Une publication circulant sur Facebook fait cas de certains médicaments qui auraient été «interdits en France» mais qu’on retrouve en vente dans les pharmacies sénégalaises. Vérification faite, l’information est erronée.
Par Hyppolite Valdez Onanina
« Ces médicaments entraînent des AVC (accidents vasculaires cérébraux) et ont été interdits en France. Merci de partager pour sauver des vies humaines ».
Ce message, illustré par une photographie où apparaissent six médicaments (Humex, Actifed, Rhin Advil, Nurofen, Dolirhume, Rhinureflex), a récemment été publié sur Facebook par des internautes sénégalais.
Une publication qui a déjà été partagée au moins 2.300 fois à la date du 28 juillet. Elle a ainsi suscité l’indignation de certains internautes.
Africa Check s’est penché sur ce sujet suite aux réactions, parfois houleuses, qui en ont découlé.
D’où vient cette information ?
En janvier 2014, le site français d’informations ladepeche.fr publiait un article présentant une liste de 14 médicaments anti-rhume dangereux pour la santé. La liste en question avait été dressée par le magazine français «60 millions de consommateurs».
En effet, les médicaments Humex, Actifed, Rhin Advil, Nurofen, Dolirhume et Rhinureflex figurent dans cette liste.
Il en ressort que Dolirhume, Actifed et Humex « exposent à des risques d’AVC ou neurologiques sévères et seraient trop risqués pour un simple rhume ». S’agissant de Rhin Advil, Nurofen et Rhinureflex, « ils peuvent provoquer des troubles digestifs, des ulcères à l’estomac ou des troubles dermatologiques ».
Cependant, ladepeche.fr n’indique pas, dans son article, que les médicaments anti-rhume énumérés par le magazine « 60 millions de consommateurs » ont été interdits mais qu’ils sont potentiellement « dangereux pour la santé » et « à éviter en automédication », c’est-à -dire qu’il ne faut pas se les administrer sans ordonnance ni conseil médical personnalisé.
« Pour les médecins, le remède le plus efficace et le moins dangereux contre le rhume est de prendre son mal en patience. D’origine virale, le rhume se guérit seul, au bout de 7 à 10 jours », écrit, d’ailleurs, la depeche.fr.
Danger potentiel mais aucune interdiction de vente
Selon e-sante.fr « la majorité des médicaments contre le rhume contiennent de laphénylpropanolamine (PPA), une substance décongestionnante, certes efficace pour empêcher le nez de couler, mais accusée d’être responsable d’effets secondaires rares mais graves, particulièrement des hémorragies cérébrales ».
Le site spécialisé ajoute que « l’innocuité de cette molécule ayant été mise en doute par une étude américaine publiée en décembre 2000, les Etats Unis l’ont immédiatement interdite. Pourtant, en France, comme ailleurs en Europe, les médicaments contenant de la phénylpropanolamine restent en vente libre et même si le nombre d’utilisateurs n’est pas connu avec précision, il est de l’ordre de plusieurs milliers chaque année ».
Depuis plus de 15 ans, l’Agence nationale (française) de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) recommande, entre autres, aux prescripteurs d’informer les patients du « risque d’hémorragie cérébrale et de la nécessité de respecter strictement la posologie et la durée de traitement de cinq jours ».
Effets secondaires non reconnus au Sénégal
« Nous n’avons pas reçu, à ce jour, des notifications concernant les effets secondaires de ces produits. Même si des notifications étaient reçues, il serait nécessaire de faire l’imputabilité afin de déterminer si les effets rapportés sont effectivement dus aux médicaments », nous a, cependant, indiqué le Docteur Madické Ndiaye de la Direction de la pharmacie et du médicament (DPM).
« Lorsque le Sénégal décide d’accepter ou de retirer un médicament, on ne regarde pas forcément si le médicament existe en France ou pas. L’élément principal sur lequel on se base, c’est le rapport bénéfice sur risque du médicament pour la population sénégalaise : s’il est positif, le médicament est autorisé », a-t-il expliqué.
Le Dr Ndiaye a affirmé que « la décision de dire qu’un médicament est essentiel incombe à chaque Etat car les médicaments essentiels sont les médicaments indispensables pour soigner les principales pathologies d’une population donnée. Ainsi, les médicaments du paludisme, par exemple, sont essentiels dans les pays africains mais le sont beaucoup moins dans les pays européens où le paludisme est rare ».
Par ailleurs, il a conseillé d’« éviter l’automédication autant que faire se peut ».
Médicament commercialisé au Sénégal et en France
« Nous avons aussi eu ces informations (sur les dangers liés aux anti-rhume). Certains effets de ces médicaments sont connus depuis longtemps. Il appartient aux scientifiques et aux autorités de réglementation pharmaceutique (ARP) d’évaluer le rapport « risque/bénéfice » de chaque médicament et d’en déduire le sort à lui réserver : vente sur prescription, retrait du marché, … », écrit le Dr Cheikhou Oumar Dia, le président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens du Sénégal, dans un courriel à Africa Check.
« Même si ces médicaments sont accessibles en automédication, c’est le rôle des pharmaciens de conseiller les patients quant à leur bonne utilisation et leur non utilisation par ceux qui ne le devraient pas », précise-t-il.
Le Dr Dia souligne, cependant, qu’un médicament ne peut pas être commercialisé au Sénégal s’il ne l’est pas dans le pays où il est fabriqué : « Dès que sa commercialisation est arrêtée dans ce pays, quelle que soit la raison, elle est arrêtée au Sénégal ».
​Par ailleurs, « un pays peut, pour des raisons qui lui sont propres, arrêter la commercialisation d’un médicament » car, selon lui, « il appartient à chaque pays d’évaluer les médicaments utilisés dans son territoire », nuance le pharmacien.
Conclusion : l’information partagée sur Facebook est erronée
Certes, les dangers liés à certains médicaments anti-rhume sont reconnus en France, mais les produits présentés dans ledit post n’y ont pas été interdits et continuent, d’ailleurs, d’être vendus par les pharmacies françaises.
Par ailleurs, la présence de ces médicaments anti-rhume dans les rayons des pharmacies sénégalaises reçoit l’aval des autorités compétentes qui ne leur reconnaissent pas, jusqu’ici, des effets secondaires.
« Lorsqu’un médicament est nocif, il l’est a priori pour toutes les populations. Néanmoins, il peut arriver qu’une catégorie de population ou de race soit plus sensible à un médicament par rapport à une autre », explicite le Dr Madické Ndiaye de la DPM.
Edité par Assane Diagne
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