un candidat...
Il aura un candidat. Et je souhaite que ce candidat soit le Président Macky Sall.
N’est-ce pas un rêve ?
Non, ce n’est pas un rêve et je peux le justifier politiquement.
Comment ?
Premièrement, je pense qu’aujourd’hui le Sénégal est dans une étape cruciale de son évolution. Un seul parti ou même une seule coalition de partis ne peut pas régler les problèmes de ce pays. Deuxièmement, le Sénégal, comme la plupart de nos pays en Afrique, est encore confronté à des questions de base : l’eau potable, l’électricité, des routes à l’intérieur du pays, des transports décents, un système de santé accessible qui soit également de qualité, etc.
Et vous n’avez pas entendu une seule fois ces problèmes-là posés en France ou aux Etats-Unis, c’est dépassé. C’est dire que les Socialistes sénégalais étaient confrontés aux fondamentaux pendant 40 ans, de même que les Libéraux pendant 12 ans.
Aujourd’hui, c’est nous qui sommes confrontés aux mêmes problèmes. Donc, que ce soient les Socialistes, les Communistes, les Libéraux, les Républicains..., ils seront confrontés à ces questions. Donc, il est nécessaire qu’on s’unisse pour régler ces problèmes-là .
Et comme nous avons la chance d’avoir une coalition qui a autant duré, autant continuer à se battre pour qu’elle survive, pour que les efforts et les réalisations du Président Macky Sall soient renforcés. Et cela, à mon avis, aurait justifié qu’on aille encore ensemble beaucoup plus loin.
Macky Sall ne fera au maximum que deux mandats. Donc, dans un régime ou le mandat est limité, si nous sommes d’accord sur les fondamentaux, une orientation stratégique, nous pouvons aller ensemble. Et moi, je crédite les Socialistes de ne pas être dans la précipitation.
Est-ce le cas ?
Je crois que jusqu’ici, ils ont dit qu’ils auront un candidat. Mais ils n’ont pas précisé que ce sera à l’intérieur ou à l’extérieur du Ps. Donc, créditons le Ps de sa longue expérience !
Ce qui est clair, c’est qu’ils auront un candidat face à Macky Sall.
Vous l’avez entendu ?
C’est bien cela. Certains Socialistes l’ont dit.
Ils ont dit : «Nous aurons un candidat.» Maintenant, si des structures marginales qui sont à l’extérieur des structures officielles du Ps le disent, mais ça les engage. En tout cas, Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Wilane, Khalifa Sall, Barthélemy Dias, etc., n’ont pas encore affirmé qu’ils auront un candidat face à Macky Sall.
Justement, vous avez été un homme de la Gauche. Quelle lecture faites-vous d’une éventuelle alliance entre les Socialises et les forces de la Gauche traditionnelle ?
C’est de bonne guerre que le Ps fasse appel à tout le monde. Mais aujourd’hui encore, personne d’entre eux n’a dit à cette Confédération de gauche de soutenir leur candidat ou d’être dans une coalition électorale. Et cette Confédération de gauche est composée de diverses sensibilités.
C’est vrai qu’ils incarnent ce que j’appelle «la gauche historique», mais aujourd’hui, objectivement, son allié stratégique, c’est le Président Macky Sall. Pourquoi ? Parce que la Gauche est dans une dynamique de lutte contre les inégalités et les injustices sociales avec tout ce que cela implique.
Comme les autres partis aussi, non ?
Pas forcément. La Gauche, dans son inspiration originelle, est dans la dynamique de lutte contre les inégalités et les injustices sociales ; le pôle républicain aussi. Et c’est marqué de la manière la plus explicite dans le Yoonu yokkuté d’alors comme dans le Pse. Tout l’enjeu, c’est la lutte contre les inégalités.
Les inégalités et les injustices sociales sont aussi l’identité des Socialistes...
Justement, raison de plus. C’est vrai qu’il y a eu des clivages réels entre le Socialisme sénégalais et la Gauche historique depuis les années 60. Mais l’un dans l’autre, nous partageons cette orientation stratégique. Donc, je pense que la Gauche historique trouve en nous des alliés stratégiques, de même que les Socialistes. Et même le bastion démocratique du Pds.
Est-ce un clin d’œil que vous faites-là pour des retrouvailles libérales ?
Non, c’est différent du concept de «retrouvailles». Les retrouvailles, ceux qui en ont parlé jusqu’ici, c’est dans une dynamique d’appareil. J’ai dit en septembre 2012 dans un article de contribution intitulé : «Où va Macky Sall ?» ceci : «Compte tenu de la situation du pays, des orientations de la nouvelle alternance politique, il est important que même les bastions démocratiques du Pds viennent dans la dynamique de reconstruction du pays.»
Vous faites allusion à qui ?
Je ne fais pas allusion à des individus quand je parle de bastion démocratique.
A quelle localité alors ?
A toutes les localités du pays. Il y a des bases du Pds les plus larges qui ont une conviction démocratique incontestable, qui avaient un idéal démocratique dans ce parti qui, malheureusement, est aujourd’hui caporalisé par une clique que j’appelle «putschiste, revancharde et affairiste».
Qui ?
Non, regardez la réalité.
Dites-nous.
Je n’ai pas à nommer qui que ce soit.
Que pensez-vous de ce front de l’opposition qui est en gestation et qui regroupe Idrissa Seck, Decroix, Baldé et autres ?
Est-ce que vous pouvez me dire honnêtement une seule proposition programmatique et relative à la vie des populations que ce front a proposée.
C’est ce qu’il tente de faire en s’alliant éventuellement pour proposer un projet de société...
Ils n’ont qu’à proposer et en ce moment, ce sera très intéressant.
Ce front n’est-il pas une menace pour Macky Sall ?
Non pas du tout !
Ce sont quand même de gros calibres ?
Quels gros calibres ? C’est vrai qu’il y a des leaders locaux qu’il ne faut pas surestimer parce qu’une seule voix peut faire basculer une élection. Nous sommes dans une politique des urnes où la dévolution du pouvoir s’obtient par le vote. Donc tout est important. Maintenant, c’est vrai qu’il y a mon ami Baldé à Ziguinchor, Idrissa Seck à Thiès et on verra la représentativité des uns et des autres.
Les dernières Locales sont déjà un baromètre ?
Oui, c’est un baromètre. Mais à Thiès par exemple, Idrissa Seck a énormément perdu pendant les Locales. En la matière, il y a beaucoup de mobilités et on attend les prochaines élections. Pour le moment, ils n’ont pas encore fait un seul énoncé relatif au vécu des populations. Donc, à mon avis, c’est une stratégie de survie.
Idrissa Seck a qualifié Macky Sall d’«incapable» et ça fait quand même bruit à l’Apr...
