Sur la Petite côte, le sujet est sur toutes les lèvres. L’émigration clandestine, après une longue trêve, a repris de plus belle en ce mois d’octobre. A Mbour, notamment aux lieudits Tefess et Golf, quartiers essentiellement peuplés de pêcheur, il ne se passe pratiquement plus un seul jour sans que des jeunes pêcheurs n’embarquent à bord de pirogues pour tenter de rejoindre les îles Canaries. Selon ces jeunes pêcheurs, principalement, leur activité ne les fait plus vivre dignement. Les causes sont multiples. Mais un seul constat s’impose : ils font face à une pauvreté qu’ils ont du mal même à expliquer. Ici, la pauvreté qui a frappé ces jeunes, n’épargne guère la cellule familiale.
C’est donc la précarité dans les familles qui précipite ces jeunes, pourtant encore éligibles sur le marché de l’emploi, à vouloir tenter leur chance loin des leurs. Au quartier Golf, chez la famille Sèye, deux membres de la famille ont pris les pirogues en l’espace de trois jours. Les parents qui nous accueillent sont d’un âge avancé. Le père est septuagénaire tandis que la mère de famille, entourée de quelques-uns de ses petits-enfants, affiche la soixantaine révolue. C’est une famille de dix bouts de bois de Dieu dont sept filles. La seule source de revenus, c’est la pêche. Le père, pêcheur de son état, n’exerce plus depuis sept ans maintenant.
La famille ne dispose même pas de pirogue. Les trois fils du patriarche sont tous des pêcheurs, mais ne gagnent pratiquement plus rien pratiquement de leur activité, nous confesse le vieux Matar Sèye. « Mon fils, notre famille vit mal. Il nous arrive assez souvent de sauter des repas plusieurs fois dans la semaine. Vous voyez que je m’affaire à tenir une gargote qui propose le petit déjeuner. Il est vrai que j’en tire quelques sous, mais ces gains ne me permettent pas de pouvoir faire face efficacement à toutes nos charges. Je peux avoir 30.000 Frs CFA de bénéfice par mois mais cela ne me permet pas de faire face à toutes les charges du ménage dont la dépense quotidienne. Il faut y ajouter d’autres dépenses telles que la facture d’électricité, celle d’eau et quelques frais médicaux. Je ne vois donc pas comment nous pouvons nous en sortir. C’est pourquoi, lorsque mon fils cadet m’a informé de son projet de voyage, je ne m’y suis guère opposé. J’ai prié et offert de l’aumône pour qu’il arrive en Espagne en paix et Dieu a exaucé mes prières. Avant-hier, Il m’a appelé pour m’informer qu’il est bien entré en territoire espagnol. Cela s’est passé de la même manière avec son frère aîné, Alioune, parti une semaine plus tôt. »
Son épouse Mbengué s’estime soulagée et espère voir ses deux fils revenir les poches pleines d’ici cinq voire dix ans. Elle le souhaite d’autant plus ardemment que des candidats à l’émigration clandestine, partis trois ans plus tôt, ont aidé leurs familles à reconstruire leurs maisons.
