Selon une source militaire citée par l'AFP, c'est l'expérience du Colonel Tuo Fozié qui a conduit à sa nomination au poste de préfet de Bouaké, dans le centre de la Côte d'Ivoire. Dans un décret pris le 6 août dernier et publié par le quotidien local Fraternité-Matin, l'administration a décidé d'affecter cet ex-Com'Zone dans cette région, épicentre de la rébellion au début des années 2000. Une région qui a été l'un des points chauds de la série de mutineries qui ont ponctué l'année 2017.
Expérience et connaissance de Bouaké
«Le Colonel Tuo Fozié a été nommé préfet de région et préfet du département de Bouaké parce qu'il est militaire et connaît bien la région», lâche une source militaire citée par l'AFP. C'est donc l'expérience de ce mandingue originaire d'Odienné qui justifie auprès de l'administration ivoirienne sa nomination. Il devrait mettre sa connaissance de la région pour ramener un semblant de calme dans cette zone très souvent remuée par de micmacs politico-militaires.
C'est de la région de Bouna, dans le nord-est de la Côte d'Ivoire à la frontière avec le Ghana où Tuo Fozié était préfet qu'il est réaffecté vers Bouaké où il devient préfet de région et de département. Une double casquette pour le passé intriguant d'un homme aujourd'hui âgé de 44 ans qui a fini par troquer son treillis de rebelle pour le costume bleu et le képi brodé de l'administration territoriale. On en oublierait presque sa légende noire.
C'est à la fin de l'année 2000, que cet officier supérieur des ex- Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI), s'est paré du masque de rebelle. Bien avant ce forfait, il a servi le Général Robert Gueï, l'homme qui mena, le 24 décembre 1999 à la tête d'un groupe de soldats-mutins, le fameux «coup d'Etat de Noël» contre Henri Konan Bédié, point d'orgue d'une crise politico-militaire dont la Côte d'Ivoire subit encore les séquelles.
Mais très vite, la junte se fissure, victime de querelles de leadership. Activement recherché par la justice en Côte d'Ivoire, il se réfugie alors au Burkina où il est logé dans une luxueuse villa au quartier de Somguandé dans le nord de Ouagadougou. C'est en ce moment-là , que Laurent Gbgabo prend la place de Robert Gueï en Côte d'Ivoire alors que Blaise Compaoré était au pouvoir au Burkina-Faso.
La preuve d'une capacité de nuisance conservée par les ex-rebelles
C'est dans ce pays qu'avec un groupe d'hommes que Tuo Fozié s'entraîne à renverser le pouvoir par un autre coup d'Etat. L'assaut que le commando mène sur Abidjan en s'appuyant sur des soldats mutins sera repoussé mais il aura le temps de conquérir des villes comme Korhogo et ... Bouaké. La Côte d'Ivoire et le monde entier découvrent alors le nom d'un mouvement rebelle publiquement baptisé Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI). Tuo Fozié en devient le porte-parole et, sans le vouloir peut-être, prête sa figure à la rébellion pour avoir couvert la zone 3 (Bouaké) avec les autres com'zones Issiaka Ouattara dit Wattao et Chérif Ousmane dit « Papa Guépard ».
Négociateur hors-pair, c'est Fozié, chef des opérations, qui représente avec sa barbe broussailleuse de maquisard de l'époque, le MPCI auprès des négociateurs de la CEDEAO, sous l'égide de Faure Gnassingbé Eyadema. Ce rôle lui réussit puisque c'est sa signature que l'on retrouve au bas du document de l'accord de cessez-le-feu que l'on a fini par arracher. Ce n'est que l'accord de Marcoussis qui met fin à la carrière militaro-rebelle de cet ex-com'zone souvent enlacé de lianes de gris-gris.
Ministre de la Jeunesse dans le gouvernement de réconciliation, il verra ses galons s'allonger en étant promu dans l'administration où il est devenu en 2012, le préfet de la Région de Boukani et de Bouna. Pour beaucoup, cette nouvelle nomination par l'Administration Ouattara sonne comme une continuation des « récompenses» pour l'avoir aidé à accéder au pouvoir.
A quelques mois des élections régionales et locales, d'autres mettent en avant sa prochaine prise de fonction dans ce fief de la rébellion qu'il connait bien comme une assurance de la sérénité du scrutin dans cette localité souvent à la croisée des vents contraires de la politique et des armes. «D'ici peu, vous verrez qu'il réussira à mettre de l'ordre à Bouaké. Le président de la République ne l'a pas envoyé ici pour rien », se serait écrié un des anciens compagnons d'arme de Tuo Fozié. Une preuve, une de plus, que l'ancienne rébellion conserve encore tout son réseau et toute son aura. De même que toute sa capacité de nuisance !