Je pense que Idrissa Seck est dans son rôle d’opposant. L’essentiel est que Macky Sall a posé un acte de rupture de fond avec Wade en construisant une nouvelle offre politique. Il a surclassé tout le monde et je le dis en toute courtoisie et si celui-là est incapable, on se demanderait qui est capable.
Nous avons lancé un immense chantier social réel. Si c’est encore cela être incapable, on se demande qui est capable. Un vaste programme d’autosuffisance en riz pour 2017 ; si ça c’est cela être incapable on se demande toujours qui est capable. L’autoroute Ila Touba qui est une véritable infrastructure de production...
Une autoroute dont on a posé la première pierre sans l’effectivité de son financement...
Il est maintenant bouclé et il faut dire qu’il y a des phases à suivre. Dans quelques jours les travaux vont démarrer.
Idrissa Seck vous a provoqué il y a quelques semaines à Matam. Quelle réponse allez-vous lui apporter ?
Nous avons au Sénégal véritablement une Nation, c’est-à -dire ce que Senghor appelait «une volonté commune de vivre ensemble». Nous avons la chance de ne pas avoir des clivages religieux, ethniques, régionaux. C’est dire que les leaders politiques peuvent aller où ils veulent.
Macky Sall n’était pas à l’intérieur du pays seulement pour quelques jours. C’est le seul leader politique à avoir fait au moins cinq fois le tour du Sénégal, systématiquement.
Voulez-vous dire que Idrissa Seck ne fait que suivre les pas de Macky Sall ?
Si c’est le cas, à partir de ce moment, je préfère l’original à la copie. (Rires)
Qui est l’original, qui est la copie ?
(Sourire) A votre avis ? Si Macky Sall est incapable, il ne faudrait pas donc faire comme lui. Vous nous dites que nous sommes incapables et vous faites comme nous.
Il ne peut pas faire ce que Macky Sall a fait ?
Non ! Je suis formel.
C’est quand même une première tournée nationale et il lui reste encore un an et demi...
Mais Macky Sall, même au pouvoir, est toujours à l’intérieur du pays. Il n’y a pas un seul chef d’Etat qui ait fait autant l’intérieur du pays en deux ans de pouvoir depuis Senghor.
On ne vous connaît pas une base politique. Vous militez où ?
Je suis un militant de l’Apr et fais partie de son noyau fondateur.
Oui, mais sans base politique...
Mais non, je n’ai pas cherché à en avoir.
Vous n’en voulez-pas ?
J’ai été à Matam au lendemain de l’alternance du 25 mars 2012 pour voir mes parents. Des militants et responsables du parti m’ont approché. Je leur ai dit que je ne vais pas me disputer le leadership parce que même si je suis membre fondateur, je ne suis jamais descendu sur le terrain. Donc, je ne vais pas attendre qu’on ait le pouvoir pour le faire. Toutefois, je descends de temps en temps à Matam pour encourager les jeunes, prôner l’unité des responsables autour du Président.
Maintenant, je suis responsable d’un groupe politique qui soutient le président de la République. C’est un mouvement national qui s’appelle République et émergence qui va d’ailleurs faire le lancement samedi (Ndlr : aujourd’hui).
Nous avons le soutien du président de la République. J’estime que chacun doit faire ce qu’il peut. Dans un parti politique, il y a des porteurs de voix au niveau local, des porteurs d’idées et des porteurs de capitaux.
Il y en a aussi qui incarnent ces trois profils. Moi, j’essaie de travailler pour que les intellectuels, les femmes et hommes de culture, les cadres de ce pays sachent que nous avons une responsabilité historique d’accompagner le Président dans la transformation des bases structurelles.
Le Quotidien
Après la Francophonie, je retrouve mes fonctions de conseiller du chef de l’Etat et je m’acquitte de mes tâches de la manière la plus naturelle. La fonction de président du comité scientifique du 15ème sommet de la Francophonie était une fonction ad hoc, très passagère. J’en ai tiré une expérience très exaltante, mais aussi une satisfaction parce que, de l’avis de tous, ledit sommet a été un succès total.
Il faut en rendre hommage au président de la République qui avait soumis toutes les équipes à une pression extraordinaire tout en laissant à chacun le champ de l’initiative. Mais globalement, c’est cette pression qui a permis la clarté des objectifs et la maîtrise de la méthode de travail.
Vous dites un «succès total», mais il n’y a pas encore de bilan ?
De toutes les façons, un bilan sera tiré de la manière la plus claire. Mais en attendant, j’insiste sur ce succès total de notre pays au plan diplomatique et politique.
Ce n’est pas un peu lent que plus de 6 mois après qu’il n’y ait pas de bilan ?
Je ne sais pas ce que vous appelez bilan. Le seul bilan officiel, c’est le rapport des corps de contrôle sur la régularité des comptes et la conformité éventuellement des chantiers initiés dans ce cadre-là .
Est-ce qu’il est prévu une sorte d’audit comme il y en a eu dans le passé avec l’Anoci par exemple ?
Je crois que ce sont les fonctions tout à fait banales des corps de contrôle.
Certains disent que le régime actuel n’a qu’un seul bilan : le Centre de Conférence Abdou Diouf de Diamniadio. Que répondez-vous à cela ?
Je pense qu’il faut, à mon avis, dans toute chose, savoir raison garder. La démocratie est un système qui impose la liberté d’expression, mais qui ne donne pas droit forcément à la désinformation. Dire que c’est le seul bilan du régime est tout à fait exagéré. Il ne faudrait pas oublier que ce régime a deux ans et demi, voire trois ans.
Il serait donc démagogique et tout à fait irréaliste de dire qu’on peut changer radicalement les choses. Nous avons trouvé une situation très difficile pour le pays, tant du point de vue des finances publiques que sur le plan du comportement.
Tout le monde parlait d’un pays à l’envers qu’il fallait remettre à l’endroit. En deux ou trois ans, nous avons fait beaucoup de choses. Le Président a engagé un immense chantier social. On ne peut pas dire que la maîtrise de l’inflation est une chimère d’autant plus que de 2012 jusqu’à aujourd’hui, les prix à la consommation ont été maîtrisés globalement.
On ne peut pas dire que la baisse des impôts sur les salaires est une chimère parce que les travailleurs, dans tous les secteurs, l’ont vécue dans leurs bulletins de salaire. On ne peut pas dire que les premières initiatives avec la couverture maladie universelle sont des chimères.
Aujourd’hui les enfants de 0 à 5 ans se soignent gratuitement partout à travers le pays. On ne peut pas également dire que la politique des logements sociaux est une chimère parce que nous avons fait en 3 ans ce que l’ancien régime a fait pendant 12 ans, etc.
