"J'ai fondé "Tahar Projects" en 2020, une société spécialisée dans les projets 'clés en main', à partir d’une conception adaptée aux contingences locales, avec possibilité de préfinancement : de la définition du cahier de charge aux projets architecturaux et ses prérequis, de la construction, des plans d'équipement à la mise en œuvre jusqu’à l’achèvement. C’est ainsi que Tahar Projects a été mandaté pour représenter des fonds d’investissement en Afrique afin de participer au développement du continent Africain", a soutenu notre interlocutrice.
Pour ainsi dire que son entreprise s’appuie sur la vaste expérience internationale de ses partenaires, "afin de pouvoir toujours répondre, de la manière la plus adéquate, à tous les besoins. Chaque aspect d’un projet sera étudié à la lumière des contextes géographiques, techniques, économiques et sociaux. Nos domaines d’activité sont : le Secteur Défense, le Médical et Paramédical, Sécurité Civile, l’Environnement, le BTP, Hydrocarbures et Minier, l'Énergie, l’agro-business".
Ainsi, outre les projets clés en main, "Tahar Projects" évolue dans la fourniture de matériel, d’équipements dans ces différents domaines, de drones, de véhicules, d’avions, d’hélicoptères et autres. "Nous représentons des sociétés étatiques et des sociétés privées étrangères en Afrique plus précisément au Sénégal dans nos différents domaines d’activité précités", nous confie Mme Cissé.
L’industrie de l’armement: Seule dans la jungle...
Se définissant comme une challenger, Mme Fatou Kiné Cissé fait partie des rares dames, jusque-là connues, si ce n'est la première au Sénégal, à s'aventurer dans la jungle où le "loup" règne en maître. Elle s'est ainsi lancée dans le milieu de l'armement, ce cercle réputé appartenir aux hommes. "Je n’aime pas avoir de limites dans mes ambitions. En plus, je suis une passionnée d’armes et de nouvelles technologies. Je n’aime pas faire ce que tout le monde fait. J’aime être originale en innovant. Pour moi, il ne doit pas exister de métiers réservés uniquement aux hommes. Je veux donner l’espoir à cette nouvelle génération de femmes de pouvoir oser travailler dans n’importe quel domaine d’activité de leur choix dans la dignité", fait-elle savoir.
Avant de poursuivre : "On constate que les femmes sont inexistantes dans l’économie à grande échelle au Sénégal et par conséquent il nous faut des Sénégalaises, visibles, fortes, puissantes, cultivées, compétentes, visionnaires, fières, dignes pour faire développer le Sénégal avec des projets de développement d’envergure. Le Sénégal a besoin d’avoir des femmes, à l’image de feu ALIOUNE SOW, fondateur du Groupe CSE".
Que des difficultés dans un pays "phallocratique"...
"J’en ai tellement eu des difficultés. Je ne sais pas par où commencer", dira la brave dame lors de cet entretien. Car, son statut de femme et sa jeunesse continuent de lui poser un handicap. Elle s'en explique : "Malheureusement, c’est un sujet tabou au Sénégal, mais cela constitue un blocage énorme. Nous sommes hélas au Sénégal, dans un pays phallocratique où la majeure partie du temps les droits de la femme sont relégués au second plan. Dans notre société, les hommes ont l’habitude de dire qu’ils aiment les femmes indépendantes, mais malheureusement la réalité est différente".
Des propositions indécentes...
Et la galère ne s'arrête pas là pour la jeune entrepreneure : "Des gens ont bloqué mes projets car je refusais de céder à leurs propositions indécentes. Sur le plan professionnel, on traite malheureusement les femmes parfois comme des objets. Aucune femme ne doit céder à ce genre de chantage pour réussir. On remarque également que l’Etat n’a pas confiance en sa jeunesse".
...Aux coups bas...
"Des fonctionnaires de l’Etat (Colonel de Gendarmerie, ambassadeur, Ministre, Général…) en collaboration avec des hommes d’affaires comme opérateurs économiques, m’ont contournée sur des projets en prenant l’avion pour aller négocier en Serbie directement chez mes partenaires de la société d’Etat Yugo Import afin qu’on leur donne mes projets déposés au niveau de l’Etat sénégalais, sous prétexte que c’est le Président Macky Sall qui les avait envoyés là-bas. Je suis la représentante exclusive de Yugo Import sur le Sénégal", révèle-t-elle.
Agressée physiquement...
