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Cheikh Sène, Enseignant-chercheur à l’Ucad : « La sortie du Cfa n’est pas une urgence sociale...»


Rédigé le Vendredi 29 Mars 2024 à 18:30 | Lu 125 fois | 1 commentaire(s)




« CHER PRÉSIDENT ÉLU,

Félicitations pour votre victoire à l’élection présidentielle. Au moment où vous vous apprêtez à prendre les rênes de notre nation, je vous exhorte à vous concentrer sur l’essentiel.

L’essence de votre mandat réside dans la responsabilité de représenter et de servir chaque citoyen, avec intégrité, empathie et détermination.

Dans un monde où les distractions abondent et où les défis sont nombreux, il est crucial de rester focaliser sur les besoins réels de notre société.

Que ce soit en matière d’économie, de santé, d’éducation, de justice sociale ou d’environnement, vos actions doivent être guidées par une vision claire et un engagement indéfectible envers le bien-être collectif.

Le chemin à parcourir sera semé d’obstacles et de compromis, mais en gardant toujours à l’esprit, les valeurs fondamentales qui nous unissent, vous pourrez tracer un chemin vers un avenir meilleur pour tous.

Écoutez la voix du peuple, agissez avec sagesse et tenez-vous fermement aux principes qui incarnent l’esprit de notre nation.

En vous concentrant sur l’essentiel, vous pourrez transcender les divisions, surmonter les obstacles et réaliser des progrès significatifs qui laisseront un héritage durable, pour les générations futures.

Que votre présidence soit marquée par le courage, la compassion et la vision nécessaire pour répondre aux défis de notre temps et pour guider notre nation vers des horizons de prospérité, de paix et d’unité.

Je vous souhaite force et sagesse dans vos actions à venir. La nation tout entière vous regarde avec espoir et confiance. Ne vous laissez jamais distraire par ceux qui sont dans la parole, sachez maintenant que vous êtes désormais dans l’action.

Nous savons tous que le socle du projet pastef n’est pas le CFAxit, la sortie du CFA n’est pas une urgence sociale.

Les priorités des Sénégalais sont ailleurs ; plus de justice sociale, mettre fin au bradage et partage de notre foncier, pointer le curseur sur l’emploi et l’employabilité des jeunes.

Le président Sonko a tiré toutes les leçons de la crise en Grèce et du Brexit, raison pour laquelle son discours a beaucoup évolué concernant la monnaie.

Il sait aussi que le Sénégal fait partie d’une union « la CEDEAO », qui réfléchit sur la mise en place d’une monnaie commune, ce processus une fois arrivé à terme, sera une aubaine pour les politiques économiques de nos états.

De fait, sortir du franc Cfa illico presto, n’est pas la solution à nos problèmes.
Les partisans du CFAxit, voyons en quoi leurs arguments ne tiennent pas.

Certains activistes politiques et intellectuels africains prônent le CFAxit et la création d’une nouvelle monnaie pour les pays de la zone franc. Défendu par certains économistes comme Demba Moussa Dembélé, Martial Ze Belinga… Ce scénario permettrait aux pays de l’UEMOA d’en finir avec des performances économiques faibles, en dessous de la moyenne économique des autres pays de l’Afrique. Ce discours, rassurant, séduit de plus en plus d’africains.

Que peut-on leur répondre ?

C’est si facile de discréditer le franc Cfa. Quelle idée se font les africains du franc Cfa ?


Pour les panafricanistes, l'arrimage du franc Cfa à l’euro ne facilite pas la croissance économique et le développement. Avec cette monnaie accrochée à l’euro par une parité fixe, rendent impuissants nos Etats face aux marchés financiers. On ne peut pas leur donner tort. Cependant, il est injuste de faire du franc Cfa, la source de tous nos maux. La crise de 2008, le covid-19, la guerre Russo-ukrainienne ont accentué la pauvreté et ont surtout mis en lumière, que les Etats africains ayant accepté de partager la même monnaie, ont oublié une règle cardinale : une union monétaire ne peut se limiter à la création d’une monnaie unique et à l’instauration de la libre circulation des capitaux. Sans union budgétaire, cela ne fonctionne pas.