Donc, il faut qu’on sache raison garder. Main tenant, il y a des chantiers qui vont sortir de terre. C’est la deuxième Université de Dakar, l’Université du Sine Saloum de Kaolack, l’autoroute Ila Touba qui va commencer très bientôt, les financements étant bouclés et les accords signés avec les Chinois.
Ce bilan que vous faites suffira-t-il pour réélire Macky Sall en 2017 ?
Je ne suis pas en train de faire le bilan, mais le constat. Il y a toutes les initiatives qui sont en train d’être entreprises dans le domaine agricole, dans le secteur des infrastructures, de l’énergie et d’autres chantiers. Mais il faut reconnaître que nous faisons face à trois défis majeurs.
Le premier est qu’il faut prendre en charge l’héritage parce qu’il y a la continuité de l’Etat ; et cet héritage-là est lourd parce que c’est toute une culture qu’il faut remettre en cause. Ce qui est difficile, car il y a beaucoup de résistances, ne serait-ce que dans le champ de la bonne gouvernance, la sécurisation des ressources publiques.
Ensuite, il faut faire face aux défis ponctuels, aux urgences qui se traduisent par une sorte d’impatience populaire. Et je pense que les mesures d’ordre social que le Président a prises entrent dans ce cadre-là .
Il faut aussi relever le troisième défi en posant les jalons d’une transformation structurelle, les bases de l’économie sénégalaise dans le cadre du Plan Sénégal émergent qui est sur une génération, c’est-à -dire sur les 20 prochaines années évidemment.
Justement, ce rythme du Pse n’est-il pas lent ?
Le président de la République, lui-même, a dit que c’est lent parce que c’est la conjugaison de ces trois défis. Nous Sénégalais aussi, nous devons choisir entre la méthode révolutionnaire classique qui consiste à taper dur, à imposer immédiatement des réformes. Il y a des pays qui ont procédé ainsi.
Mais au bout du compte, c’est la démocratie qui a été remise en cause, même s’il y a des progrès économiques et sociaux. Seulement, ces progrès sont précaires parce qu’ils ne sont pas faits dans une dynamique de construction durable. Il faut faire attention.
L’autre méthode est de se dire qu’il faut passer par les réformes graduelles, mais qui permettent de remettre le pays à l’endroit, de reconstruire petit à petit sans remettre en cause les libertés individuelles, la démocratie, la liberté d’expression...
A votre avis quelle est la meilleure méthode ?
Moi je suis quand même un ancien Marxiste, mais pour autant je ne suis pas pour les méthodes violentes de résolution de contradictions. Je suis parfaitement en phase avec la méthode du Président qui consiste à faire des réformes graduelles, mais en profondeur, afin que toute la culture de gestion des affaires du pays change parce que c’est cela l’enjeu.
Et comme vous le savez, le changement d’une culture est assez lent parce que touchant à des fondamentaux, à des comportements, à des attitudes, à des aptitudes et à des habitudes ; donc à un ensemble de facteurs sociologiques et psychosociologiques.
Quand le Président prône une gestion vertueuse c’est pour que cela soit ancré dans la réalité sénégalaise au point qu’un autre régime ne vienne pas le remettre en cause. Regardez aux Etats-Unis, en France, ou ailleurs, il y a des fondamentaux que personne ne peut remettre en cause.
Sauf qu’il y a des lobbies qui font entrave à certaines réformes
Mais tout à fait. C’est pourquoi j’ai dit que le chemin de la réforme est très difficile parce que faisant face à des résistances. Alors le Président est en train de mettre en place des institutions de financement de notre économie pour ne pas reposer uniquement sur des ressources externes. Il s’agit de la Bnde, la réorientation de la Caisse de dépôt et de consignation qui répondent à l’investissement structurel de notre économie.
Mais est-ce que ce n’est pas décourageant quand Amath Dansokho dit que notre pays est en danger ?
Je pense que le débat s’est clarifié de lui-même. Je ne crois pas que le pays soit en danger et je ne crois pas non plus que Amath Danskho l’ait dit au sens où le Sénégal serait menacé à l’interne et à l’externe.
Il l’a quand même dit dans L’Observateur...
Oui, je vous rappelle que je suis journaliste. Donc je connais les petites phrases qu’on tire de leur contexte et qu’on met en épingle.
Dansokho estime que Benno bokk yaakaar n’a pas atteint ses objectifs...
Mais nous-mêmes nous n’avons pas encore atteint nos objectifs. N’oubliez pas que l’objectif stratégique de Macky Sall, c’est l’émergence du Sénégal.
Voulez-vous dire que ce que Dansokho a dit n’est pas méchant ?
Non, ce n’est pas méchant. Objectivement, les Socialistes ont fait 40 ans au pouvoir sans atteindre leurs objectifs, les Libéraux 12 ans au pouvoir sans y arriver. Et on veut que nous atteignions nos objectifs en deux ans.
Comment expliquez-vous alors les réactions de l’Apr contre Dansokho ?
Mais non, ça c’est le champ politique.
Cette sortie de Dansokho perturbe quand même la solidarité gouvernementale, non ?
Oui, ça arrive. Mais pour moi ce n’est pas un point décisif. Aujourd’hui toutes les composantes de Benno bokk yaakaar sans exclusive doivent s’unir et aller dans le même sens pour remettre ce pays à l’endroit et créer les conditions de son émergence. De ce point de vue, toutes les logiques d’intérêts partisans doivent être tempérées au profit de l’intérêt général.
Est-ce possible alors qu’il y ait des ambitions qui se dégagent dans certains partis comme le Parti socialiste ?
Mais attention, les ambitions, si tant est que nous sommes tous des patriotes et des démocrates, n’ont de sens que si elles sont pour le développement du pays. La seule ambition qui m’importe, c’est celle de l’émergence et de la lutte contre les inégalités et les injustices sociales.
Je me rappelle bien, quand il y a l’alternance, certains de nos camarades ont confectionné des listes pour un gouvernement et il n’y avait pratiquement que des gens de l’Apr. C’est le Président qui a tapé sur la table pour leur rappeler que le pays ne leur appartient pas.
Ça c’était un contexte qui le dictait, mais aujourd’hui nous allons vers une élection et il y a des partis qui veulent diriger le pays aussi...
Si je me fie au projet politique du Président, c’est une option stratégique que de gérer le pouvoir avec un ensemble de partis représentatifs des forces vives de la Nation. Les gouvernements d’union nationale du Président Diouf n’ont duré que quelques mois, le temps qu’un parti sorte pour préparer une élection, et avec Wade c’est un an seulement.
Mais ici, nous sommes ensemble depuis trois ans. Qu’est-ce qui se passait avant ? Quelqu’un critique et on le limoge du gouvernement.
