PAR AICHA FALL THIAM & NDEYE FATOU SECK OBSERVATEUR
Barth shoote Me Wade
Virulent à l’endroitdu régime de Me Abdoulaye Wade, Barthélemy Dias, leader des Jeunesses socialistes, a, lui aussi, été enfoncé par un enregistrement. Lors du procès, le Procureur n’a pas cherché loin pour trouver l’élément matériel essentiel pour asseoir la constance d’un fait jugé délictuel. Il a attendu le jour du jugement pour produire un Cd, surprenant à la fois le tribunal et les avocats de la défense.Dans le disque, on entend la voix de Barthélemy Dias traitant le procureur de la République, Lamine Coulibaly, de «magistrat véreux et corrompu qui ne fait pas honneur à la Justice». Le chef de l’Etat en prend également pour son grade. Le jeune socialiste l’y traite de «Président le plus vieux du monde, un assassin et un menteur». Pour tirer Barthélemy d’affaire, ses avocats convoquent l’article 414 du Code de procédure pénale pour que l’enregistrement produit par le Parquet soit écarté des débats. Finalement, Barthélemy Dias sera gracié par Me Wade, à qui il refuse tout de même de présenter des excuses.
Diombass trempe dans du politico sexuel
Son cas a été le plus pathétique. Rival politique de Oumar Sarr (actuel coordonnateur du Pds) dans le département de Dagana, Diombass Diaw, jusque-là inconnu de la scène médiatique, est mêlé à une affaire de sexe. Une dame répondant au nom de Khadija Mbaye, le filme en tenue d’Eve alors qu’il a fini d’assouvir sa libido. L’image se retrouve sur la toile et fait le buzz. La victime soupçonne Oumar Sarr et décide d’ester en justice. Lors du procès, Mlle Mbaye reconnaît qu’elle a aussi été utilisée dans ce jeu. «J’étais jeune, mère de trois enfants et divorcée. Je me suis dit que cela pouvait être une ouverture pour m’offrir une vie meilleure et en même temps à mes enfants.» Son co prévenu, Abdou Salam Sarr, chef de Cabinet du ministre Oumar Sarr à l’époque, lui avait promis, dit-elle, «5 millions de FCfa, une villa et un passeport diplomatique».
Aly khoudia diao, sociologue :
«L’évolution de la société sénégalaise montre de plus en plus l’émergence de la haine»
«Le phénomène des écoutes et des enregistrements téléphoniques, ainsi que la prise de films vidéos dans un contexte d’intimité pose la problématique des relations (amoureuses, sociales, de voisinage, de copinage, de travail) que nous entretenons avec nos concitoyens, et qui reflète notre degré de sincérité. Les écoutes téléphoniques sont de plus en plus utilisées comme des moyens de chantage contre des gens que nous fréquentons tous les jours, mais dont, peut-être, la réussite sociale emplit de jalousie et de haine, obligés que nous sommes de courber l’échine devant eux et de faire semblant. Oui, faire semblant à tous les coups en attendant le bon moment pour donner le coup de grâce et trahir. L’évolution de la société sénégalaise montre de plus en plus l’émergence de la haine, de la rancœur, de la méchanceté gratuite surtout envers les hommes politiques, les milliardaires qui attirent comme des mouches les people du show-biz, les musiciens-griots, les troubadours, les rabatteurs ou juste des gens à la recherche d’une promotion à tous les coups, etc. L’amitié sincère n’existe plus, avoir confiance en quelqu’un est devenu difficile. Les valeurs comme le «jom (la dignité)», le «kersa (la pudeur)», l’humilité, le culte de l’excellence sont reléguées au second plan. Les contrevaleurs et les anti-modèles sont omniprésents à la télévision. Les clowns, les dévergondés, les putes recyclées, les artistes comédiens qui ne sont sortis d’aucune école de théâtre nous pompent l’air à longueur de journée. C’est de l’éphémère, c’est du vent, on ne vieillit pas avec ça. Ce n’est quand même pas pour ça que nous avons été à l’école. Ce n’est pas de la culture. C’est de la sous-culture. Malheureusement, on mettra tous du temps à le comprendre et d’ici-là , toute une génération risque d’être sacrifiée.»
ME BABA DIOP, JURISTE
Deux à cinq ans de prison pour l’auteur et le complice
«Il faut faire la différenciation suivant un certain nombre de niveaux. Si c’est une conversation privée qui n’a aucune incidence particulière sur la vie privée d’une personne, sa diffusion ne pose pas problème. Si la diffusion de cet enregistrement tendrait à mettre la pression sur une autre personne afin d’avoir un avantage indu, cela pourrait être constitutif d’une infraction pénale qu’on appelle l’extorsion de fonds. S’il s’agit d’images, il faudrait voir si elles ont été filmées dans un cadre privé ou public. Si c’est dans un lieu privé, là , on est en face d’une violation du droit à l’intimité de la personne. Mais, si c’est dans un lieu public, il n’y a pas de problème dans ce cas. Le diffuseur est le complice de celui ou celle qui a filmé l’image ou la vidéo. Le diffuseur est coupable de complicité de celui qui, dans un but d’extorsion de fonds, voudrait soustraire de l’argent à la personne filmée. Le diffuseur est considéré comme celui qui a aidé. L’extorsion de fonds est sanctionnée par le Code pénal et les sanctions prévues dans ce cadre varient de 2 à 5 ans pour l’auteur. Le complice emprunte la peine de l’auteur principal, donc c’est la même peine qui s’applique à l’auteur principal et au complice.»