Quand la précarité précipite les jeunes vers les dangers de l’océan
Dans l’autre quartier épicentre de la recrudescence de l’émigration clandestine, c’est comme si la vie s’était arrêtée soudainement. A Tefess, l’on ne se cache plus. C’est en plein jour que des jeunes parlent de leur projet de voyage pourtant censé être clandestin ! Une autre famille, une autre histoire. Nous voilà au domicile des Dieng. Ici, seule la mère de famille nous accueille, le père de famille n’est plus de ce monde, nous informe Aïssatou, 40 ans tout juste. Veuve depuis deux ans, elle n’a pas encore pu se remarier et doit entretenir toute seule une famille de cinq enfants dont une fille aînée de 21 ans. L
e garçon le plus âgé n’a que dix-huit (18) berges. Mangoné est parti dix jours auparavant après que sa mère a perçu sa part de la tontine du coin, à quoi se sont ajoutées quelques économies tirées de son petit commerce de micro-mareyage qu’elle exerce au quai de pêche. « Honnêtement, je me suis toujours opposée à cette aventure périlleuse mais je dois vous dire que je n’avais plus le choix. J’ai remis 300.000 francs à mon fils sachant que je vais serrer le pagne car je suis persuadée que c’est la meilleure solution pour nous. Il n’y a plus de boulot ici pour les jeunes et ceci nous plonge dans la pauvreté. Voyez-vous, nous vivons presque dans le dénuement. Cette bâtisse qui nous sert de domicile peut s’écrouler à tout moment. Je sais que trouver de l’emploi en Europe ne sera pas chose aisée pour des clandestins qui devront s’atteler d’abord à avoir des pièces administratives afin de régulariser leur séjour, mais je ne doute point qu’il y parviendra. De toute façon, mon fils qui est bien arrivé en Espagne, va préférer cette situation à celle qu’il vivait ici », laisse entendre la jeune maman.
Après Golfe et Warang, nous nous rendons au quartier Zone Sonatel, dans la périphérie sud de la commune de Mbour. Ici, nous avons pu rencontrer Ismaïlia. C’est le frère ainé d’Amadou dit « Jean », un jeune déjà refoulé du Maroc en 2017. Contre toute attente, il a préféré confier sa boutique à sa sœur pour repartir à l’aventure. La famille Bâ ne vit pourtant pas dans la dèche. Une maison à étage, au style architectural recherché, la distingue nettement des autres maisons du coin. Le père, un enseignant à la retraite, ne se plaint guère.
La mère, commerçante, est très attachée à satisfaire les besoins de tous ses enfants, nous souffle une voisine. Ismaïlia nous avoue que son jeune frère lui a caché son intention de tenter encore l’émigration clandestine, car c’est à sa sœur Rokhaya qu’il s’en est ouvert. « Je suis vraiment surpris de constater que mon frère, après l’échec de sa première tentative, a pu penser encore à cette aventure périlleuse. Je suis sûr qu’il en a été convaincu par son ami qui est parti l’année dernière. C’est toute la famille, tout le coin qui désapprouve, mais le vin étant déjà tiré pour lui, nous lui souhaitons une bonne intégration car il nous a appelés pour nous informer qu’il était arrivé sain et sauf en Espagne », narre le bonhomme.
Le Témoin
C’est donc la précarité dans les familles qui précipite ces jeunes, pourtant encore éligibles sur le marché de l’emploi, à vouloir tenter leur chance loin des leurs. Au quartier Golf, chez la famille Sèye, deux membres de la famille ont pris les pirogues en l’espace de trois jours. Les parents qui nous accueillent sont d’un âge avancé. Le père est septuagénaire tandis que la mère de famille, entourée de quelques-uns de ses petits-enfants, affiche la soixantaine révolue. C’est une famille de dix bouts de bois de Dieu dont sept filles. La seule source de revenus, c’est la pêche. Le père, pêcheur de son état, n’exerce plus depuis sept ans maintenant.
La famille ne dispose même pas de pirogue. Les trois fils du patriarche sont tous des pêcheurs, mais ne gagnent pratiquement plus rien pratiquement de leur activité, nous confesse le vieux Matar Sèye. « Mon fils, notre famille vit mal. Il nous arrive assez souvent de sauter des repas plusieurs fois dans la semaine. Vous voyez que je m’affaire à tenir une gargote qui propose le petit déjeuner. Il est vrai que j’en tire quelques sous, mais ces gains ne me permettent pas de pouvoir faire face efficacement à toutes nos charges. Je peux avoir 30.000 Frs CFA de bénéfice par mois mais cela ne me permet pas de faire face à toutes les charges du ménage dont la dépense quotidienne. Il faut y ajouter d’autres dépenses telles que la facture d’électricité, celle d’eau et quelques frais médicaux. Je ne vois donc pas comment nous pouvons nous en sortir. C’est pourquoi, lorsque mon fils cadet m’a informé de son projet de voyage, je ne m’y suis guère opposé. J’ai prié et offert de l’aumône pour qu’il arrive en Espagne en paix et Dieu a exaucé mes prières. Avant-hier, Il m’a appelé pour m’informer qu’il est bien entré en territoire espagnol. Cela s’est passé de la même manière avec son frère aîné, Alioune, parti une semaine plus tôt. »
Son épouse Mbengué s’estime soulagée et espère voir ses deux fils revenir les poches pleines d’ici cinq voire dix ans. Elle le souhaite d’autant plus ardemment que des candidats à l’émigration clandestine, partis trois ans plus tôt, ont aidé leurs familles à reconstruire leurs maisons.
