C'était un secret de polichinelle tant la victoire de ADO (Alassane Dramane Ouattara) était attendue depuis dimanche mais il aura fallu patienter pendant deux jours puis la lecture, pendant des heures, des interminables résultats des communes d'Abidjan et de tous les départements de la Côte d'Ivoire pour qu'enfin le président de la CEI Issouf Bakayoko annonce le résultat sans appel de 83,66% en faveur du président sortant.
M. Ouattara, qui s'appuyait sur un bon bilan économique, devance Pascal Affi N'Guessan, le représentant du Front Populaire Ivoirien (FPI) fondé par l'ex-président Laurent Gbagbo, qui obtient 9,29% des suffrages. Une partie du FPI avait appelé au boycott au nom de la fidélité à Gbagbo, grand absent du scrutin qui attend son jugement pour crimes contre l'Humanité par la Cour pénale internationale dans une cellule aux Pays-Bas.
Le député Kouadio Konan Bertin, dit «KKB», figure de la vie politique ivoirienne, termine 3e avec 3,88% des voix, alors que les 7 autres candidats (dont 3 s'étaient retirés de la course mais figuraient sur les bulletins) se contentent de miettes (moins de 1%).
«La crise de 2010 derrière nous»
Le taux de participation (54,63%, 3 330 000 votants sur une liste électorale de 6 301 000) était un des principaux enjeux de cette élection alors que trois candidats et une partie de l'opposition avaient appelé au boycott, qualifiant le scrutin de «mascarade électorale».
De son côté, le camp Ouattara, confiant dans sa victoire, avait identifié la participation comme déterminante pour la crédibilité de l'élection.
Ces 54,63% sont «honorables», selon un observateur, alors qu'on s'attendait à un fort taux d’abstention. En 2010, la participation avait frôlé les 80% mais ce chiffre «exceptionnel» correspondait à une élection de «sortie de crise» organisée après d'innombrables reports depuis 2005 et avec trois candidats majeurs (Ouattara et les anciens présidents Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, qui soutenait Ouattara en 2015), selon un haut responsable ivoirien.
Une présidentielle apaisée et crédible dans ce pays, premier producteur mondial de cacao et poids lourd économique d'Afrique de l'Ouest, était jugée fondamentale pour tourner définitivement la page des violences meurtrières qui avaient suivi la victoire en 2010 de Ouattara sur son prédécesseur Gbagbo.
En 2010, son refus de reconnaître la victoire de M. Ouattara avait plongé le pays dans cinq mois de conflit qui s'étaient soldés par la mort de 3.000 personnes, épilogue sanglant d'une décennie de crise politico-militaire.
Quelque 34 000 soldats, dont 6 000 Casques bleus, ont été déployés pour assurer la sécurité du scrutin cette année.
Le président de la CEI a estimé qu'avec cette élection «la crise de 2010 est derrière nous».
Vu l'horaire matinal de cette annonce, aucune manifestation n'était perceptible dans la capitale.
Contraste avec 2010
Il y a sans aucun doute un énorme contraste avec 2010. Il y a cinq ans au 2e tour, la lecture des résultats par la CEI (et donnant Ouattara vainqueur) s'était déroulée sous tension, puis le Conseil constitutionnel qui devait valider les résultats avait annoncé des chiffres différents de la CEI, proclamant Gbagbo vainqueur et précipitant le pays dans la crise.
Un tel scenario semble hautement improbable cette année et M. Ouattara devrait être investi sans problème au cours de la première quinzaine du mois de novembre, selon une source à la CEI.
Avant son élection, celui-ci avait dit vouloir poursuivre son action économique, promettant notamment de faire reculer le chômage, de continuer électrification du pays et à le doter d'infrastructures nouvelles.
Sur le plan politique, il a promis une réforme de la Constitution qui sera soumise à un référendum. «Ceci permettra d'enlever tous les germes "confligènes" de l'actuelle Constitution», avait-il précisé en faisant allusion à la question de l'«ivoirité», qui a souvent fait débat dans ce pays de 23 millions d'habitants (il existe une immigration forte en provenance des pays voisins).
Des élections législatives doivent avoir lieu dans les deux prochains mois. La victoire écrasante de Ouattara lui permet d'espérer obtenir une majorité à l'Assemblée. Seule inconnue: l'attitude de l'opposition qui y participera ou non.