Et là aussi, c’est une option stratégique pour le Président de ne pas «victimiser» ses alliés qui le critiquent...
Pas du tout ! C’est encore une fois une option stratégique du Président de gouverner ensemble...
Face à une réalité politique aussi...
Pas forcément la réalité politique. Nous pouvions former un gouvernement Apr.
L’Apr n’était pas encore un grand parti...
Ah si, l’Apr avait grandi. La preuve c’est qu’après le parti au pouvoir, le Pds, nous étions le premier.
Mais c’était avec une coalition, Macky2012...
Evidemment. Tous les autres aussi, c’était avec des coalitions y compris le parti au pouvoir.
Quelle analyse faites-vous des rapports entre l’Apr et ses alliés ?
C’est une alliance qui repose sur une option stratégique du président de la République. Ce n’est pas conjoncturel ; c’est un choix. La preuve, c’est que notre parti s’appelle Alliance pour la République.
Nous sommes dans le cadre d’une coalition primaire, c’est-à -dire Macky 2012, et dans le cadre de Benno bokk yaakaar qui a une longévité qui étonne, surprend. Donc, il y a beaucoup d’adversaires aujourd’hui qui pensent qu’il faut détruire cette coalition.
Une coalition qui est en train de prendre un sacré coup avec un Parti socialiste qui dit qu’il aura un candidat...
Mais, non ! A ma connaissance, le Ps n’a pas encore dit : «Voici mon candidat.»
Il aura un candidat...
Il aura un candidat. Et je souhaite que ce candidat soit le Président Macky Sall.
N’est-ce pas un rêve ?
Non, ce n’est pas un rêve et je peux le justifier politiquement.
Comment ?
Premièrement, je pense qu’aujourd’hui le Sénégal est dans une étape cruciale de son évolution. Un seul parti ou même une seule coalition de partis ne peut pas régler les problèmes de ce pays. Deuxièmement, le Sénégal, comme la plupart de nos pays en Afrique, est encore confronté à des questions de base : l’eau potable, l’électricité, des routes à l’intérieur du pays, des transports décents, un système de santé accessible qui soit également de qualité, etc.
Et vous n’avez pas entendu une seule fois ces problèmes-là posés en France ou aux Etats-Unis, c’est dépassé. C’est dire que les Socialistes sénégalais étaient confrontés aux fondamentaux pendant 40 ans, de même que les Libéraux pendant 12 ans.
Aujourd’hui, c’est nous qui sommes confrontés aux mêmes problèmes. Donc, que ce soient les Socialistes, les Communistes, les Libéraux, les Républicains..., ils seront confrontés à ces questions. Donc, il est nécessaire qu’on s’unisse pour régler ces problèmes-là .
Et comme nous avons la chance d’avoir une coalition qui a autant duré, autant continuer à se battre pour qu’elle survive, pour que les efforts et les réalisations du Président Macky Sall soient renforcés. Et cela, à mon avis, aurait justifié qu’on aille encore ensemble beaucoup plus loin.
Macky Sall ne fera au maximum que deux mandats. Donc, dans un régime ou le mandat est limité, si nous sommes d’accord sur les fondamentaux, une orientation stratégique, nous pouvons aller ensemble. Et moi, je crédite les Socialistes de ne pas être dans la précipitation.
Est-ce le cas ?
Je crois que jusqu’ici, ils ont dit qu’ils auront un candidat. Mais ils n’ont pas précisé que ce sera à l’intérieur ou à l’extérieur du Ps. Donc, créditons le Ps de sa longue expérience !
Ce qui est clair, c’est qu’ils auront un candidat face à Macky Sall.
Vous l’avez entendu ?
C’est bien cela. Certains Socialistes l’ont dit.
Ils ont dit : «Nous aurons un candidat.» Maintenant, si des structures marginales qui sont à l’extérieur des structures officielles du Ps le disent, mais ça les engage. En tout cas, Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Wilane, Khalifa Sall, Barthélemy Dias, etc., n’ont pas encore affirmé qu’ils auront un candidat face à Macky Sall.
Justement, vous avez été un homme de la Gauche. Quelle lecture faites-vous d’une éventuelle alliance entre les Socialises et les forces de la Gauche traditionnelle ?
C’est de bonne guerre que le Ps fasse appel à tout le monde. Mais aujourd’hui encore, personne d’entre eux n’a dit à cette Confédération de gauche de soutenir leur candidat ou d’être dans une coalition électorale. Et cette Confédération de gauche est composée de diverses sensibilités.
C’est vrai qu’ils incarnent ce que j’appelle «la gauche historique», mais aujourd’hui, objectivement, son allié stratégique, c’est le Président Macky Sall. Pourquoi ? Parce que la Gauche est dans une dynamique de lutte contre les inégalités et les injustices sociales avec tout ce que cela implique.
Comme les autres partis aussi, non ?
Pas forcément. La Gauche, dans son inspiration originelle, est dans la dynamique de lutte contre les inégalités et les injustices sociales ; le pôle républicain aussi. Et c’est marqué de la manière la plus explicite dans le Yoonu yokkuté d’alors comme dans le Pse. Tout l’enjeu, c’est la lutte contre les inégalités.
Les inégalités et les injustices sociales sont aussi l’identité des Socialistes...
Justement, raison de plus. C’est vrai qu’il y a eu des clivages réels entre le Socialisme sénégalais et la Gauche historique depuis les années 60. Mais l’un dans l’autre, nous partageons cette orientation stratégique. Donc, je pense que la Gauche historique trouve en nous des alliés stratégiques, de même que les Socialistes. Et même le bastion démocratique du Pds.
Est-ce un clin d’œil que vous faites-là pour des retrouvailles libérales ?
Non, c’est différent du concept de «retrouvailles». Les retrouvailles, ceux qui en ont parlé jusqu’ici, c’est dans une dynamique d’appareil. J’ai dit en septembre 2012 dans un article de contribution intitulé : «Où va Macky Sall ?» ceci : «Compte tenu de la situation du pays, des orientations de la nouvelle alternance politique, il est important que même les bastions démocratiques du Pds viennent dans la dynamique de reconstruction du pays.»
Vous faites allusion à qui ?
Je ne fais pas allusion à des individus quand je parle de bastion démocratique.
A quelle localité alors ?
A toutes les localités du pays. Il y a des bases du Pds les plus larges qui ont une conviction démocratique incontestable, qui avaient un idéal démocratique dans ce parti qui, malheureusement, est aujourd’hui caporalisé par une clique que j’appelle «putschiste, revancharde et affairiste».
Qui ?
Non, regardez la réalité.
Dites-nous.
Je n’ai pas à nommer qui que ce soit.