Quand la précarité précipite les jeunes vers les dangers de l’océan
Dans l’autre quartier épicentre de la recrudescence de l’émigration clandestine, c’est comme si la vie s’était arrêtée soudainement. A Tefess, l’on ne se cache plus. C’est en plein jour que des jeunes parlent de leur projet de voyage pourtant censé être clandestin ! Une autre famille, une autre histoire. Nous voilà au domicile des Dieng. Ici, seule la mère de famille nous accueille, le père de famille n’est plus de ce monde, nous informe Aïssatou, 40 ans tout juste. Veuve depuis deux ans, elle n’a pas encore pu se remarier et doit entretenir toute seule une famille de cinq enfants dont une fille aînée de 21 ans. L
e garçon le plus âgé n’a que dix-huit (18) berges. Mangoné est parti dix jours auparavant après que sa mère a perçu sa part de la tontine du coin, à quoi se sont ajoutées quelques économies tirées de son petit commerce de micro-mareyage qu’elle exerce au quai de pêche. « Honnêtement, je me suis toujours opposée à cette aventure périlleuse mais je dois vous dire que je n’avais plus le choix. J’ai remis 300.000 francs à mon fils sachant que je vais serrer le pagne car je suis persuadée que c’est la meilleure solution pour nous. Il n’y a plus de boulot ici pour les jeunes et ceci nous plonge dans la pauvreté. Voyez-vous, nous vivons presque dans le dénuement. Cette bâtisse qui nous sert de domicile peut s’écrouler à tout moment. Je sais que trouver de l’emploi en Europe ne sera pas chose aisée pour des clandestins qui devront s’atteler d’abord à avoir des pièces administratives afin de régulariser leur séjour, mais je ne doute point qu’il y parviendra. De toute façon, mon fils qui est bien arrivé en Espagne, va préférer cette situation à celle qu’il vivait ici », laisse entendre la jeune maman.
Après Golfe et Warang, nous nous rendons au quartier Zone Sonatel, dans la périphérie sud de la commune de Mbour. Ici, nous avons pu rencontrer Ismaïlia. C’est le frère ainé d’Amadou dit « Jean », un jeune déjà refoulé du Maroc en 2017. Contre toute attente, il a préféré confier sa boutique à sa sœur pour repartir à l’aventure. La famille Bâ ne vit pourtant pas dans la dèche. Une maison à étage, au style architectural recherché, la distingue nettement des autres maisons du coin. Le père, un enseignant à la retraite, ne se plaint guère.
La mère, commerçante, est très attachée à satisfaire les besoins de tous ses enfants, nous souffle une voisine. Ismaïlia nous avoue que son jeune frère lui a caché son intention de tenter encore l’émigration clandestine, car c’est à sa sœur Rokhaya qu’il s’en est ouvert. « Je suis vraiment surpris de constater que mon frère, après l’échec de sa première tentative, a pu penser encore à cette aventure périlleuse. Je suis sûr qu’il en a été convaincu par son ami qui est parti l’année dernière. C’est toute la famille, tout le coin qui désapprouve, mais le vin étant déjà tiré pour lui, nous lui souhaitons une bonne intégration car il nous a appelés pour nous informer qu’il était arrivé sain et sauf en Espagne », narre le bonhomme.
Le Témoin