La Centrafrique, qui fait partie de votre juridiction, est secouée par des violences. Comment est-ce que les Sénégalais vivent ce conflit ? Couvrant la Centrafrique, j’ai eu à me rendre sur place accompagnée de l’attaché militaire chargé de la sécurité dans la zone. Une fois à Bangui, nous avons rencontré les plus hautes autorités centrafricaines, nous avons également rencontré les organisations internationales sur place notamment le Bureau intérimaire de la Centrafrique de l’Onu, les forces de l’Union africaine. Nous avons naturellement rencontré nos compatriotes, c’était là le but de cette visite. Nous voulions nous enquérir de leur situation sur place. Nous les avons rencontrés en groupe et nous avons aussi été dans leurs quartiers, nous avons fait quelques maisons. Tout cela pour nous donner une idée relativement exacte de leur situation. Donc de tout cela, nous avons tiré les conclusions suivantes : celles qui sont connues de tout le monde. Aujourd’hui, il y a une guerre, mais un conflit entre Centrafricains, un conflit entre les ex-Séléka et les antis Balaka. Il se trouve que les antis Balaka sont majoritairement chrétiens et les ex-Séléka sont musulmans. Il se trouve également que c’est les antis Balaka qui se retrouvent dans des camps aux abords des aéroports et dans les églises et qui, de temps en temps, font des incursions au niveau des quartiers dits habités par les musulmans. Et c’est dans ces quartiers qu’habite la majorité de nos compatriotes. Ils ne sont pas spécialement visés parce que ce sont les musulmans centrafricains qui sont visés. Mais ils sont dans le même quartier. Il faudra noter également que depuis les événements, nous n’avons enregistré aucun Sénégalais décédé. Nous avons noté quelques pillages de magasins. On parle de quatre à six magasins. C’est beaucoup pour nous, mais vu le nombre global c’est plus ou moins marginal. Nous avons aussi noté une certaine peur qui les habite. Ils aimeraient par conséquent qu’on rapatrie la population dite vulnérable : les femmes et les enfants. Mais il y en a qui quitteront difficilement la Centrafrique compte tenu des intérêts qu’ils ont sur place. A notre retour, nous avons rendu compte de ce que nous avons trouvé sur place. Parallèlement, le président de la République a envoyé une délégation beaucoup plus importante dirigée par le directeur des Sénégalais de l’extérieur du ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur. C’est hier (l’entretien s’est déroulé samedi dernier) qu’ils ont dû quitter Ban gui pour rejoindre Dakar. Cette mission est aussi allée s’enquérir de la situation et apporter un soutien financier à nos compatriotes sur place en attendant de voir quelques décisions définitives qu’il faut prendre. Il n’y a donc pas encore eu de mesures prises pour ceux qui souhaitent rentrer au pays ? Nous sommes en matière diplomatique. En relation bilatérale, il n’est pas facile de prendre une décision de rapatriement. Mais soyez rassuré que le président de la République suit tous les jours, pour ne pas dire toutes les heures, la situation à Bangui et que les mesures nécessaires seront prises à tant pour sauver nos compatriotes et pour qu’ils se retrouvent en situation de sécurité. Jusque-là , au niveau de la Centrafrique, nous avions les forces de l’Afrique centrale et les forces françaises pour maintenir la paix, mais nous avons aussi tout récemment eu l’Union africaine qui a renforcé les forces de maintien de la paix. Aujour d’hui, les gens sont en train de tout faire pour sécuriser les Centra fricains, mais également toutes les communautés étrangères qui vivent en Centrafrique. Donc, il ne faut pas croire que nos compatriotes sont laissés pour compte là -bas avec leur désarroi. Il y a des mesures au niveau international tout comme au niveau régional et africain qui sont prises pour sécuriser ce pays. Quand on y était, on a vu tous les cas de figure. Quand tout à l’heure je parlais du Bureau intérimaire de la Centra frique qui est d’ailleurs dirigé par notre compatriote Babacar Gaye, nous avons eu toutes les informations. La situation n’est pas maîtrisée, mais les gens font tout pour qu’on y arrive. Il faut dire que nos compatriotes, qui sont sur place, veulent au jourd’hui rentrer parce qu’ils n’ont pas la pleine mesure de ce qui est en train d’être fait pour les sécuriser. Ils voient que tous les jours, il y a des morts, mais je vous assure que des mesures sont en train d’être prises. Néanmoins, des rapports ont été formulés et remis aux autorités. Et je suis sûre que le Président prendra la décision qu’il faut parce qu’il ne veut pas laisser en rade aucun Sénégalais qui vit à l’étranger. Vous êtes basée à Libreville. En attendant que des mesures soient prises, y a-t-il un lieu où les Sénégalais pourraient se réfugier en l’absence de représentation diplomatique ? Nous n’avons pas une représentation diplomatique à Bangui, mais nous avons un consulat honoraire dirigé par M. Goumbala. Lui non plus n’a pas baissé les bras depuis le début des événements et fait tout pour rassurer nos compatriotes et assurer leur sécurité. Au plus fort des moments, des compatriotes sont allés se réfugier chez lui parce qu’il a l’avantage d’habiter dans un quartier beaucoup plus sécurisé. Il faut dire aussi que nos compatriotes sont très bien organisés autour d’une association et nous sommes en relation constante avec le consul honoraire et le président de l’Association (des Sénégalais de la Rca) pour suivre avec eux les événements. Pas plus tard que ce matin (samedi), c’est à 7h 56 que le consul honoraire m’a appelée pour me rendre compte de la situation de la nuit précédente. C’est dire que nous suivons pas à pas ce qui se passe là -bas et nos compatriotes ne seront pas laissés en rade. Combien sont-ils, les Séné galais basés en Centrafrique ? Nous comptons à peu près 750 Sénégalais en Centrafrique concentrés à Bangui. Sur ce nombre, nous avons plus de 300 qui veulent rentrer. La majorité ne veut pas rentrer. Ceux qui veulent rentrer sont en majorité des enfants et des femmes. Maintenant que les missions sont de retour, quand est-ce qu’on peut s’attendre à des actes concrets ? La mission a quitté hier (vendredi), mais je ne pense pas qu’elle soit déjà de retour. A l’aller, elle devait passer par Paris. Le retour va certainement se passer de la même manière. Le directeur des Sénégalais (de l’extérieur) était prévu dans les interventions (lors du conclave), mais je ne l’ai pas encore vu.
Le quotidien
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