Que pensez-vous de ce front de l’opposition qui est en gestation et qui regroupe Idrissa Seck, Decroix, Baldé et autres ?
Est-ce que vous pouvez me dire honnêtement une seule proposition programmatique et relative à la vie des populations que ce front a proposée.
C’est ce qu’il tente de faire en s’alliant éventuellement pour proposer un projet de société...
Ils n’ont qu’à proposer et en ce moment, ce sera très intéressant.
Ce front n’est-il pas une menace pour Macky Sall ?
Non pas du tout !
Ce sont quand même de gros calibres ?
Quels gros calibres ? C’est vrai qu’il y a des leaders locaux qu’il ne faut pas surestimer parce qu’une seule voix peut faire basculer une élection. Nous sommes dans une politique des urnes où la dévolution du pouvoir s’obtient par le vote. Donc tout est important. Maintenant, c’est vrai qu’il y a mon ami Baldé à Ziguinchor, Idrissa Seck à Thiès et on verra la représentativité des uns et des autres.
Les dernières Locales sont déjà un baromètre ?
Oui, c’est un baromètre. Mais à Thiès par exemple, Idrissa Seck a énormément perdu pendant les Locales. En la matière, il y a beaucoup de mobilités et on attend les prochaines élections. Pour le moment, ils n’ont pas encore fait un seul énoncé relatif au vécu des populations. Donc, à mon avis, c’est une stratégie de survie.
Idrissa Seck a qualifié Macky Sall d’«incapable» et ça fait quand même bruit à l’Apr...
Je pense que Idrissa Seck est dans son rôle d’opposant. L’essentiel est que Macky Sall a posé un acte de rupture de fond avec Wade en construisant une nouvelle offre politique. Il a surclassé tout le monde et je le dis en toute courtoisie et si celui-là est incapable, on se demanderait qui est capable.
Nous avons lancé un immense chantier social réel. Si c’est encore cela être incapable, on se demande qui est capable. Un vaste programme d’autosuffisance en riz pour 2017 ; si ça c’est cela être incapable on se demande toujours qui est capable. L’autoroute Ila Touba qui est une véritable infrastructure de production...
Une autoroute dont on a posé la première pierre sans l’effectivité de son financement...
Il est maintenant bouclé et il faut dire qu’il y a des phases à suivre. Dans quelques jours les travaux vont démarrer.
Idrissa Seck vous a provoqué il y a quelques semaines à Matam. Quelle réponse allez-vous lui apporter ?
Nous avons au Sénégal véritablement une Nation, c’est-à -dire ce que Senghor appelait «une volonté commune de vivre ensemble». Nous avons la chance de ne pas avoir des clivages religieux, ethniques, régionaux. C’est dire que les leaders politiques peuvent aller où ils veulent.
Macky Sall n’était pas à l’intérieur du pays seulement pour quelques jours. C’est le seul leader politique à avoir fait au moins cinq fois le tour du Sénégal, systématiquement.
Voulez-vous dire que Idrissa Seck ne fait que suivre les pas de Macky Sall ?
Si c’est le cas, à partir de ce moment, je préfère l’original à la copie. (Rires)
Qui est l’original, qui est la copie ?
(Sourire) A votre avis ? Si Macky Sall est incapable, il ne faudrait pas donc faire comme lui. Vous nous dites que nous sommes incapables et vous faites comme nous.
Il ne peut pas faire ce que Macky Sall a fait ?
Non ! Je suis formel.
C’est quand même une première tournée nationale et il lui reste encore un an et demi...
Mais Macky Sall, même au pouvoir, est toujours à l’intérieur du pays. Il n’y a pas un seul chef d’Etat qui ait fait autant l’intérieur du pays en deux ans de pouvoir depuis Senghor.
On ne vous connaît pas une base politique. Vous militez où ?
Je suis un militant de l’Apr et fais partie de son noyau fondateur.
Oui, mais sans base politique...
Mais non, je n’ai pas cherché à en avoir.
Vous n’en voulez-pas ?
J’ai été à Matam au lendemain de l’alternance du 25 mars 2012 pour voir mes parents. Des militants et responsables du parti m’ont approché. Je leur ai dit que je ne vais pas me disputer le leadership parce que même si je suis membre fondateur, je ne suis jamais descendu sur le terrain. Donc, je ne vais pas attendre qu’on ait le pouvoir pour le faire. Toutefois, je descends de temps en temps à Matam pour encourager les jeunes, prôner l’unité des responsables autour du Président.
Maintenant, je suis responsable d’un groupe politique qui soutient le président de la République. C’est un mouvement national qui s’appelle République et émergence qui va d’ailleurs faire le lancement samedi (Ndlr : aujourd’hui).
Nous avons le soutien du président de la République. J’estime que chacun doit faire ce qu’il peut. Dans un parti politique, il y a des porteurs de voix au niveau local, des porteurs d’idées et des porteurs de capitaux.
Il y en a aussi qui incarnent ces trois profils. Moi, j’essaie de travailler pour que les intellectuels, les femmes et hommes de culture, les cadres de ce pays sachent que nous avons une responsabilité historique d’accompagner le Président dans la transformation des bases structurelles.
Le Quotidien’êtes-vous devenu après la Francophonie ?
Après la Francophonie, je retrouve mes fonctions de conseiller du chef de l’Etat et je m’acquitte de mes tâches de la manière la plus naturelle. La fonction de président du comité scientifique du 15ème sommet de la Francophonie était une fonction ad hoc, très passagère. J’en ai tiré une expérience très exaltante, mais aussi une satisfaction parce que, de l’avis de tous, ledit sommet a été un succès total.
Il faut en rendre hommage au président de la République qui avait soumis toutes les équipes à une pression extraordinaire tout en laissant à chacun le champ de l’initiative. Mais globalement, c’est cette pression qui a permis la clarté des objectifs et la maîtrise de la méthode de travail.
Vous dites un «succès total», mais il n’y a pas encore de bilan ?
De toutes les façons, un bilan sera tiré de la manière la plus claire. Mais en attendant, j’insiste sur ce succès total de notre pays au plan diplomatique et politique.
Ce n’est pas un peu lent que plus de 6 mois après qu’il n’y ait pas de bilan ?
Je ne sais pas ce que vous appelez bilan. Le seul bilan officiel, c’est le rapport des corps de contrôle sur la régularité des comptes et la conformité éventuellement des chantiers initiés dans ce cadre-là .
Est-ce qu’il est prévu une sorte d’audit comme il y en a eu dans le passé avec l’Anoci par exemple ?
Je crois que ce sont les fonctions tout à fait banales des corps de contrôle.