Ses bourreaux ne s'en sont pas arrêtés là. Ces derniers ont adressé des lettres de diffamation à ses partenaires : "Ma licence a été bloquée au niveau du Ministère de l’Intérieur. Les demandes d’audience adressées au Ministre de l’Intérieur de l’époque n’ont jamais eu de suite, de même que celles adressées à l’époque au Ministre des Forces Armées et au Haut Commandant de la Gendarmerie".
Des projets bloqués...
Sa mésaventure est loin de connaître son épilogue : "J’ai également eu des projets qui ont été acceptés puis annulés sans raison comme le Projet d’hélicoptère Mi171 déposé avec une lettre de financement de la Eximbank Russe d'un montant de 30 milliards de Francs CFA. Nos partenaires et nous avons l’exclusivité avec Russian Hélicoptères pour la commercialisation de ces équipements et la maintenance. Le contrat d’exclusivité a d’ailleurs été déposé au niveau de l’armée ainsi que toute l’offre dans sa totalité. Tous les projets des sociétés russes que j’avais apportés avant la guerre Russie-Ukraine ont été bloqués. J’ose espérer que ça changera dans tous les domaines, d’autant plus que le Ministère de la Défense sénégalais a demandé au gouvernement de la Russie une coopération militaire". J’ose espérer que le gouvernement sénégalais nouera avec les entreprises russes des partenariats gagnants-gagnants dans tous les domaines. Les pays africains doivent être libres de choisir leur partenaire.
Et pourtant, elle a réussi à entrer dans ce milieu en déposant ses demandes d’agrément qui ont été acceptées. Et c'est de là que Mme Cissé a proposé des projets et des équipements dont l’Etat avait besoin. Et ce, avec l'appui des sociétés d’Etats qu'elle représente ainsi que les sociétés privées et fonds d’investissement...
La peur "n'a pas sa place"
"La peur ne fait pas partie de moi. Pour moi, on ne doit avoir peur que d’Allah et c’est tout. Ma foi en Dieu est ma source de détermination. L’essentiel, c’est d’avoir des intentions saines dans tout ce que l’on entreprend. Je suis là pour réussir et faire développer mon pays. Rien ne me fera reculer...", confie-t-elle fièrement. Non sans rappeler que ses partenaires voient en elle "une jeune femme battante, visionnaire et qui a gagné en crédibilité malgré les multiples pièges de ses concurrents. Ils continuent de m’appuyer".
Un marché "court-circuité" par "AD Trade...
Entre-temps, elle a eu à soumissionner à énormément de marchés au Sénégal qui, a-t-elle regretté, ont été annulés par la suite : "La société AD trade voulait gérer ça directement alors que c’est nous qui avions l’exclusivité depuis 2020. On a vu notre projet annulé sans raison précise. Nous n’avons pu rencontrer en personne le Président Macky Sall, Chef Suprême des Armées, malgré plusieurs tentatives. Ce qui est très dommage pour une citoyenne sénégalaise qui veut servir son pays. Voir le Président de la République ne doit pas être difficile pour les entrepreneurs sénégalais. Rien que dans le domaine médical, nous avions proposé avec nos partenaires russes de financer et d’intervenir sur le plan technique pour la construction d’hôpitaux au Sénégal (Dantec, Ziguinchor, Touba, Mbour, Principal…). Malheureusement, nos demandes d’audience pour rencontrer le Ministre de l’époque Diouf Sarr, n’ont jamais eu de suite. Ils ne voulaient même pas répondre aux lettres d’intention déposées. On remarque que l’ensemble des constructions d’hôpitaux étaient données à une société française de la place du nom de Ellypse Projects et pourtant c’était avant la guerre Russie-Ukraine. Un dossier de financement de 200 ambulances a été déposé également au niveau du Ministère de la Santé, on m’a appelé pour me dire que le dossier était perdu puis quelques temps après nous avons reçu un mail anonyme révélant un marché gré à gré de 71 milliards de Francs CFA octroyé à une entreprise de la place avec des ambulances avec une surfacturation de 20 milliards Francs CFA. Pareil pour l’environnement. Des projets de mes partenaires belges n’ont jamais trouvé de suite aussi bien dans la défense, que le médical et l’environnement, l’Energie… C’est pareil pour les projets de l’Etat Serbe".
Aidée par des étrangers, la jeune entrepreneure Madame Fatou Kiné Cissé fait ainsi partie de ceux qui se sentent, plus ou moins, trahis par certains de ses compatriotes... Mon pays ne m’aide pas à avancer". Raison pour laquelle cela ne l’étonne point que "beaucoup de jeunes préfèrent partir. Depuis 2021, un combat est mené à mon encontre et à l’encontre de ma société et de mes partenaires".
Entretien réalisé par un journaliste