OUSTAZ TAIB SOCE, ISLAMOLOGUE
«L’Enfer aux hypocrites qui s’adonnent à d’aussi viles pratiques»
«Les smartphones regorgent de beaucoup d’avantages, mais aussi d’énormes inconvénients. Un Musulman ne doit pas s’abaisser à d’aussi viles pratiques dans la mesure où elles sont interdites par l’Islam. Dans la sourate 49 «Al Hujirat», le Créateur interdit la médisance, Il y interdit tout autant de fouiller dans les affaires d’autrui ou d’espionner son prochain. Un Musulman ne doit pas trahir la confiance de son prochain. Et divulguer un enregistrement confidentiel ou privé, ou diffuser des images ou des vidéos estampillées privées est une forme de trahison. Tout Musulman qui s’adonnera à de telles pratiques verra ses mauvaises actions mises à nu le jour du Jugement dernier et son corps sera destiné aux flammes de l’Enfer. C’est un complexe d’infériorité. Ce genre de pratiques est souvent l’œuvre de personnes hypocrites.»
DR MOUHAMADOU LO, PRESIDENT DE LA COMMISSION DE PROTECTION DES DONNEES PERSONNELLES
«Google est disposé à nous aider dans la protection des données personnelles des citoyens sénégalais»
Mise en place en 2008, la Commission de protection de données personnelles (Cdp), qui n’a commencé à fonctionner qu’en décembre 2013, se fixe comme principale mission de veiller à la protection des citoyens contre l’utilisation abusive de leurs données personnelles.
Que fait concrètement votre commission pour lutter contre la diffusion d’informations personnelles (enregistrements sonores, vidéos) sur le Net ?
Ce qu’il faut savoir sur ce dossier, c’est que la Cdp a très peu de marge. Parce qu’actuellement, il y a un vide juridique concernant les enregistrements clandestins. La Cdp n’intervient que quand la personne parvient à identifier la personne incriminée. Mais la Cdp fait face à des limites objectives quand il s’agit de réprimer. Là , ce n’est plus de notre ressort et c’est le juge qui doit intervenir. La Cdp peut juste s’autosaisir quand un enregistrement est mis en ligne sur un site internet. Dans ce cas, ce que la loi nous permet, c’est de saisir le responsable du site et de lui demander de retirer la vidéo ou l’enregistrement sonore incriminé. C’est la même démarche qu’on adopte si quelqu’un met la photo d’autrui en ligne.
Vous est-il arrivé de le faire ?
Oui. Nous l’avons fait récemment quand un site de la place a mis en ligne la photo d’une personne sans l’accompagner d’un article. Par la suite, il y a eu des commentaires désobligeants d’internautes derrière et ce sont ces commentaires qui ont choqué la personne concernée qui nous a saisis. Nous avons servi une injonction au site en question et il a retiré la photo. Tout simplement.
Pourquoi ne pas faire ce travail de vulgarisation auprès des Sénégalais afin qu’ils sachent la voie à suivre si toutefois leurs données personnelles sont publiées à leur insu ?
Nous ne cessons de le faire. Nous avons réalisé des articles, des sorties dans la presse, mais je conviendrai avec vous que nous n’avons pas encore totalement atteint notre cible. C’est-à -dire de faire en sorte que le Sénégalais lambda ait le réflexe de s’approcher de la commission. Mais, si vous visitez notre site aujourd’hui, le citoyen a la possibilité de formuler des signalements, de porter plainte ou juste de poser des questions.
Récemment, des enregistrements (Tange/ Bébé Basse, Souleymane Jules Diop, Moustapha Cissé Lô etc.) ont été diffusés sur le Net provoquant un tollé, mais il n’a aucunement été fait état de la réaction de la Cdp. Comment expliquez-vous cela ?
Notre rôle est limité à cause du vide juridique. Nos prérogatives s’arrêtent juste au fait de dire aux responsables du site incriminé de retirer la vidéo. On peut aussi accompagner les personnes concernées dans leur action judiciaire. Cela, on le fait systématiquement à la demande du plaignant. Parfois, il y a des enjeux familiaux derrière et la Cdp doit prendre tout cela en compte afin de protéger la vie privée de la personne car, il y en a certains qui ne voudraient pas que leur famille sache qu’ils sont «mouillés» dans telle ou telle affaire. C’est pour cela que nous travaillons toujours en préservant l’anonymat des personnes qui nous saisissent.
Combien de plaintes avez-vous reçu depuis votre mise en place ?
Au total, nous avons reçu 28 plaintes et six de ces plaintes étaient liées à des photos ou vidéos publiées sur les réseaux sociaux. Le reste concerne des affaires de vidéo-surveillance ou d’installation de système biométrique à l’insu des employés dans une entreprise. Dès notre installation, nous avons pris contact avec l’association de la presse en ligne et ils ont été très coopératifs. Ils ont été de bonne foi et à chaque fois que nous les saisissons, ils acceptent de coopérer. La Cdp n’a pas encore accusé de refus de la part d’un éditeur de presse. Et même Google est disposé à nous appuyer.