Certains disent que le régime actuel n’a qu’un seul bilan : le Centre de Conférence Abdou Diouf de Diamniadio. Que répondez-vous à cela ?
Je pense qu’il faut, à mon avis, dans toute chose, savoir raison garder. La démocratie est un système qui impose la liberté d’expression, mais qui ne donne pas droit forcément à la désinformation. Dire que c’est le seul bilan du régime est tout à fait exagéré. Il ne faudrait pas oublier que ce régime a deux ans et demi, voire trois ans.
Il serait donc démagogique et tout à fait irréaliste de dire qu’on peut changer radicalement les choses. Nous avons trouvé une situation très difficile pour le pays, tant du point de vue des finances publiques que sur le plan du comportement.
Tout le monde parlait d’un pays à l’envers qu’il fallait remettre à l’endroit. En deux ou trois ans, nous avons fait beaucoup de choses. Le Président a engagé un immense chantier social. On ne peut pas dire que la maîtrise de l’inflation est une chimère d’autant plus que de 2012 jusqu’à aujourd’hui, les prix à la consommation ont été maîtrisés globalement.
On ne peut pas dire que la baisse des impôts sur les salaires est une chimère parce que les travailleurs, dans tous les secteurs, l’ont vécue dans leurs bulletins de salaire. On ne peut pas dire que les premières initiatives avec la couverture maladie universelle sont des chimères.
Aujourd’hui les enfants de 0 à 5 ans se soignent gratuitement partout à travers le pays. On ne peut pas également dire que la politique des logements sociaux est une chimère parce que nous avons fait en 3 ans ce que l’ancien régime a fait pendant 12 ans, etc.
Donc, il faut qu’on sache raison garder. Main tenant, il y a des chantiers qui vont sortir de terre. C’est la deuxième Université de Dakar, l’Université du Sine Saloum de Kaolack, l’autoroute Ila Touba qui va commencer très bientôt, les financements étant bouclés et les accords signés avec les Chinois.
Ce bilan que vous faites suffira-t-il pour réélire Macky Sall en 2017 ?
Je ne suis pas en train de faire le bilan, mais le constat. Il y a toutes les initiatives qui sont en train d’être entreprises dans le domaine agricole, dans le secteur des infrastructures, de l’énergie et d’autres chantiers. Mais il faut reconnaître que nous faisons face à trois défis majeurs.
Le premier est qu’il faut prendre en charge l’héritage parce qu’il y a la continuité de l’Etat ; et cet héritage-là est lourd parce que c’est toute une culture qu’il faut remettre en cause. Ce qui est difficile, car il y a beaucoup de résistances, ne serait-ce que dans le champ de la bonne gouvernance, la sécurisation des ressources publiques.
Ensuite, il faut faire face aux défis ponctuels, aux urgences qui se traduisent par une sorte d’impatience populaire. Et je pense que les mesures d’ordre social que le Président a prises entrent dans ce cadre-là .
Il faut aussi relever le troisième défi en posant les jalons d’une transformation structurelle, les bases de l’économie sénégalaise dans le cadre du Plan Sénégal émergent qui est sur une génération, c’est-à -dire sur les 20 prochaines années évidemment.
Justement, ce rythme du Pse n’est-il pas lent ?
Le président de la République, lui-même, a dit que c’est lent parce que c’est la conjugaison de ces trois défis. Nous Sénégalais aussi, nous devons choisir entre la méthode révolutionnaire classique qui consiste à taper dur, à imposer immédiatement des réformes. Il y a des pays qui ont procédé ainsi.
Mais au bout du compte, c’est la démocratie qui a été remise en cause, même s’il y a des progrès économiques et sociaux. Seulement, ces progrès sont précaires parce qu’ils ne sont pas faits dans une dynamique de construction durable. Il faut faire attention.
L’autre méthode est de se dire qu’il faut passer par les réformes graduelles, mais qui permettent de remettre le pays à l’endroit, de reconstruire petit à petit sans remettre en cause les libertés individuelles, la démocratie, la liberté d’expression...
A votre avis quelle est la meilleure méthode ?
Moi je suis quand même un ancien Marxiste, mais pour autant je ne suis pas pour les méthodes violentes de résolution de contradictions. Je suis parfaitement en phase avec la méthode du Président qui consiste à faire des réformes graduelles, mais en profondeur, afin que toute la culture de gestion des affaires du pays change parce que c’est cela l’enjeu.
Et comme vous le savez, le changement d’une culture est assez lent parce que touchant à des fondamentaux, à des comportements, à des attitudes, à des aptitudes et à des habitudes ; donc à un ensemble de facteurs sociologiques et psychosociologiques.
Quand le Président prône une gestion vertueuse c’est pour que cela soit ancré dans la réalité sénégalaise au point qu’un autre régime ne vienne pas le remettre en cause. Regardez aux Etats-Unis, en France, ou ailleurs, il y a des fondamentaux que personne ne peut remettre en cause.
Sauf qu’il y a des lobbies qui font entrave à certaines réformes
Mais tout à fait. C’est pourquoi j’ai dit que le chemin de la réforme est très difficile parce que faisant face à des résistances. Alors le Président est en train de mettre en place des institutions de financement de notre économie pour ne pas reposer uniquement sur des ressources externes. Il s’agit de la Bnde, la réorientation de la Caisse de dépôt et de consignation qui répondent à l’investissement structurel de notre économie.
Mais est-ce que ce n’est pas décourageant quand Amath Dansokho dit que notre pays est en danger ?
Je pense que le débat s’est clarifié de lui-même. Je ne crois pas que le pays soit en danger et je ne crois pas non plus que Amath Danskho l’ait dit au sens où le Sénégal serait menacé à l’interne et à l’externe.
Il l’a quand même dit dans L’Observateur...
Oui, je vous rappelle que je suis journaliste. Donc je connais les petites phrases qu’on tire de leur contexte et qu’on met en épingle.
Dansokho estime que Benno bokk yaakaar n’a pas atteint ses objectifs...
Mais nous-mêmes nous n’avons pas encore atteint nos objectifs. N’oubliez pas que l’objectif stratégique de Macky Sall, c’est l’émergence du Sénégal.
Voulez-vous dire que ce que Dansokho a dit n’est pas méchant ?
Non, ce n’est pas méchant. Objectivement, les Socialistes ont fait 40 ans au pouvoir sans atteindre leurs objectifs, les Libéraux 12 ans au pouvoir sans y arriver. Et on veut que nous atteignions nos objectifs en deux ans.
Comment expliquez-vous alors les réactions de l’Apr contre Dansokho ?
Mais non, ça c’est le champ politique.
Cette sortie de Dansokho perturbe quand même la solidarité gouvernementale, non ?