Et c’est bien pour cela que les partisans du CFAxit souhaitent la sortie du franc

Ils se trompent ou nous trompent sur ce qui passerait vraiment, si on mettait fin à l’aventure du franc Cfa. Si les pays de l’UEMOA changeaient de monnaie, nous ne serions pas plus forts, mais bien plus vulnérables face à la spéculation. Changer de monnaie n’a jamais rendu riche un pays, la monnaie n’est qu’un outil économique, pas une panacée. Avoir sa propre monnaie est symbole de souveraineté, juste un moyen de pouvoir s’affirmer, mais pas d’enrichissement.

Peut-on croire à la dévaluation compétitive ?

On améliorerait sûrement notre compétitivité, en ayant cette souveraineté de pouvoir dévaluer ou pas notre monnaie. Mais on ne serait pas les seuls à vouloir le faire en Afrique. On n'évitera pas une guerre des monnaies avec le reste de l’Afrique, qui voudraient, eux aussi, relancer leur économie par ce biais.

Les partisans du CFAxit n’oublient-ils pas aussi, volontairement ou non, de parler des conséquences d’une telle décision pour les épargnants ?

Il faut leur dire là encore qu’on rentrerait dans une période où les litiges seraient nombreux, quant à la façon d’interpréter un contrat d’assurance-vie ou de tout autre produit d’épargne. Les Etats pourront tenter de jouer les arbitres, mais comme toujours dans ces cas-là, il y aura des perdants et des gagnants. Et les lobbies les plus puissants seront comme d’habitude, en mesure de faire jouer leurs intérêts. On voit mal le petit épargnant dans le camp des gagnants. D’autant que les plus riches peuvent bien facilement délocaliser leur épargne. On l’a vu en Grèce, quand une sortie de l’euro était plausible. Le risque, c’est que les plus gros détenteurs de capital aient les moyens de s’en sortir, en laissant pour compte les petits épargnants, sans parler, par la suite, de l’effet de l’inflation qui ne favorise pas du tout l’épargne.

Mais que peut-on faire alors ?

« La monnaie est au service d’une économie qui, elle-même, est au service d’une vision »

Le salut de l’Afrique est d’avoir des leaderships éclairés, qui ont une vision. Aucun pays africain ne se développera parce qu’il a abandonné le franc Cfa. Le fait, d’avoir sa propre monnaie, est juste une question de souveraineté monétaire et nationale.

En revanche, le développement requiert un leadership visionnaire, efficace, pragmatique et courageux. C’est sous une vision et un leadership que l’on arrivera à changer radicalement une société dès la base, au niveau de l’éducation, afin de parvenir à définir le type de citoyens qu’on souhaite avoir dans les vingt ou trente prochaines années, car n’oublions surtout pas que la ressource la plus cruciale d’une nation, ce sont les hommes, il faut former les hommes à une idéologie nouvelle, comme l’ont fait les Chinois et les Allemands.

Les pays les plus pauvres dans ce monde, ont leur propre monnaie, je peux en citer quelques ; la Somalie, le Madagascar, le Mozambique, le Sud Soudan, la Gambie, la Mauritanie, la liste est loin d’être exhaustive.

Bref, le retard de notre pays est à chercher ailleurs, le franc Cfa est une bonne monnaie, qui a des manquements certes, à améliorer par exemple ; le taux de change fixe, les réserves déposées au Trésor français… J’arrête ma réflexion, tout en espérant que le sommet extraordinaire de l’UEMOA, sera une occasion pour les pays de la zone franc de se mettre d’accord sur l'ÉCO. »






Cheikh Sène, Enseignant-chercheur à l’Ucad
Courriel : csene997@gmail.com
 
 



1.Posté par Macey Vinnie le 29/03/2024 22:27
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