Jeune Afrique : Le départ de Yahya Jammeh peut-il accélérer la résolution du conflit casamançais ?
Jean-Claude Marut : Le conflit se situe d’abord entre l’État sénégalais et la rébellion, mais le départ de Jammeh a accentué l’évolution du rapport des forces en faveur de Dakar, en particulier face à la faction radicale de Salif Sadio, qui bénéficiait d’un soutien implicite de l’ex-président gambien – et cela, malgré l’ouverture de discussions à Rome, depuis 2012.
Quelle forme prenait ce soutien au MFDC ?
La rébellion casamançaise était un moyen de pression dans son bras de fer avec Dakar. À partir de 2006, Salif Sadio a eu besoin de nouvelles bases arrière et de sources de ravitaillement en armes. Jammeh lui a offert ces possibilités en Gambie. En 2010, un navire transportant des armes iraniennes à destination de Banjul avait été arraisonné au Nigéria. D’autres livraisons avaient déjà eu lieu – et ont sans doute bénéficié en partie à Sadio, qui a mené cette année-là des offensives beaucoup plus efficaces contre l’armée sénégalaise.
Comment Adama Barrow peut-il œuvrer à une résolution pacifique du conflit ?
Il a certes remporté la présidentielle, mais il doit en grande partie son accession au pouvoir au Sénégal, qui a été à la manœuvre derrière la Cedeao pour « déloger » Yahya Jammeh. La moindre des choses qu’il puisse faire pour régler cette dette, est de ne plus soutenir la rébellion. Il pourrait aussi restreindre la liberté d’action et de mouvement des membres du MFDC en Gambie, qui jusqu’à présent, y circulaient comme chez eux.
Un accord de paix peut-il être trouvé à court terme entre l’État sénégalais et le MFDC ?
La rébellion est tellement affaiblie qu’il n’y a rien d’urgent pour Dakar à négocier. Pour qu’il y ait un accord, encore faudrait-il qu’il y ait une volonté des autorités sénégalaises en ce sens. Or je ne suis pas sûr qu’elle existe, en dépit des déclarations officielles.
De son côté, le MFDC n’a rien d’autre à proposer qu’une indépendance qui semble plus que jamais inatteignable. Vu la situation actuelle, il semble plus réaliste de s’attendre à un accord d’accompagnement d’un cessez-le-feu, favorisant la démobilisation et la réinsertion des combattants, qu’à un véritable accord de paix en Casamance.
Par Benjamin Roger (J.A)