Oui, ça arrive. Mais pour moi ce n’est pas un point décisif. Aujourd’hui toutes les composantes de Benno bokk yaakaar sans exclusive doivent s’unir et aller dans le même sens pour remettre ce pays à l’endroit et créer les conditions de son émergence. De ce point de vue, toutes les logiques d’intérêts partisans doivent être tempérées au profit de l’intérêt général.
Est-ce possible alors qu’il y ait des ambitions qui se dégagent dans certains partis comme le Parti socialiste ?
Mais attention, les ambitions, si tant est que nous sommes tous des patriotes et des démocrates, n’ont de sens que si elles sont pour le développement du pays. La seule ambition qui m’importe, c’est celle de l’émergence et de la lutte contre les inégalités et les injustices sociales.
Je me rappelle bien, quand il y a l’alternance, certains de nos camarades ont confectionné des listes pour un gouvernement et il n’y avait pratiquement que des gens de l’Apr. C’est le Président qui a tapé sur la table pour leur rappeler que le pays ne leur appartient pas.
Ça c’était un contexte qui le dictait, mais aujourd’hui nous allons vers une élection et il y a des partis qui veulent diriger le pays aussi...
Si je me fie au projet politique du Président, c’est une option stratégique que de gérer le pouvoir avec un ensemble de partis représentatifs des forces vives de la Nation. Les gouvernements d’union nationale du Président Diouf n’ont duré que quelques mois, le temps qu’un parti sorte pour préparer une élection, et avec Wade c’est un an seulement.
Mais ici, nous sommes ensemble depuis trois ans. Qu’est-ce qui se passait avant ? Quelqu’un critique et on le limoge du gouvernement.
Et là aussi, c’est une option stratégique pour le Président de ne pas «victimiser» ses alliés qui le critiquent...
Pas du tout ! C’est encore une fois une option stratégique du Président de gouverner ensemble...
Face à une réalité politique aussi...
Pas forcément la réalité politique. Nous pouvions former un gouvernement Apr.
L’Apr n’était pas encore un grand parti...
Ah si, l’Apr avait grandi. La preuve c’est qu’après le parti au pouvoir, le Pds, nous étions le premier.
Mais c’était avec une coalition, Macky2012...
Evidemment. Tous les autres aussi, c’était avec des coalitions y compris le parti au pouvoir.
Quelle analyse faites-vous des rapports entre l’Apr et ses alliés ?
C’est une alliance qui repose sur une option stratégique du président de la République. Ce n’est pas conjoncturel ; c’est un choix. La preuve, c’est que notre parti s’appelle Alliance pour la République.
Nous sommes dans le cadre d’une coalition primaire, c’est-à -dire Macky 2012, et dans le cadre de Benno bokk yaakaar qui a une longévité qui étonne, surprend. Donc, il y a beaucoup d’adversaires aujourd’hui qui pensent qu’il faut détruire cette coalition.
Une coalition qui est en train de prendre un sacré coup avec un Parti socialiste qui dit qu’il aura un candidat...
Mais, non ! A ma connaissance, le Ps n’a pas encore dit : «Voici mon candidat.»
Il aura un candidat...
Il aura un candidat. Et je souhaite que ce candidat soit le Président Macky Sall.
N’est-ce pas un rêve ?
Non, ce n’est pas un rêve et je peux le justifier politiquement.
Comment ?
Premièrement, je pense qu’aujourd’hui le Sénégal est dans une étape cruciale de son évolution. Un seul parti ou même une seule coalition de partis ne peut pas régler les problèmes de ce pays. Deuxièmement, le Sénégal, comme la plupart de nos pays en Afrique, est encore confronté à des questions de base : l’eau potable, l’électricité, des routes à l’intérieur du pays, des transports décents, un système de santé accessible qui soit également de qualité, etc.
Et vous n’avez pas entendu une seule fois ces problèmes-là posés en France ou aux Etats-Unis, c’est dépassé. C’est dire que les Socialistes sénégalais étaient confrontés aux fondamentaux pendant 40 ans, de même que les Libéraux pendant 12 ans.
Aujourd’hui, c’est nous qui sommes confrontés aux mêmes problèmes. Donc, que ce soient les Socialistes, les Communistes, les Libéraux, les Républicains..., ils seront confrontés à ces questions. Donc, il est nécessaire qu’on s’unisse pour régler ces problèmes-là .
Et comme nous avons la chance d’avoir une coalition qui a autant duré, autant continuer à se battre pour qu’elle survive, pour que les efforts et les réalisations du Président Macky Sall soient renforcés. Et cela, à mon avis, aurait justifié qu’on aille encore ensemble beaucoup plus loin.
Macky Sall ne fera au maximum que deux mandats. Donc, dans un régime ou le mandat est limité, si nous sommes d’accord sur les fondamentaux, une orientation stratégique, nous pouvons aller ensemble. Et moi, je crédite les Socialistes de ne pas être dans la précipitation.
Est-ce le cas ?
Je crois que jusqu’ici, ils ont dit qu’ils auront un candidat. Mais ils n’ont pas précisé que ce sera à l’intérieur ou à l’extérieur du Ps. Donc, créditons le Ps de sa longue expérience !
Ce qui est clair, c’est qu’ils auront un candidat face à Macky Sall.
Vous l’avez entendu ?
C’est bien cela. Certains Socialistes l’ont dit.
Ils ont dit : «Nous aurons un candidat.» Maintenant, si des structures marginales qui sont à l’extérieur des structures officielles du Ps le disent, mais ça les engage. En tout cas, Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Wilane, Khalifa Sall, Barthélemy Dias, etc., n’ont pas encore affirmé qu’ils auront un candidat face à Macky Sall.
Justement, vous avez été un homme de la Gauche. Quelle lecture faites-vous d’une éventuelle alliance entre les Socialises et les forces de la Gauche traditionnelle ?
C’est de bonne guerre que le Ps fasse appel à tout le monde. Mais aujourd’hui encore, personne d’entre eux n’a dit à cette Confédération de gauche de soutenir leur candidat ou d’être dans une coalition électorale. Et cette Confédération de gauche est composée de diverses sensibilités.
C’est vrai qu’ils incarnent ce que j’appelle «la gauche historique», mais aujourd’hui, objectivement, son allié stratégique, c’est le Président Macky Sall. Pourquoi ? Parce que la Gauche est dans une dynamique de lutte contre les inégalités et les injustices sociales avec tout ce que cela implique.
Comme les autres partis aussi, non ?
Pas forcément. La Gauche, dans son inspiration originelle, est dans la dynamique de lutte contre les inégalités et les injustices sociales ; le pôle républicain aussi. Et c’est marqué de la manière la plus explicite dans le Yoonu yokkuté d’alors comme dans le Pse. Tout l’enjeu, c’est la lutte contre les inégalités.
