Cheikh Anta Diop : et l'Égypte retrouva sa boussole africaine !


Rédigé le Mercredi 8 Février 2017 à 00:07 | Lu 96 fois | 0 commentaire(s)




Cheikh Anta Diop : et l'Égypte retrouva sa boussole africaine !
Cheikh Anta Diop a porté haut le message d'une Égypte antique marquée par l'Afrique. © DR
 
 
Cheikh Anta Diop a porté haut le message d'une Égypte antique marquée par l'Afrique.
 
Cheikh Anta Diop a porté haut le message d'une Égypte antique marquée par l'Afrique. © DR

Avec Cheikh Anta Diop, l'Afrique, terre des premiers hommes, a retrouvé sa place dans l'histoire antique de l'humanité, notamment dans l'histoire de l'Égypte. 

Toute sa vie, Cheikh Anta Diop a œuvré pour une meilleure connaissance de la culture de l'Égypte antique, et notamment de son imprégnation africaine. Et son message n'était pas seulement à destination des Africains, qu'il invitait à prendre conscience de cette réalité, mais aussi à tous ceux qui, par méconnaissance ou par calcul, ont voulu nié ce qui lui est apparu comme une réalité, une vérité historique incontournable. 

Autant dire pour paraphraser le grand écrivain et ethnologue malien Amadou Hampâté Bâ qu'à sa disparition, le 7 février 1986, c'est plus qu'une bibliothèque qui a brûlé. Mais quel a été son parcours de vie ?  

Naissance et évolution au cœur du Sénégal

Cheikh Anta Diop naît le 29 décembre 1923 à Caytu, un village à une centaine de kilomètres à l'est de Dakar. Il est le fils unique de Massamba Sassoum Diop, qui décède peu de temps après sa naissance, et de Magatte Diop, une mère qui a laissé la trace d'une femme droite, courageuse et généreuse. Le petit garçon qu'il était, tient son nom de « Vieux Cheikh Anta », son oncle maternel par alliance. 

Et pour la petite histoire, c'est un autre de ses oncles, Cheikh Ahmadou Bamba, qui a fondé en 1883 au Sénégal, la confrérie des Mourides avant de porter sur les fonts baptismaux la ville sainte de Touba. Envoyé dès 5 ans auprès de celui qu'on appellera Serigne Touba ou Khadimou Rassoul, il quitte sa mère pour le village de Coki, fief des Diop. À l'école coranique, le petit garçon apprend la vie selon l'éthique mouride. 


L'étude d'abord, car un bon mouride doit avoir une bonne connaissance des textes sacrés ; le travail ensuite, « comme si tu ne devais jamais mourir » ; et aussi, la prière « comme si tu devais mourir demain ». Dans cette famille d'érudits mais aussi de résistants à l'occupation française (ses 2 oncles seront exilés au Mali et au Gabon par l'administration coloniale qui redoute le succès de leurs idées nationales auprès du peuple), il apprend à connaître et à aimer sa culture, à confronter son intelligence à la logique, à s'imprégner d'une certaine morale, de théologie, de philosophie, de grammaire et de mathématiques. 

Une approche précoce du fait culturel africain 

Au collège, le jeune Cheikh Anta est sur une orbite originale. Le voilà qui s'emploie à créer un alphabet à destination de toutes les langues africaines, à rédiger une histoire du Sénégal, à traduire des philosophes européens en wolof... Autant dire que le jeune Cheikh Anta met à l'épreuve sa soif de connaissances et de communication.  
  

Après son bac en mathématiques et philosophie obtenu à Saint Louis et à Dakar, il se destine à une carrière d'ingénieur en aéronautique. C'est ainsi qu'il arrive en France en 1946. Il se retrouve en classe de mathématiques supérieures au lycée Henri-IV de Paris. 

Parallèlement inscrit à la Sorbonne, il y obtient une licence en philosophie dans la classe de Gaston Bachelard tout en poursuivant ses travaux en linguistique, et chimie dont il obtient deux certificats et une spécialisation en physique et chimie nucléaire. Il est alors maître-auxiliaire de physique-chimie au lycée Claude-Bernard à Paris. 

  

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Après les maths, la chimie, la linguistique... l'histoire

Bien qu'adossé à sa culture wolof à laquelle il est très attaché, le jeune homme ressent un « vide culturel ». Son désir de se réaliser en tant qu'être humain le mène tout naturellement à l'histoire, la sienne, et non celle apprise dans les manuels scolaires, une histoire qu'il qualifiera de « falsifiée » parce que partant dans une logique inacceptable à ses yeux, celle où la « race noire » est dominée, et la « race blanche » dominante.  
  

En 1954, il publie son ouvrage Nations nègres et culture, somme anthropologique dans laquelle il s'emploie à démontrer l'antériorité négro-africaine de la civilisation égyptienne et son apport à la civilisation helléniste. 

Une approche qu'il soutient d'autant plus facilement que les Grecs eux-mêmes ont reconnu avoir puisé nombre de leurs connaissances en philosophie (Aristote, Platon), en histoire (Hérodote), en mathématiques (Pythagore, Thalès) dans l'Égypte antique. Dans ses travaux, il s'applique à démontrer la continuité historique de cette civilisation dans toute l'Afrique autour de la spiritualité (le culte des ancêtres), l'écriture (les hiéroglyphes, pères des alphabets Bamoun du Cameroun et Vaïs de la Sierra Leone), des coutumes (matriarcat prédominant dans l'Égypte antique, chez les Bambara et les Kongo) ou de l'art (statuaire, poésie, musique). 

« Pour recréer un corps de sciences humaines africaines, il faut repartir de l'Égypte, renouer avec les Antiquités égyptiennes, seule façon de réconcilier les civilisations africaines avec l'histoire », disait-il.  


En 1960, Cheikh Anta Diop rentre définitivement au Sénégal. Il est assistant à l'Institut français d'Afrique noire (Ifan) alors dirigé par Théodore Monod. Avec son accord, il crée et dirige un laboratoire de datation par les méthodes radioactives. La datation au carbone 14 lui permet de poursuivre ses recherches en histoire (égyptologie), archéologie (inventaire archéologique du Mali), linguistique. Inlassablement, le voilà qui parcourt l'Afrique et le monde, de colloques en conférences, continuant d'écrire. Parmi ses chantiers, une commande de l'UNESCO : L'Histoire générale de l'Afrique et Civilisation et barbarie

Par Bernadette Tudieshe 
 



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