Dans l’univers des « maribataires » : L’amour à l’épreuve de la distance !


Rédigé le Vendredi 8 Avril 2022 à 14:52 | Lu 343 fois | 6 commentaire(s)




Face aux nombreuses restrictions sur les déplacements internationaux, les familles de migrants, particulièrement les épouses, souffrent terriblement de la distance, avec des conjoints qui peuvent rester 10 ans sans les retrouver, soit pour défaut de papiers, soit pour des raisons économiques. Espoir d’une vie intime et familiale plus agréable, l’obtention d’une autorisation de regroupement familial reste un véritable parcours du combattant.

Restée trois ans sans voir son mari émigré en Espagne, Aissatou Fall est rongée par l’angoisse. Elle prend de l’âge, a déjà fait une pré-éclampsie et, est hantée par l’idée de ne plus avoir d’enfants. Perdue dans ses tristes pensées, elle confie sur un air désespéré : “Depuis lors, je suis là. Qu’est-ce qui me dit que je pourrais avoir un enfant ? Combien d’années, j’attends quelqu’un que je ne vois toujours pas ? Je suis une femme, j’ai des besoins. La ménopause approche. Déjà, à 32-33 ans, nos grossesses sont classées à risque. Imaginez pour nous qui avons plus de 35 ans… A un moment, il y en a vraiment marre !’’.

Embouchant la même trompette, Amy, un peu plus âgée, semble du même avis. Mariée à un polygame, elle a un seul enfant qui sera bientôt au collège. Les espoirs d’avoir un deuxième enfant s’éloignent de plus en plus, alors que c’était son plus grand rêve. “Cela me hante vraiment. J’avais toujours voulu faire plusieurs enfants, au minimum trois. Mais avec un époux émigré, ce n’est jamais évident. Surtout, quand il a plusieurs épouses. Quand il est de passage au pays, c’est juste pour quelques petites semaines, qu’il doit partager entre ses épouses. Dans ces conditions, les probabilités de faire un enfant s’amoindrissent. Là, ça fait plus de deux ans qu’il n’a pas mis ses pieds au Sénégal. Ça ne nous agrée pas, mais on est obligé de faire avec’’.

Une situation cauchemardesque vécue par tant d’autres femmes, séparées de leurs époux par l’émigration. Des attentes interminables, une solitude permanente, de longues nuits blanches… Tel est le quotidien de ces braves dames, pour qui l’amour n’est parfois qu’un lourd fardeau, à porter silencieusement, pour satisfaire une société parfois peu soucieuse de leur épanouissement. Pour sa part, Amy en veut terriblement aux hommes. “Ils pensent qu’entretenir une femme, c’est juste lui envoyer de l’argent à la fin du mois. Certains ne le font même pas. Les hommes se soucient très peu du minimum d’affection à accorder aux épouses qui les attendent. Même quand ils ont des papiers et peuvent venir, ceci est le cadet de leurs soucis’’.

La hantise de la ménopause

Loin de leurs dames, ils sont, en effet, nombreux les hommes émigrés à ne pas faire du retour, une exigence. Tantôt c’est trois ans, tantôt cinq ans, parfois même dix ans. Sans se soucier de l’état sentimental de leurs conjointes. Aissatou s’en désole : “J’ai une copine qui est restée dix ans sans voir son époux parti aux Etats-Unis. Sa chance, c’est d’avoir eu des enfants avant son départ. C’est peut être sa consolation par rapport à d’autres comme moi. Mais c’est quand même très difficile. Même pour ceux qui viennent régulièrement, c’est un an là-bas, un mois à peine ici. Et sur ce mois, la femme n’a même pas droit à 15 jours d’intimité, à cause des nombreuses courses et visites".

Pour lutter contre cette distance, certains pensent qu’Internet et les réseaux sociaux pourraient être d’excellents outils. Sans le nier, Mme Fall met toutefois un bémol. “Avec les réseaux sociaux, dit-elle, il est beaucoup plus facile maintenant de joindre quelqu’un et de lui raconter n’importe quelle contrevérité. Si tu n’as pas une confiance absolue de ton conjoint à l’extérieur, c’est tout le temps des conflits. S’il ne te reproche pas des déplacements qu’il juge nombreux selon les rumeurs, c’est alors de se connecter sur Internet jusqu’à certaines heures. Parfois, c’est même pire, sur la base de simples suppositions ou d’accusations gratuites de tierces personnes. C’est vraiment très compliqué".

Ceci est vraiment du vécu. Car la jeune dame s’est vue interdite d’utiliser certains réseaux par son époux. Elle déclare : “Il m’a tout bonnement interdit Facebook. Je n’ai que Whatsapp maintenant pour communiquer, parce que c’est là où il peut me joindre. Encore que, quand il te voit à une certaine heure, il se plaint. J’ai également Tik Tok, mais c’est juste pour me divertir, en regardant les vidéos. Comme on se sent seule’’.