Les inégalités et les injustices sociales sont aussi l’identité des Socialistes...
Justement, raison de plus. C’est vrai qu’il y a eu des clivages réels entre le Socialisme sénégalais et la Gauche historique depuis les années 60. Mais l’un dans l’autre, nous partageons cette orientation stratégique. Donc, je pense que la Gauche historique trouve en nous des alliés stratégiques, de même que les Socialistes. Et même le bastion démocratique du Pds.
Est-ce un clin d’œil que vous faites-là pour des retrouvailles libérales ?
Non, c’est différent du concept de «retrouvailles». Les retrouvailles, ceux qui en ont parlé jusqu’ici, c’est dans une dynamique d’appareil. J’ai dit en septembre 2012 dans un article de contribution intitulé : «Où va Macky Sall ?» ceci : «Compte tenu de la situation du pays, des orientations de la nouvelle alternance politique, il est important que même les bastions démocratiques du Pds viennent dans la dynamique de reconstruction du pays.»
Vous faites allusion à qui ?
Je ne fais pas allusion à des individus quand je parle de bastion démocratique.
A quelle localité alors ?
A toutes les localités du pays. Il y a des bases du Pds les plus larges qui ont une conviction démocratique incontestable, qui avaient un idéal démocratique dans ce parti qui, malheureusement, est aujourd’hui caporalisé par une clique que j’appelle «putschiste, revancharde et affairiste».
Qui ?
Non, regardez la réalité.
Dites-nous.
Je n’ai pas à nommer qui que ce soit.
Que pensez-vous de ce front de l’opposition qui est en gestation et qui regroupe Idrissa Seck, Decroix, Baldé et autres ?
Est-ce que vous pouvez me dire honnêtement une seule proposition programmatique et relative à la vie des populations que ce front a proposée.
C’est ce qu’il tente de faire en s’alliant éventuellement pour proposer un projet de société...
Ils n’ont qu’à proposer et en ce moment, ce sera très intéressant.
Ce front n’est-il pas une menace pour Macky Sall ?
Non pas du tout !
Ce sont quand même de gros calibres ?
Quels gros calibres ? C’est vrai qu’il y a des leaders locaux qu’il ne faut pas surestimer parce qu’une seule voix peut faire basculer une élection. Nous sommes dans une politique des urnes où la dévolution du pouvoir s’obtient par le vote. Donc tout est important. Maintenant, c’est vrai qu’il y a mon ami Baldé à Ziguinchor, Idrissa Seck à Thiès et on verra la représentativité des uns et des autres.
Les dernières Locales sont déjà un baromètre ?
Oui, c’est un baromètre. Mais à Thiès par exemple, Idrissa Seck a énormément perdu pendant les Locales. En la matière, il y a beaucoup de mobilités et on attend les prochaines élections. Pour le moment, ils n’ont pas encore fait un seul énoncé relatif au vécu des populations. Donc, à mon avis, c’est une stratégie de survie.
Idrissa Seck a qualifié Macky Sall d’«incapable» et ça fait quand même bruit à l’Apr...
Je pense que Idrissa Seck est dans son rôle d’opposant. L’essentiel est que Macky Sall a posé un acte de rupture de fond avec Wade en construisant une nouvelle offre politique. Il a surclassé tout le monde et je le dis en toute courtoisie et si celui-là est incapable, on se demanderait qui est capable.
Nous avons lancé un immense chantier social réel. Si c’est encore cela être incapable, on se demande qui est capable. Un vaste programme d’autosuffisance en riz pour 2017 ; si ça c’est cela être incapable on se demande toujours qui est capable. L’autoroute Ila Touba qui est une véritable infrastructure de production...
Une autoroute dont on a posé la première pierre sans l’effectivité de son financement...
Il est maintenant bouclé et il faut dire qu’il y a des phases à suivre. Dans quelques jours les travaux vont démarrer.
Idrissa Seck vous a provoqué il y a quelques semaines à Matam. Quelle réponse allez-vous lui apporter ?
Nous avons au Sénégal véritablement une Nation, c’est-à -dire ce que Senghor appelait «une volonté commune de vivre ensemble». Nous avons la chance de ne pas avoir des clivages religieux, ethniques, régionaux. C’est dire que les leaders politiques peuvent aller où ils veulent.
Macky Sall n’était pas à l’intérieur du pays seulement pour quelques jours. C’est le seul leader politique à avoir fait au moins cinq fois le tour du Sénégal, systématiquement.
Voulez-vous dire que Idrissa Seck ne fait que suivre les pas de Macky Sall ?
Si c’est le cas, à partir de ce moment, je préfère l’original à la copie. (Rires)
Qui est l’original, qui est la copie ?
(Sourire) A votre avis ? Si Macky Sall est incapable, il ne faudrait pas donc faire comme lui. Vous nous dites que nous sommes incapables et vous faites comme nous.
Il ne peut pas faire ce que Macky Sall a fait ?
Non ! Je suis formel.
C’est quand même une première tournée nationale et il lui reste encore un an et demi...
Mais Macky Sall, même au pouvoir, est toujours à l’intérieur du pays. Il n’y a pas un seul chef d’Etat qui ait fait autant l’intérieur du pays en deux ans de pouvoir depuis Senghor.
On ne vous connaît pas une base politique. Vous militez où ?
Je suis un militant de l’Apr et fais partie de son noyau fondateur.
Oui, mais sans base politique...
Mais non, je n’ai pas cherché à en avoir.
Vous n’en voulez-pas ?
J’ai été à Matam au lendemain de l’alternance du 25 mars 2012 pour voir mes parents. Des militants et responsables du parti m’ont approché. Je leur ai dit que je ne vais pas me disputer le leadership parce que même si je suis membre fondateur, je ne suis jamais descendu sur le terrain. Donc, je ne vais pas attendre qu’on ait le pouvoir pour le faire. Toutefois, je descends de temps en temps à Matam pour encourager les jeunes, prôner l’unité des responsables autour du Président.
Maintenant, je suis responsable d’un groupe politique qui soutient le président de la République. C’est un mouvement national qui s’appelle République et émergence qui va d’ailleurs faire le lancement samedi (Ndlr : aujourd’hui).
Nous avons le soutien du président de la République. J’estime que chacun doit faire ce qu’il peut. Dans un parti politique, il y a des porteurs de voix au niveau local, des porteurs d’idées et des porteurs de capitaux.
Il y en a aussi qui incarnent ces trois profils. Moi, j’essaie de travailler pour que les intellectuels, les femmes et hommes de culture, les cadres de ce pays sachent que nous avons une responsabilité historique d’accompagner le Président dans la transformation des bases structurelles.
Le Quotidien