Pourtant, au début de la relation et du mariage, tout allait pour le mieux, selon nos deux interlocutrices. “C’est la lune de miel’’, avec des époux attentionnés qui appellent souvent pour avoir de leurs nouvelles ; des époux qui ne cessent de les couvrir de cadeaux et de douces paroles… Mais très vite, tout se mue en une relation très distante, témoigne Amy. Elle regrette : “Il peut aujourd’hui rester des jours sans donner de ses nouvelles. A chaque fois, c’est le travail qu’il donne comme alibi. Et il veut que tu restes sur place comme un meuble. Ce n’est pas une vie de couple, ça".

Dénonçant la même distance, Aissatou avait posé le débat sur la table, avant même de s’engager. “Je lui avais dit, avant le mariage, que si c’est pour rester des années séparés, je n’en veux pas, a-t-elle rappelé. Si je me marie avec quelqu’un, c’est pour vivre avec lui. Il m’avait assuré qu’il allait venir chaque année, jusqu’à obtenir les papiers pour un regroupement familial. Mais je n’ai pas l’impression qu’il ait fait le nécessaire pour qu’il y ait ce regroupement. Alors que la procédure est entamée depuis plusieurs années, je n’ai encore aucune nouvelle".

La montagne d’obstacles pour le regroupement familial

"Au début, confie-t-elle, il disait que c’est à cause de la suspension de son contrat due à la pandémie". Mais Aissatou a désormais de sérieux doutes. “Je ne pense pas qu’une telle procédure puisse prendre autant de temps. Est-ce que la suspension de son contrat peut impacter sur la procédure du regroupement familial ? Je ne le crois pas. Je pense que si c’était vrai, la procédure allait reprendre une fois qu’il a un nouveau contrat. Mais il ne veut même plus en entendre parler’’, se désole-t-elle. Avant d’ajouter : “Franchement, je n’encouragerai aucune sœur dans ce genre de ménage. Personnellement, si c’était à refaire, je ne l’aurais pas fait.’’

Selon le député de la diaspora, Mor Kane, basé en Espagne, les choses sont loin d’être aussi simples, en ce qui concerne le regroupement familial. A l’en croire, non seulement les procédures sont trop sévères, mais elles peuvent parfois prendre beaucoup de temps. “Ce n’est pas facile d’avoir le regroupement familial. Déjà, les délais sont trop longs. La procédure pouvant durer jusqu’à un an ou plus. Il faut d’abord justifier qu’on a les capacités financières pour prendre en charge ceux qu’on veut faire venir. Aussi, il y a tout un ensemble de documents à fournir, dont un test ADN, s’il s’agit de son enfant’’, dénonce le parlementaire, qui estime que les Etats africains doivent davantage se soucier des conditions de leurs ressortissants.

En vérité, les pays européens ne respectent pas les droits des migrants. Nos gouvernements doivent s’unir pour mieux défendre les intérêts de leurs populations. Certes, nous ne légiférons pas à leur place, mais on doit pouvoir négocier certaines choses. Et cela passe par l’unité des pays du continent. Regardez les Européens ; même au niveau des consulats, si tu es rejeté quelque part, il te sera difficile de trouver un visa ailleurs. Parce que tu es fiché partout’’.

Test Adn et regroupement familial: La restriction de trop !

C’ est un vieux débat européen. En 2007 déjà, en France, le Parlement avait tenté de légiférer sur la question. Un amendement adopté par l’Assemblée nationale prévoyait : “En cas de doute sérieux sur l’authenticité de l’acte d’état-civil, les agents diplomatiques ou consulaires pourront proposer au demandeur d’exercer, à ses frais, la faculté de solliciter la comparaison de ses empreintes génétiques aux fins de vérification d’une filiation biologique déclarée’’. Par la suite, beaucoup de restrictions ont été apportées par le Sénat et les juridictions françaises au texte du député UMP (actuel Les Républicains), Thierry Mariani. Vidant presque de sa substance la volonté du parlementaire.

En Espagne, la pratique semble bien être admise par la législation.

Le test Adn est demandé à tout demandeur, en cas de doute sérieux, selon certaines sources. “Le test ne fait pas partie du dossier à déposer. Mais en cas de doute sur une filiation, les autorités consulaires peuvent le demander. Cette mesure se justifie par les nombreuses fraudes constatées au niveau des services d’état-civil de certains pays. Mais c’est juste en cas de doute’’, renseigne un expert.

Pour lui, le plus déterminant dans la procédure, c’est la capacité financière et le critère relatif au logement. En plus de certains critères liés notamment à l’âge,18 ans au plus pour le fils d’un demandeur résident, 21 ans pour le fils d’un demandeur titulaire de la nationalité il faut justifier qu’on a des revenus suffisants pour une prise en charge correcte des personnes que l’on veut faire venir. Il faut également justifier qu’on peut les loger dans des conditions décentes.






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